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Brésil : 20 thèses sur la situation du Brésil et les tâches des révolutionnaires.

Adopté par le congrès du SAP (Parti Socialiste des Travailleurs, Danemark) 8-9 novembre 2003

jeudi 8 juillet 2004

Une victoire historique

1) L’élection de Luis Ignacio " Lula " da Silva comme président du Brésil et la formation du premier gouvernement PT (Parti des Travailleurs) le 1er janvier 2003 marque une nouvelle étape dans la lutte des classes dans le plus grand pays d’Amérique du Sud. Ceci est donc un développement qui aura des répercussions bien au-delà des frontières du Brésil. Les socialistes révolutionnaires, dont les supporters de la Quatrième Internationale, ont pris une part active et non négligeable dans le développement du parti. Ils font face à présent à d’énormes défis : à la fois avancer un programme pour une autre société, et résister au risque de se faire absorber par un gouvernement qui manque à ses engagements envers ses électeurs. SAP et d’autres révolutionnaires à travers le monde devront dans la période à venir apprendre de l’expérience brésilienne et donner leur contribution quant à la façon dont le progrès social peut être réalisé.

2) La nouvelle situation parlementaire est d’abord une expression des aspirations des ouvriers, paysans, indiens et des pauvres pour une meilleure donne dans un pays marqué par une inégalité sociale massive. Malheureusement nous parlons ici d’aspirations et de croix sur un bulletin de vote au lieu de la mobilisation d’un mouvement actif ; et cela rend donc plus difficile le fait de mener à bien des réformes radicales et de mettre le gouvernement sous pression. Bien que Lula était le candidat qui a symbolisé les espoirs et aspirations du peuple, son programme de gouvernement peut être critiqué comme étant modéré, réformiste et irréaliste. Malgré ces limitations intrinsèques, le changement de gouvernement a créé une nouvelle dynamique dont le cours et le but ne peut pas être prévu avec certitude.

Le rôle du Parti des Travailleurs

3) Le PT prend ses racines dans la grande grève des métallurgistes à Sao Paolo en 1980 et s’est développé après la transition entre militaires et civils dans les années 80, pour devenir une voix politique unique et pluraliste des mouvements radicaux des opprimés.

Malgré une bureaucratisation considérable, le parti a des liens étroits avec les plus importants mouvements de masse militants, comme la fédération syndicale CUT et le mouvement des paysans sans terres, le MST.

4) Le PT s’est consolidé en tant que parti de gauche dominant au parlement et a accumulé beaucoup d’expériences importantes. L’une des plus connues à l’étranger est celle de la gestion démocratique de l’état du Rio Grande do Sul et sa capitale Porto Alegre, où des supporters de la Quatrième Internationale ont joué un rôle dominant, et qui est connue pour avoir promu le Forum Social Mondial, ainsi que d’autres initiatives.

5) Avec l’émergence du parti dans les mouvements de masse militants, le haut niveau de démocratie interne et l’existence de factions politiques différentes font du PT un parti a caractère unique. Les factions à l’intérieur du PT représentent les courants du mouvement ouvrier allant des sociaux-démocrates de droite aux marxistes révolutionnaires. La droite a été plus forte ces dernières années.

Le gouvernement de Lula : Alliance avec les bourgeoisies nationale et étrangère

6) Même pendant la campagne présidentielle, il était clair que Lula se préparait à la collaboration de classe. Cela s’est révélé le plus clairement à travers l’alliance avec le petit Parti Libéral, de droite. Son gouvernement comprend des représentants d’intérêts de classe contradictoires et repose sur une majorité parlementaire, au sein de laquelle le PT est minoritaire.

7) La politique étrangère du gouvernement s’est opposée à la guerre menée par les Etats-Unis en Irak, et a joué un rôle prépondérant en mobilisant l’opposition du tiers-monde face aux diktats des Etats-Unis et de l’Union Européenne dans les négociations de l’OMC à Cancun. Au même moment le gouvernement a coopéré avec le FMI et a assumé le poids de la dette extérieure du Brésil ainsi qu’une série de demandes du FMI, comme la privatisation de banques et la baisse des retraites.

8) De façon générale, la politique économique a été une continuation de la ligne néo-libérale existante, et la décision de rendre la Banque Centrale politiquement indépendante allait même au-delà de ce qu’avait fait le précédent gouvernement sous Cardoso.

9) La légitimité populaire du gouvernement repose toujours sur sa promesse de progrès social pour les pauvres. Plus important est de voir comment les mouvements sociaux vont se mobiliser pour réaliser ces attentes et comment le PT se comportera vis-à-vis d’eux. Lorsque 40,000 membres de syndicats du secteur publique ont manifesté en juin dernier contre la baisse des retraites et brandi l’âge de départ à la retraite, c’était le premier mouvement large de protestation contre le gouvernement. Il est trop tôt pour tirer des conclusions sur les relations entre le gouvernement, le parti et les mouvementes populaires.

Confrontation inévitable

10) Avant et après les élections, Lula s’est allié à la droite du PT. Leur projet est de mener à bien un certain nombre de réformes dans le cadre des limites prescrites par le capital national et international. Ce n’est pas un projet réaliste dans le sens qu’il promet seulement de petits progrès dans un domaine au détriment de coupes sombres dans un autre. Il y a une contradiction inévitable entre la défense des intérêts des travailleurs, des étudiants, des paysans et des pauvres, et la défense des intérêts de l’élite (le gouvernement sera donc sous la pression des deux parties et le facteur décisif sera la force de la mobilisation populaire).

11) Le gouvernement pressera les mouvements populaires de " prendre patience " et " d’éviter la confrontation ", mais les mouvements qui ne mobilisent pas s’atrophient et perdent leur capacité à mobiliser. Une telle défaite des mouvements entraînera une démoralisation et le renforcement de la droite.

12) Il y a une bataille continue à l’intérieur du PT pour la ligne du parti et la critique générale de la ligne conservatrice que le gouvernement a suivi jusqu’à présent. Alors que la gauche est maintenant une minorité au sein du parti et que la droite domine l’appareil, il y a néanmoins toujours désaccord entre le gouvernement et le PT, ou même avec des parlementaires du PT sur cette question. Par exemple, une majorité de parlementaires PT a voté contre l’indépendance de la Banque Centrale. Il y a toujours des possibilités pour une lutte politique à l’intérieur du parti.

13) Pour la droite du parti, la gauche est une menace pour ses plans de collaboration de classe. Ils cherchent donc à l’isoler ; un exemple en est la procédure disciplinaire contre Heloisa Helena, sénatrice et critique de gauche la plus connue du gouvernement, et contre d’autres parlementaires. Il y a la possibilité que la gauche décide de scissionner et de commencer à construire un nouveau parti avec des socialistes déjà en dehors du PT. Il est vital pour la gauche qu’une telle lutte et qu’une telle scission se passe de façon à ne pas s’isoler des masses. D’un autre côté, il y a le danger que la gauche se laisse pousser à un adoucissement de sa critique du gouvernement afin de sauvegarder ses positions, comme ce qui s’est passé récemment avec la DS qui a accepté de voter en faveur de la baisse des retraites sous la menace d’expulsion.

14) La gauche a besoin de développer une alternative à Lula et à la droite :

• basée sur les organisations de masse

• qui fait appel à l’internationalisme

•qui a pour but l’expropriation du pouvoir économique et politique du capital

Cela veut dire un Brésil socialiste.

Un Brésil socialiste est-il possible ?

15) Depuis l’effondrement du " socialisme réel ", il a été plus difficile de voir comment la mainmise des USA sur l’Amérique Latine peut être brisée. Au Nicaragua les Sandinistes ont été forcés à renoncer au pouvoir face à une offensive US accablante, et les troupes de guérilla au Guatemala et El Salvador ont signé des accords de paix qui n’étaient rien de moins que des déclarations de capitulation. Tout ceci était le signe que la perspective de la gauche latino-américaine dans les années 90 s’est déplacée vers la recherche de réformes modérées autorisées par les Etats-Unis.

16) La taille du Brésil, géographiquement, démographiquement, et pas le moindre, économiquement parlant, signifie qu’il n’est pas aussi dépendant de son environnement que le Nicaragua. D’un autre côté, cela signifie qu’un cours socialiste serait beaucoup plus inacceptable pour les pouvoirs impérialistes.

17) Un gouvernement socialiste devrait se préparer aux attaques auxquelles il aurait à faire face. Economiquement, les capitalistes nationaux et internationaux essaieraient de saboter un Brésil socialiste par la fuite de capitaux, des grèves de l’investissement, et des demandes de remboursements d’emprunts. Il y a aussi la menace latente de l’armée (en 1964, lorsque le gouvernement Goulart planifia des réformes coûteuses, il fut renversé par un coup d’état soutenu par les Etats-Unis et qui amena une dictature militaire). La même chose est arrivée dans de nombreux pays d’Amérique Latine. Afin d’empêcher un tel coup d’état il est vital de retirer tous les éléments et pratiques anti-démocratiques dans l’armée et soutenir les tentatives d’organiser les soldats et de créer des organisations de défense ouvrière armées pour défendre un gouvernement socialiste contre un coup d’état.

18) Plus important encore est la dynamique régionale et internationale que cela créerait. Non seulement un tel développement " infecterait " le reste de l’Amérique Latine mais il serait également " dépendant " d’une telle contagion. Les USA essaieraient d’isoler et de détruire un Brésil socialiste ; la lutte pour le socialisme au Brésil devrait donc avoir une perspective à la fois régionale et internationale pour avoir une chance contre la domination mondiale US.

Nos tâches

19) Avec cette compréhension de l’interconnexion de la situation internationale, le Brésil a une importance pour la lutte de classes au Danemark. Nos tâches sont de desserrer l’étau que les organisations internationales placeraient autour du Brésil, de construire un mouvement contre le FMI et la Banque Mondiale et pour un moratoire sur la dette. Dans certains endroits il est possible de construire des mouvements de solidarité envers les mouvements sociaux populaires du Brésil.

• solidarité syndicale

• soutien de la lutte ses paysans sans terre pour une réforme agraire et la défense des occupations de terres

• défense des droits de l’être humain

20) Nous devons aussi soutenir les révolutionnaires dan le PT contre l’offensive des modérés. Nous pouvons seulement empêcher les tentatives de marginalisation et d’isolement de la gauche, à travers une conscience accrue des problèmes et donc faire des déclarations publiques de soutien, et des pétitions peuvent être utilisées en ce sens. SAP fera circuler la pétition existante lancée par Socialist Resistance, en défense des révolutionnaires du PT menacés d’expulsion.