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Appel des mouvements sociaux :

Porto Alegre, Brésil, janvier 2003

dimanche 23 février 2003

Une crise globale est imminente. Les intentions bellicistes du gouvernement des États-Unis contre l’Irak constituent une grave menace pour nous tous ; elles illustrent dramatiquement les liens existant entre la militarisation et la domination économique. Dans le même temps, la globalisation néo-libérale est en crise et la menace d’une récession globale plus que jamais présente ; les scandales liés à la corruption des grandes entreprises sont quotidiennement a la Une et mettent à nu la réalité du capitalisme.

Les inégalités sociales et économiques s’approfondissent, déstructurant nos sociétés et nos cultures, nos droits et jusqu’à nos vies. La biodiversité, l’air, l’eau, les forêts, la terre et la mer sont sacrifiés et mis à l’encan. Tout ceci hypothèque notre avenir commun. Nous refusons cette perspective.

Pour assurer notre avenir

Dans le monde entier, nous, mouvements sociaux, nous sommes engagés contre la globalisation néolibérale, la guerre, le racisme, le système de castes, la pauvreté, le patriarcat et toutes les formes de discrimination et d’exclusions, quelles soient économiques, ethniques, sociales, politiques, culturelles, de genre ou sexuelles. Nos objectifs sont la paix, la justice sociale, la citoyenneté, la démocratie participative, le respect des droits universels et le droit des peuples à disposer de leur futur.

Nous défendons la paix et la coopération internationale pour une société soutenable, répondant aux besoins des populations en termes d’alimentation, de logement, de santé, d’éducation, d’information, d’eau, d’énergie, de transport et de Droits de l’Homme.
Nous sommes solidaires des femmes engagées contre toute les formes de violence. Nous soutenons les luttes des paysans, des salariés, des mouvements sociaux urbains et de tous ceux qui font face à l’urgence car privés de toit, d’emploi, de terre et de droits.
Nous avons été des millions à manifester pour dire qu’un autre monde est possible.

Cela n’a jamais été aussi vrai et aussi urgent.

Non à la guerre !

Nous condamnons la militarisation, l’augmentation des bases militaires et de la répression qui génèrent des masses de réfugiés, criminalise les mouvements sociaux et les pauvres.

Nous nous élevons contre le projet de guerre en Irak, contre les attaques que subissent les peuples palestiniens, tchétchènes et kurdes, contre les guerres en Afghanistan, en Colombie, en Afrique, contre les menaces croissantes de guerre en Corée. Nous nous opposons aux agressions politiques et économiques perpétrées à l’encontre du Venezuela et contre le blocus économique et politique contre le peuple cubain. Nous condamnons toutes les pressions économiques et militaires visant à imposer le modèle néo-libéral et à miner la souveraineté et la paix des peuples du monde.

La guerre est devenue une dimension structurelle et permanente d’une domination globale utilisant la puissance militaire pour contrôler les peuples et les ressources stratégiques telles que le pétrole. Le gouvernement des États-Unis et ses alliés banalisent la guerre comme solution à tous les conflits. Nous dénonçons également les tentatives délibérées des pays riches pour aviver les tensions religieuses, ethniques, racistes, tribales et autres, et intervenir dans le monde entier pour protéger leurs seuls intérêts.

L’opinion publique mondiale est majoritairement opposée au projet de guerre contre l’Irak. Nous appelons tous les mouvements sociaux et les forces progressistes à soutenir et à participer à la journée mondiale de protestation du 15 février 2003. D’ores et déjà, des manifestations réunissant tous ceux qui s’opposent à la guerre sont prévues dans plus de 30 capitales et grandes villes dans le monde.

Enrayer la mécanique de l’OMC

L’organisation mondiale du commerce (OMC), l’accord de libre échange des Amériques (AZLEA) et la prolifération des accords de libre échange régionaux et bilatéraux, tel que l’accord de développement africain (NEPAD) sont utilisés par les transnationales pour leurs seuls intérêts, pour dominer et contrôler nos économies et imposer un modèle de développement qui accroît la pauvreté. Au nom de la libéralisation du commerce chaque dimension de la vie et de la nature est à vendre et les peuples se voient dénier leurs droits élémentaires. Les transnationales agroalimentaires essayent d’imposer leurs OGM au monde entier ; les hommes et les femmes affectés par le virus du Sida et d’autres pandémies, en Afrique et ailleurs, se voient interdire l’usage de médicaments génériques moins coûteux. Ceci alors que les pays du sud sont piégés dans un cycle d’endettement sans fin qui les contraint à ouvrir leurs marchés et à brader leurs ressources.

Cette année, nos campagnes contre l’OMC, l’AZLEA et la libéralisation du commerce sont appelés à grandir et à se renforcer. Nous allons nous mobiliser pour arrêter et inverser la libéralisation de l’agriculture, de l’eau, de l’énergie, des services publics et de l’investissement ; pour que les peuples se réapproprient leurs sociétés, leurs ressources, leurs cultures, leurs savoirs, leurs économies.

Nous sommes solidaires de paysans mexicains qui disent : "les fermiers n’en peuvent plus" et à leur exemple, nous nous mobiliserons localement, nationalement et internationalement pour enrayer la mécanique de l’OMC et de l’AZLEA. Nous soutenons le mouvement mondial qui se développe pour la souveraineté alimentaire et contre les modèles néolibéraux d agriculture et de production et distribution alimentaire. Nous organiserons des protestations massives dans le monde entier à l’occasion de la cinquième réunion ministérielle de l’OMC à Cancun, au Mexique, en septembre 2003, ainsi que lors de la réunion ministérielle de l’AZLEA à Miami, États-Unis, en octobre.

Annulons la dette

L’annulation complète et inconditionnelle de la dette du tiers monde constitue un préalable indispensable pour répondre aux droits humains les plus élémentaires. C’est pourquoi nous soutiendrons tout pays endetté qui déciderait d’arrêter de rembourser la dette extérieure publique et romprait avec la politique d’ajustement structurel du FMI. Les siècles d’exploitation des peuples du tiers monde, de leurs ressources et de leur environnement leur ouvrent le droit à réparation. "Qui doit à qui" aujourd’hui ?

Tous ces enjeux seront au cœur de nos campagnes en 2003 : G8 (Evian, juin), OMC (Cancun, septembre), réunion annuelle du FMI et de la Banque mondiale (Washington, septembre).

Contre le G8

Nous appelons tous les mouvements sociaux et les forces progressistes à rejeter les politiques du G8, organisme illégitime, qui se réunira à Evian en France du premier au trois juin 2003. Nous les invitons à s’inscrire dans les mobilisations qui se tiendront dans le monde entier et seront marquées par un rassemblement international à Evian avec un sommet alternatif, un camp alternatif et une importante manifestation internationale.

Femmes : pour l’égalité

Nous sommes partie prenante des actions organisées par les mouvements féministes à l’occasion du 8 mars, journée internationale des femmes contre toutes les formes de violence et de patriarcat, pour l’égalité sociale et politique.

Solidaires

Nous appelons à la solidarité de toutes les forces progressistes et sociales, mouvements et organisations du monde entier à développer la solidarité avec les peuples palestinien, vénézuélien, bolivien et tous ceux qui luttent en ce moment même contre l’hégémonie.
Renforcer notre réseau international

L’esprit du texte que nous avons adopté l’an passé lors du Forum de Porto Alegre et qui définit nos objectifs, nos combats et nos alliances, continue de nous animer et d’inspirer nos mobilisations. Parce que le monde a depuis connu des changements rapides, nous éprouvons le besoin de progresser dans notre travail en commun, dans notre façon de travailler et de prendre des décisions ensemble. Ceci pour élaborer un cadre ouvert, radical, démocratique, divers, internationaliste, féministe, anti-discriminations et anti-impérialiste ; un cadre permettant d’articuler nos analyses, nos engagements et nos mobilisations.

Ceci nécessite la participation active de tous les mouvements, dans le respect de leur indépendance vis a vis des gouvernements, des partis politiques et dans le respect de leur autonomie, ainsi que le spécifie la charte du Forum social Mondial. Ce cadre se nourrira des contributions de tous les différents acteurs sociaux partageant leurs expériences et pratiques sociales, dans le respect des différentes formes d’expression politique et d’organisation de ces mouvements sociaux, de leurs valeurs et cultures spécifiques.

Nous avons besoin de constituer un réseau qui soit réactif, souple et durable, ouvert et transparent, horizontal et efficace. Sa responsabilité sera d’enrichir et de nourrir ce processus, de promouvoir sa diversité et d’assumer le niveau de coordination nécessaire.

Ce réseau visera à renforcer la participation des mouvements du monde entier aux débats de fond, à faciliter l’action commune, à renforcer l’initiative de toutes celles et ceux mobilisés autour d’enjeux sociaux.

A cette fin, nous proposons d’établir un groupe de contact ; au service de nos mobilisations internationales, il aura à préparer des réunions, à dynamiser le débat et la démocratie au moyen d’un site internet et de listes de discussions électroniques. Il travaillera durant 6 à 12 mois, sur la base de l’expérience des animateurs du réseau des mouvements sociaux et populaires qui sont basés au Brésil.

Tout en étant provisoire, ce dispositif assure une continuité. Dans ce cadre, la tâche principale de ce groupe provisoire est de faciliter le débat pour que les mouvements sociaux du monde entier définissent des procédures concrètes de travail en commun. C’est un processus évolutif : un premier bilan se fera lors des réunions du réseau des mouvements sociaux qui se tiendront durant les mobilisations de masse contre l’OMC à Cancún en septembre 2003. Un second bilan se fera lors de la réunion du Forum social mondial prévu en Inde en 2004, également lors des réunions du réseau des mouvements sociaux.

Ces bilans évalueront notamment l’efficacité de la coordination et envisageront les moyens de l’améliorer. Ils examineront également les moyens d’organiser la transition d’une année sur l’autre, et d’inclure les mouvements nationaux, régionaux, les campagnes thématiques. Entre temps, il est nécessaire que se développe un large débat dans les organisations, campagnes et réseaux afin d’articuler les propositions pour une architecture plus permanente et plus représentative.

Dans les mois qui viennent nous auront de nombreuses occasions pour expérimenter, améliorer et construire ce réseau dans nos mobilisations.

Nous appelons tous les réseaux, mouvements populaires et sociaux à signer cet appel et à faire parvenir leurs signatures dans les deux mois à movsoc@uol.com.br