Nous publions ci-dessous dopuze maxime de Gianfranco Pala, qui recentrent de nombreux débats sur le capitalisme et l’impérialisme à partir d’une clarification conceptuelle.
Ces maximes renvoient à un grand nombre d’écrits de l’auteur, pour l’essentiel en langue italienne. La rigueur logique des développements effectués pas Pala serait la bienvenue dans plus d’un article sur le capitalisme, l’impérialisme, les conflits de classes, les transnationales... diffusés dans le mouvement "altermondialiste". Réd.
1. L’impérialisme appartient au capital, dès lors le thème ne relève pas d’une question générale de dénomination (" Empire ", etc.) mais de sa substance. Ce qui compte est précisément le substantif : le capital.
2. Le capital est un rapport social (et non une chose), ce qui implique trois caractéristiques :
• "rapport social" signifie fondamentalement "rapports de production" (mais pas seulement parce que se sont avant tout des "rapports de vie"), à savoir des rapports de propriété ;
• les "rapports de propriété" (appropriation et expropriation en tant qu’oppositions), ne sont pas "communs", ils sont privés, dans le sens que des individus sont "privés" par d’autres de la disposition d’objets et de relations. Cela représente des rapports de classes, des rapports entre les classes sociales fondamentales, qui, dans le mode de production capitaliste, assument la forme de lutte entre bourgeoisie (capitaliste) et prolétariat (c’est-à-dire tout le travail salarié - Lohnarbeit -, et non le travail général - Arbeit - ou seulement "ouvrier") ;
• le capital comme rapport social n’est pas caractérisé seulement de façon antithétique par rapport à "l’autre classe" définie (le prolétariat), mais il l’est aussi par rapport à "d’autres capitaux" (le capital fini) qui de manière constitutive doivent être multiples(la multiplicité des capitaux) ce qui implique " l’anarchie de la production ".
3. Sans l’anarchie de la production capitaliste (qui renvoie à la séparation et à l’indépendance des décisions prises par de nombreux capitaux) - qui intègre la conflictualité inter-impérialiste des "frères ennemis" [les capitalistes] - il n’y aurait pas de crises (capitalistes) de surproduction de valeur (ou de surproduction de plus-value non-accumulable). Même si la plus-value était réalisée [si les marchandises étaient vendues], cela ne suffirait pas, car la finalité du capital n’est pas la réalisation (vente et consommation), mais l’accumulation pour l’élargissement de la production de valeur.
4. La multiplicité essentielle des capitaux (leur dite finitude, particularité) est en contradiction immanente avec l’infinité caractéristique du capital (mode de production), conceptuellement unique dans l’histoire ("production pour la production", comme son propre but, de valeur et de plus-value).
5. Le "rapport entre les classes", au même titre que les classes elles-mêmes (bourgeoisie et prolétariat), avec leur lutte, ne peuvent exister dans le capitalisme sans l’autre rapport, celui à l’intérieur de la classe dominante ; sans cela le mode de production capitaliste lui-même ne serait pas ce qu’il est. En conséquence, la conflictualité capitaliste est spécifique, parce que, par contre, les classes, la propriété privée, la plus-value et l’exploitation lui préexistent (et peuvent se poursuivre) sous des formes diverses.
6. La centralisation du capital - tout d’abord monopolistique, puis financière (c’est-à-dire productive plus monétaire, et non seulement sous cette dernière forme) - se révèle au travers de ses "phases supérieures" (l’impérialisme du capital), là où la lutte concurrentielle ne s’arrête pas, mais se manifeste comme guerre économique, et non seulement économique, des monopoles entre eux.
7. Les phases de l’impérialisme (national, multinational, transnational) se suivent sous une forme sous laquelle chacune contient - "conserve et dépasse" (aufheben) - la précédente. Par conséquent, si l’Etat national perdure, ils se modifie toutefois, s’acquittant de diverses fonctions, avec un rôle spécifique rénové à côté des autres formes organisationnelles superstructurelles [de la Banque Centrale Européenne à l’OMC].
8. Plutôt que d’Etat ("national"), il conviendrait aujourd’hui de parler d’institutions (et ceci non pas dans le sens donné par ledit "institutionnalisme" en économie qui implique plutôt une accession politique et peu analytique du régulationisme post-keynesien). La référence "aux institutions", aujourd’hui, par rapport au concept plus étroit "d’Etat", sert à mieux expliquer leur transversalité et leur extension multiple (qui va des structures administratives des entités locales jusqu’aux Etats en tant que tels, en passant par les macro-régions informelles jusqu’aux fédérations d’Etats, pour terminer avec les organismes supra-étatiques).
9. L’impérialisme transnational est la forme contemporaine qui non seulement opère sur tout le marché mondial, mais est caracterisé par des "aménagements de propriété" structurés par le grand capital, lequel se sert de n’importe quelle institution ("l’Etat" ou tout autre forme institutionnelle) qui lui arrive de "traverser" (ce qui fait évidemment référence, en première instance, aux capitaux ayant une "base" dans un "Etat" déterminé).
10. La territorialité de l’institution - et particulièrement de "l’Etat" national qui persiste - ni ne se dissipe (elle ne peut matériellement disparaître), ni ne peut se représenter au travers d’une unique entité indifférenciée. Mais, elle ne peut non plus se concentrer dans ces institutions plus vastes (tels que les pôles impérialistes) en conflit entre eux.
11. Le conflit inter-impérialiste non seulement perdure, même si ce n’est pas en termes directement "territoriaux", mais s’exprime plus directement dans le concept fondamental des contradictions mises en place par l’antagonisme entre classes (capital et travail salarié, à l’échelle mondiale) et à l’intérieur de la classe dominante entre de multiples capitaux transnationaux (et non immédiatement entre Etats).
12. C’est à travers les zones monétaires que les contradictions antagonistes non immédiatement territoriales se manifestent dans cette phase sous une forme double. D’une part, les monnaies de référence sur le marché mondial ne peuvent plus être gérées par les "banques centrales" appartenant aux Etats ou aux supra-Etats impérialistes dominants. Toutefois, de l’autre côté, de telles monnaies "prisées" [recherchées] sont en situation d’occuper tout le marché mondial lui-même, indépendamment, de l’instance [banques centrales] et du lieu d’émission, ainsi que de la provenance territoriale du capital qui décide de les traiter, aussi en s’en défaisant.
* Professeur d’économie à l’université La Sapienza, Rome. Animateur de la revue La Contraddizione.
(tiré du site À l’encontre)