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Attaque d’Israël contre la Syrie

L’attaque israélienne constitue un pas de plus vers la guerre au Moyen-Orient

par Robert Fisk à Beyrouth

dimanche 12 octobre 2003

Israël a reçu le feu vert qui lui fut transmis par le biais de la loi de la "responsabilité syrienne" (Syria Accountability Act), débattue au Congrès avec l’aide des pro-israéliens, qui imposera des sanctions à l’encontre de Damas pour son supposé soutien enthousiaste du "terrorisme" et pour l’occupation du Liban. Les uns après les autres, les intervenants aux débats ont prévenu que la Syrie était désormais la nouvelle - ou ancienne, ou inexistante - menace que représentait jadis l’Irak : elle possède des armes de destruction massive, des armes bactériologiques, qu’elle a reçu les armes de destruction massive inexistantes de l’Irak juste avant notre invasion illégale de l’Irak au mois de mars. Le mensonge israélien sur les "milliers" de Gardiens de la Révolution dans la vallée de la Bekaa au Liban a aussi été révélée. En réalité, cela fait 20 ans qu’il n’y a plus de militant iranien au Liban. Et alors ?

Le régime dictatorial de la Syrie - qu’on ne peut nier - doit être frappé après qu’une avocate de Jénine, qui n’a probablement jamais mis les pieds à Damas, se soit fait exploser avec 19 Israéliens innocents à Haifa. Pourquoi pas ? Si l’Amérique peut frapper l’Afghanistan pour un crime international contre l’humanité commis le 11 septembre 2001, et où 15 des 19 pirates étaient Saoudiens, et si l’Amérique peut envahir l’Irak, qui n’avait absolument rien à voir avec le 11 septembre, pourquoi est-ce qu’Israël ne frapperait pas la Syrie ? Oui, la Syrie soutient le Hamas et le Jihad Islamique. Mais l’Irak héberge les Moudjahidines Khalq, qui bombardent l’Iran, et les Américains ne les ont pas bombardés. A Jérusalem se trouve un gouvernement qui menace ouvertement la vie de Yasser Arafat mais personne ne propose une action contre l’administration israélienne. A Jérusalem vit un premier ministre, Ariel Sharon, qui fut déclaré "personnellement responsable" par la commission israélienne Kahane pour le massacre de 1 700 civils palestiniens au camps de réfugiés de Sabra et Chatila à Beyrouth en 1982. Mais il ne sera pas traîné en justice pour crime de guerre. Bien sûr, la Syrie va protester devant les Nations Unies contre les frappes aériennes d’un "camp d’entraînement" du Jihad Islamique.

Grand bien lui fasse. Alors que les Etats-Unis sont incapables de soutenir une résolution condamnant les menaces israéliennes contre Arafat, refusent de faire arrêter la construction de 600 maisons supplémentaires sur des terres palestiniennes - maisons réservées aux juifs, et uniquement aux juifs, les raids aériens sur la Syrie n’ont aucune importance. Peut-être que cela arrangera les affaires du Liban. Peut-être que le Liban sera épargné des représailles israéliennes contre la violence palestinienne - à moins, bien sûr, qu’Israël ne décide de frapper un "camp d’entraînement" palestinien au Liban. Personne en se demande ce que sont ces "camps d’entraînement". Est-ce que les kamikazes palestiniens ont réellement besoin d’un camp pour s’entraîner au suicide ? Faut-il beaucoup d’entraînement pour appuyer sur un bouton ? La mort d’un frère ou d’un cousin provoquée par l’armée israélienne constitue certainement un entraînement largement suffisant. Mais non. Hier, nous avons assisté à un nouveau pas vers la guerre au Moyen-Orient, en démontrant qu’il était permis de bombarder la Syrie dans le cadre d’une "guerre contre le terrorisme" qui, selon le Président Bush lui-même, inclut désormais la bande de Gaza. Il existe des précédents. En 1983, lorsque le Président Reagan combattait le "terrorisme" au Moyen-Orient, il ordonna le bombardement de l’armée syrienne dans la vallée libanaise de la Bekaa. Un pilote fut perdu et le co-pilote capturé par les Syriens. Il ne fut rendu qu’après une négociation longue et embarassante de Jesse Jackson. A une époque où l’Amérique se permet de menacer la Syrie et l’Iran - membres du fameux "Axe du Mal" - tout ceci peut paraître anodin. Mais la Syrie a bien vu ce qui est arrivé à l’armée américaine en Irak, et se sent encouragée à venger les attaques d’Israël ou de l’Amérique, quel qu’en soit le prix. Si l’Amérique ne peut contrôler l’Irak, pourquoi la Syrie aurait-elle peur d’Israël ?

The Independent, 5 octobre 2003.
(tiré du site Quibla.hebdo http://quibla.stcom.net/)
(Traduit de l’anglais par Cuba Solidarity Project)