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Négociation des secteurs public et parapublic : Créer un vaste front social contre le gouvernement Charest

mardi 1er décembre 2009, par Bernard Rioux, Chloé Matte Gagné


Tiré du site PTAG
mardi 1er décembre 2009,
par Bernard Rioux et Chloé Matte Gagné


Le gouvernement Charest a déposé ses "offres" : une convention collective d’une durée de 5 ans et une augmentation des dépenses de 7% dans le secteur public. Le gouvernement Charest n’apporte aucune précision sur ce que cela signifiera en termes d’augmentations salariales concrètes pour les 475 000 employé-e-s de l’État. Pour le Front commun du secteur public, on est loin du compte.

Le fossé entre les demandes syndicales et les offres gouvernementales est important. Les intentions gouvernementales ne peuvent conduire qu’à une détérioration des services publics et des conditions de travail. Seule une mobilisation unitaire des syndiqué-e-s et des couches populaires à la défense des services publics pourra faire reculer le gouvernement qui semble décider à faire payer les coûts de la crise aux travailleuses et aux travailleurs. Encore faudrait-il lever les obstacles qui se dressent dans la concrétisation d’une telle perspective.

Le contexte actuel est loin d’être facile pour les luttes ouvrières. La crise économique est bien réelle mais devient aussi facilement prétexte pour le patronat à rechercher des concessions. Le secteur des communications, des médias et de la presse sont depuis deux ans les principales victimes de cette offensive patronale. On l’a vu, la lutte des travailleuses et des travailleurs du Journal de Québec s’est conclue par des concessions importantes après un an de grève et une lutte exemplaire avec la sortie d’un quotidien. La Presse vient elle aussi d’arracher des concessions importantes à ses employé-e-s, entre autres sur la semaine de travail (cinq jours au lieu de quatre). Tout cela sous prétexte de s’adapter au contexte de mondialisation et d’uniformisation des plates formes électroniques : journal écrit, web, iphone, twitter, etc. Le secteur manufacturier ou ce qu’il en reste lui aussi va de l’avant dans les coupures et fermetures de postes : Bombardier, Prévost car, Pratt et Whitney, etc.

Alors quand, dans ce contexte, on parle de négos du secteur public, il faut se dire que la lutte ne sera pas facile.

Un mois avant le dépôt des offres syndicales, le gouvernement du Québec se met à parler de déficit important, plus important qu’il ne pensait et même extrêmement inquiétant. La table est mise. Jusqu’à TVA qui, une semaine durant, fait rouler un compteur pour montrer les augmentations de la dette à toutes les secondes.

Pourtant le mouvement syndical dans le secteur public réagit dans l’unité. C’est le plus grand front commun depuis les années 70 qui se met en place. Les directions syndicales s’entendent même pour des protocoles de non maraudage pour éviter la division des troupes. La stratégie cependant se situe dans un cadre bien acceptable au gouvernement. Le mot d’ordre est : « il faut régler avant le 31 mars 2010 » soit avant la fin des décrets. Est-ce à dire que les directions pensent négocier sans avoir recours à la mobilisation, car on le sait, les décrets limitent dangereusement les possibilités d’actions syndicales sinon des amendes importantes pourraient être imposées. Mais non voyons... Les actions seront au rendez-vous mais se situeront dans la légalité. Comment dans ce cadre penser gagner une lutte semblable dans un période si difficile pour les luttes syndicales ?

SE PLACER EN DÉFENSIVE AU DÉPART

La CSN face à la situation économique a appelé un conseil confédéral extraordinaire pour débattre de la crise. Mais en fait, elle a présenté à ses membres une perspective de travail qui risque d’influencer beaucoup la lutte du secteur public.

En se plaçant sur la défensive, en cherchant de l’argent pour le gouvernement, la CSN en vient à jouer un rôle de chien de garde des dépenses publiques. Elle veut faire mieux que le gouvernement et bien paraître aux yeux du public. Nos syndiqué-e-s du secteur public ne veulent pas prendre votre argent des taxes et vous égorger... Nos syndiqué-e-s vont trouver de l’argent sans que ça vous coûte quoi que ce soit. C’est ainsi qu’on pense ménager l’opinion publique et l’avoir de notre bord.

Mais cette stratégie est fausse au départ. Le gouvernement a sa stratégie : négocier en faisant semblant pour bien paraître mais ne rien céder et continuer son projet néolibéral de coupures dans la santé et l’éducation.

Ce qu’il faut c’est ne pas se situer sur ce terrain. Il faut passer à l’offensive en se battant pour les services publics. Le salaire du personnel devient dans ce contexte une garantie des services de qualité. Il faut avoir la population sur la base de la défense des services publics et non sur celle des coupures à cause de la crise. Car les coupures c’est le discours du gouvernement. Mais il coupe que ce qu’il veut bien couper. Demander aux industriels de l’asphalte s’ils ont été coupés, aux firmes d’ingénieurs pour les projets de construction, aux entreprises de lobbying. Et que dire des subventions à la F1 (course automobile des plus polluantes). L’argent, il y en a pour les gros mais rien pour les programmes sociaux.

C’est en dénonçant cette situation que la CSN va passer à l’offensive et non se situer sur le terrain gouvernemental.

LA POSITION DE LA CSN

La position de la CSN ouvre le débat sur deux concessions majeures, soit la possible récupération de 2 % de la TPS en TVQ et la tarification en hausse de l’électricité. Mais elle défend aussi des revendications plus acceptables soit une augmentation des transferts fédéraux, l’encadrement des redevances des industries minières, celles sur l’eau et l’instauration d’une taxe sur les transactions financières spéculatives.

Mais accepter l’augmentation des tarifs d’électricité c’est introduire une division entre les travailleurs, travailleuses du secteur public et les plus démuni-e-s de la société. Ces personnes sans moyens vont voir arriver ces hausses comme des façons de payer les salaires du secteur public. La rage va s’installer contre ces gras durs. De l’autre coté les employé-e- s du secteur public vont se sentir coupables de faire payer la population...ne se battront pas et vont accepter le minimum. De plus, ces hausses vont aussi gruger le peu d’augmentations que les gens vont obtenir de leurs luttes.

On ne peut pas se situer sur ce plan. C’est préparer la défaite.

COMMENT RÉAGIR

Une notion importante de la position CSN, c’est celle du pacte social. Il faut reprendre cette notion et bâtir un vrai front commun populaire contre les coupures dans les services sociaux. Il faut que l’opinion publique se prononce sur le fait qu’elle veut garder la santé et l’éducation gratuite, accessible et conserver l’ensemble des programmes sociaux. Il faut que la lutte du secteur public en soit une de sensibilisation de la population sur le projet de société qu’on veut. Un projet basé sur l’humain et non l’argent. D’autant plus que l’argent on peut en trouver si les compagnies comme les mines paient leur redevances et si les riches n’ont plus le droit à des abris fiscaux.

Le Front commun contre la privatisation et la tarification est une coalition de groupes populaires et féministes qui luttent pour garder les programmes sociaux. De nombreuses organisations syndicales ont déjà donné leur appui à ce regroupement. Le front commun syndical doit se rallier à ces forces populaires pour créer un vaste front social contre le gouvernement Charest. Seul ce ralliement saura créer le rapport de force nécessaire pour que le Front Commun puisse gagner ses revendications. Les conditions de travail et de salaire des employé-e-s du secteur public ne peuvent se gagner qu’en combinant cette lutte avec celle contre la privatisation du secteur public et contre toute tarification.