tiré du blogue de L’R des centres de femmes du Québec
Lundi 15 juin en matinée, neuf groupes1 se sont retirés de la consultation du ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale (MESS) présidée par Sam Hamad, qui visait à préparer le prochain plan de lutte contre la pauvreté. Appuyés par des applaudissements nourris à notre sortie, nous avons été suivis en après-midi par une quinzaine d’autres groupes2 qui se méfiaient de l’attitude du ministre.
Ce geste a été critiqué par les éditoriaux des quotidiens Le Soleil (16 juin) et Le Devoir (17 juin), qui estiment que nous faisions là le jeu de lobbies et que nous privions les pauvres de la voix de leurs représentants, alors que la pauvreté est si souvent oubliée et passée sous silence. Rétablissons les faits.
Nous ne privons pas le ministre de notre parole. Nous interpellons le gouvernement constamment pour qu’il assume ses responsabilités et fasse respecter les droits de la personne, comme il s’est engagé à le faire en adhérant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC). Nos demandes sont précises, claires et simples, nous les répétons constamment.
Par exemple, le Collectif pour un Québec sans pauvreté déposait le 14 mai une pétition à l’Assemblée nationale qui réclamait une hausse du salaire minimum et des prestations sociales de même que des services publics universels. Cette pétition signée par 98 727 personnes et 1 052 organisations était le résultat d’une importante mobilisation populaire de très nombreux organismes. La manifestation de centaines de personnes qui accompagnait le dépôt de la pétition n’a pas été couverte par les médias et n’a trouvé aucun écho dans le document de consultation du ministre.
Notre réaction
Revenons à la consultation. Après avoir examiné le contenu du cahier de consultations préparé pour le 15 juin, nous avons réagi. Le Devoir qualifie lui-même ce cahier d’exercices de vantardise, en soulignant qu’« il dépasse franchement toutes les limites de la flatterie gouvernementale ». Il y a cependant plus. Ce document laisse entendre que le gouvernement a déjà fait son nid.
Pour nous assurer que nous ne faisions pas erreur, nous avons acheminé une lettre au ministre qui a été appuyée par plus de 50 organisations, dont près de la moitié sont d’envergure provinciale. Elle demandait au ministre de nous donner la preuve qu’il ne nous invitait pas à une rencontre pour avaliser ses propres orientations et, plus clairement, qu’il reconnaisse : que la pauvreté et l’exclusion sociale sont des violations de droits, qu’il est de la responsabilité du gouvernement de veiller à leur respect et à leur protection, notamment en y consacrant les ressources nécessaires ; d’affirmer que la lutte contre la pauvreté passe par une meilleure redistribution de la richesse et une diminution de l’écart de revenus réels entre riches et pauvres et de refuser d’accorder à des organismes philanthropiques quelque droit de regard ou contrôle que ce soit sur les politiques publiques de lutte contre la pauvreté.
Le gouvernement n’a pas répondu formellement à nos demandes. Dans son discours d’ouverture du 15 juin, le ministre Hamad s’est contenté de récupérer les mots « respect des droits » et « réduction des écarts de revenus entre riches et pauvres », totalement absents du cahier de consultation, mais uniquement pour affirmer que le gouvernement s’y consacrait déjà, ce qui est faux.
Les catégories
Selon l’article 11 du PIDESC (Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels), qui engage le gouvernement québécois, « les États parties au présent Pacte reconnaissent le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu’à une amélioration constante de ses conditions d’existence ». Aujourd’hui, en 2009, au Québec, en vertu d’une catégorisation du MESS, certaines personnes prestataires de l’aide sociale, qui n’ont aucune autre source de revenus, doivent se contenter de 564$ par mois pour survivre. Avec un tel montant, on est loin du niveau de vie suffisant.
Pourtant, en mai dernier, le ministre a annoncé qu’il ne souhaitait pas renoncer aux catégories. Pire, il refusait de s’engager à augmenter les chèques d’aide sociale pour qu’ils correspondent à 80% de la Mesure du panier de consommation (MPC) ou, en d’autres mots, à 80% de ce qui est jugé comme le minimum nécessaire pour vivre, ce qui permet l’accès à la nourriture, aux vêtements et au logement. Il s’agissait pourtant là d’une recommandation de son propre comité consultatif sur la pauvreté et l’exclusion sociale.
Nous sommes sortis parce que nous ne voulons pas cautionner des politiques contraires à nos demandes. Nous sommes sortis pour que notre présence ne serve pas à prétendre à un soi-disant consensus alors que les positions sur la question sont bien souvent irréconciliables. Le ministre doit reconnaître d’abord ses obligations en matière de droits afin que ses consultations soient crédibles. Puisqu’il ne le fait pas, nous avons choisi une autre façon de nous faire entendre. Ce n’est pas une façon de nous taire. Nous nous faisons déjà entendre autrement et nous continuerons à le faire.
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Ont signé ce texte : Amélie Châteauneuf (Front commun des personnes assistées sociales du Québec) ; Christian Pépin (Association pour une solidarité syndicale étudiante) ; Dominique Peschard (Ligue des droits et libertés) ; France Émond (Regroupement des comités de logement et associations de locataires du Québec) ; François Saillant (Front d’action populaire en réaménagement urbain) ; Josette Catellier (L’R des centres de femmes du Québec) ; Marie- Ève Rancourt (Mouvement d’éducation populaire et d’action communautaire du Québec) ; Patrick C. Pilotte (Coalition des Tables régionales des organismes communautaires) ; Sébastien Rivard (Regroupement intersectoriel des organismes communautaires de Montréal).
Notes
1) Organisations sorties en bloc du Rendez-vous national en matinée : les signataires de ce texte.
2) Les organisations sorties en après-midi : le Collectif pour un Québec sans pauvreté, la Fédération des femmes du Québec, la Fédération québécoise des organismes communautaires Famille, l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux, la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec, Banques alimentaires Québec, Au bas de l’échelle, la Fédération étudiante collégiale du Québec, la Fédération étudiante universitaire du Québec, le Regroupement des Auberges du coeur du Québec, la Coalition pour l’arrêt du détournement des pensions alimentaires pour enfants, la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec, la Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles, le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec et la Fédération des locataires d’habitations à loyer modique du Québec.