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Une gauche anticapitaliste et antidiscriminations

Olivier Besancenot

jeudi 14 septembre 2006

Nous venons de vivre une année enthousiasmante où, en quelques mois, trois grands événements ont secoué la société française : l’insurrection démocratique du 29 mai 2005, l’insurrection des banlieues en novembre de la même année et, au printemps dernier, la mobilisation contre le CPE, qui a redonné le goût de la victoire. Pourtant, la tâche la plus urgente est de remettre sur les rails de la question sociale une campagne électorale qui a déjà méchamment commencé à déraper. Comme lors de la précédente campagne présidentielle, la gauche est en train de se laisser imposer l’insécurité comme seul thème politique majeur.

Pourtant, personne à gauche n’a intérêt à ce petit jeu. Pour vaincre le Medef et Sarkozy, il est totalement vain de leur opposer une gauche à la fois libérale et sécuritaire. Ce dont le mouvement populaire a besoin, c’est d’une gauche à la fois anticapitaliste et résolument antidiscriminations !

Les discriminations sexuelles ? Tous les quatre jours, une femme meurt sous les coups de son compagnon. Combattre les discriminations, c’est lutter contre les violences faites aux femmes, imposer l’égalité des salaires entre hommes et femmes, instaurer l’accès à l’avortement libre et gratuit, développer un service public de la petite enfance et une autre répartition des tâches ménagères !

L’insécurité ? Penser que vivre en paix ne doit pas être réservé aux beaux quartiers est parfaitement légitime. Mais la gauche a tout à perdre à prétendre être plus dure et plus ferme que Sarkozy. Car le tout-répressif n’est pas seulement dangereux pour les libertés, il est surtout totalement inefficace. Pour les victimes de violence, ce ne sont pas les commissariats qu’il faut multiplier, mais les antennes d’écoute et d’entraide, avec un personnel en nombre et suffisamment formé. Pour s’occuper de la jeunesse des quartiers, il y a aujourd’hui quatre éducateurs pour 100 policiers. Et cela ne marche pas ! La véritable réponse, c’est la vie du quartier, l’action des éducateurs, les projets des associations, la présence des services publics. Tant il est vrai que le meilleur îlotier du quartier, c’est le quartier lui-même. Au lieu de cela, les politiques libérales ont déglingué les budgets sociaux et fermé les services publics. L’immigration ? La gauche reste tétanisée et sans voix. Pourtant, le « service minimum » quand on était de gauche, il y a encore quinze ou vingt ans, était de dire que l’immigration n’était pas une question taboue... parce que ce n’était pas un problème ! Face à l’immigration « choisie et non subie » de Sarkozy, le PS oppose l’immigration « concertée et régulée ». S’il faut un dictionnaire pour faire la différence entre la gauche et la droite, on prépare la population à hésiter entre la droite... et l’extrême droite ! Il existe pourtant une alternative : une politique d’égalité des droits avec le droit de vote des immigrés à toutes les élections, le droit d’asile, la régularisation de tous les sans-papiers.

Mais ces mesures d’urgence démocratique ne suffiront pas. Il faut s’attaquer à la racine du mal : la question sociale. Car l’origine de la violence sociale, ce sont bien la misère et le chômage. Avant d’être des « zones de non-droit », les quartiers à l’abandon sont des zones de non-droit social ! Seule une gauche anticapitaliste peut lutter de manière conséquente contre les discriminations. Le libéralisme est ce système où une poignée de multinationales font la loi. On ne refermera pas la « parenthèse » du libéralisme sans s’en prendre un tant soit peu au pouvoir absolu, exorbitant, incontrôlé des capitalistes. L’enjeu est bien de définir une politique de gauche qui, si elle gouvernait, permettrait de réquisitionner les richesses et de les redistribuer, de promouvoir la propriété collective pour s’opposer à l’appropriation privée du fruit du travail de tous, et d’instaurer le contrôle social des habitants sur leur quartier, des usagers sur les services publics, des travailleurs sur leurs entreprises. Elle augmenterait tous les revenus - salaires, minima sociaux, pensions - pour que personne ne vive avec moins de 1500 euros net ; elle rétablirait les 37,5 annuités pour les retraites, du public et du privé ; elle reviendrait sur les privatisations des gouvernements de gauche comme de droite et étendrait le service public à de nouveaux biens comme l’eau, les médicaments ou le logement. En fait, c’est assez simple : il faut faire exactement ce qu’ont fait les patrons depuis 25 ans, mais à l’envers. Ils se sont enrichis grâce aux subventions publiques et aux diminutions d’impôts et de charge. Une vraie gauche, anticapitaliste, récupérerait les subventions et taxerait lourdement les profits pour financer la satisfaction des besoins sociaux.

C’est l’enjeu des mois à venir : élaborer des propositions politiques nouvelles, construites, crédibles, suffisamment radicales et alternatives pour répondre au degré de dégoût légitime engendré par la situation actuelle. Pour les mobilisations et pour les élections. Et transformer nos colères et nos révoltes en espoir !