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Une récession globale entre guerres et rébellions

Par Claudio Katz

lundi 29 juillet 2002

La réunion annuelle du Forum Économique Mondial, qui a rassemblé 3000 dirigeants d’entreprises, banquiers et multimillionnaires en février dernier, à New York, a mis en évidence le changement de climat qui prédomine au sein de l’élite de la classe dominante. Le triomphalisme néolibéral qui caractérisait ces sommets a laissé place à un sentiment de vulnérabilité, d’incertitude et de malaise. Au lieu de faire l’éloge des privatisations, les patrons des grandes sociétés se préoccupent maintenant de l’aggravation des inégalités sociales et au lieu de se féliciter de la déréglementation des échanges, ils proposent de « ne pas laisser le champ totalement libre au marché ».

Le tournant vers un discours sombre de Soros, Brzezinski, Gates et d’autres tenants de l’optimisme capitaliste des années 1990, reflète l’impact de la crise et la montée en puissance de la protestation populaire contre la globalisation, dans une conjoncture marquée par quatre événements significatifs : l’extension de la récession globale, la faillite scandaleuse de l’entreprise nord-américaine Enron, la préparation de nouvelles guerres impérialistes en Orient et le soulèvement du peuple argentin.

Récession globale

Au début de l’année 2002, la récession économique mondiale s’est généralisée. Alors que la presse attribue cette crise aux attentats du 11 septembre, il est évident que ces événements n’ont fait qu’accentuer le ralentissement en cours de l’activité. On estime que la croissance du PIB mondial a atteint 2 % l’an dernier, soit un pourcentage très proche de celui qui avait caractérisé les trois pics de récession des dernières décennies (1,9 % en 1975, 1,2 % en 1982 et 1,4 % en 1991). En outre, le volume du commerce mondial qui progressait à un rythme annuel de 7 % depuis le début des années 1990, a stagné en 2001 et les investissements étrangers se sont réduits de moitié par rapport à l’exercice précédent.

Le ralentissement en cours est synchronisé et touche simultanément les trois centres de l’économie mondiale. Aucune région, aucun secteur ne contrecarre la récession aux États-Unis qui touche également l’Europe et accentue la stagnation du Japon. Cette simultanéité est un effet de la mondialisation qui a renforcé l’intégration des économies centrales et accéléré la transmission des impacts récessifs. La crise s’est aggravée ces derniers mois, alors que les analystes en étaient encore, au milieu de l’année dernière, à disserter sur la poursuite d’une phase ascendante, et s’opposaient sur un atterrissage en douceur ou brutal de l’économie nord-américaine, tout en espérant que l’Europe agirait comme une locomotive de substitution aux États-Unis.

La majorité des analystes ne dramatise pourtant pas la récession actuelle jugée moins grave qu’en 1997-98. Face à l’effondrement en Asie, les pronostics les plus fréquents évoquaient une répétition de la crise des années 1930, alors que prévaut aujourd’hui l’impression que la crise accentuera la fracture sociale dans le monde, mais restera sous contrôle. Comme l’économie américaine avait enregistré une réaction surprenante au sortir de la crise asiatique, de nombreux analystes sont devenus plus prudents dans leurs prévisions pessimistes. Mais ces va-et-vient dans l’interprétation ne font que confirmer les hésitations des économistes qui s’expriment dans les grands médias. Leurs analyses sont en général très influencées par le changement d’humeur des investisseurs en Bourse et c’est pour cela qu’ils passent brusquement de l’euphorie à la dépression. Leur perte d’enthousiasme récente pour le néolibéralisme ne leur a pas servi à améliorer leur diagnostic de la réalité. Contrairement aux années 1990, le centre de la crise actuelle se situe dans l’économie nord-américaine et cela conduit à s’inquiéter davantage de ses effets à l’échelle internationale que lorsqu’il s’agit d’effondrements à la périphérie. Le problème numéro un est la santé de la première puissance mondiale est non pas l’impact d’un effondrement dans le tiers monde.

Les grandes sociétés nord-américaines dans la ligne de mire

Après une décennie de croissance la récession nord-américaine a été reconnue officiellement aux États-Unis avec le constat de deux trimestres consécutifs de déclin de la production. Cette baisse du taux de croissance du PIB (de 3,5 % à 1,5 % entre 2000 et 2001) n’a pas pu être neutralisée par la succession inédite de onze baisses du taux d’intérêt qui l’ont conduit à son niveau le plus bas depuis 1994. La tendance à la baisse de tous les indicateurs, et en particulier le fort recul de la rentabilité des principales sociétés, confirment la gravité de cette récession.

Mais les effets les plus aigus de cette crise se concentrent sur certaines entreprises comme le géant de l’énergie Enron, qui vient de connaître la faillite la plus importante de l’histoire des États-Unis avec des pertes de 62,8 milliards de dollars. Ce qui marque cette affaire, c’est la fraude comptable qui a camouflé la faillite, dans la mesure où Enron enregistrait des bénéfices fictifs, en comptant dans ses bilans des actifs qui n’étaient que des bénéfices potentiels. La révélation publique de ce maquillage a provoqué un grand émoi : si les profits d’Enron étaient fictifs, quel est donc l’état économique réel des autres grandes sociétés ? On assiste actuellement à une révision complète des bilans de Tyco, General Electric, Ford et d’autres entreprises, dont les actions connaissent une forte baisse du fait de cette crise.

On a encore appris que les responsables de l’audit d’Enron ont été complices de la fraude à l’instigation du gouvernement Bush. La compagnie a financé la campagne électorale républicaine et ses dirigeants - qui occupent des postes clé dans l’administration - ont défini une politique énergétique sur mesure pour leur société. Le scandale politique en cours a été déclenché par le suicide d’un ancien dirigeant de la compagnie. Le cas Enron illustre à quel point les champions de la libre concurrence sont au cœur du plus grand réseau de corruption dans le monde. Les éminents critiques du « capitalisme clientéliste asiatique » et de la « corruption en Amérique latine » doivent reconnaître maintenant que la manipulation de l’appareil d’État au service de groupes capitalistes privilégiés est aussi une pratique dans leur propre pays. Il leur faudra un cynisme accru pour maintenir leurs réserves sur la transparence des marchés (1).

La chute d’Enron accentue par ailleurs celle de Wall Street après l’exubérante décennie des années 1990. La bulle éclate aujourd’hui après dix ans de croissance spectaculaire de la valeur de ces titres (de 3 à 15 milliards de dollars) avec des sommets incroyables atteints par l’indice industriel Dow Jones (347 %) et le baromètre technologique Nasdaq (931 %)... Mais avec la récession depuis le milieu de l’an dernier cet indicateur est revenu à son niveau de départ. Cette baisse reflète l’ajustement de la valeur des actions à la rentabilité réelle des entreprises, mais elle répond aussi à la dynamique propre du cycle de la bourse (2). Cette relative autonomie, manifeste dans le processus financier récent, caractérisait aussi les quatre grandes secousses financières qui ont frappé Wall Street (1989, 1997, 1999, 2001) et qui ont été suivies de fortes réactions de hausse, au lieu du crash général que beaucoup pronostiquaient.

Une crise de surinvestissement

Le surinvestissement est le trait dominant de la crise actuelle aux États-Unis. Pendant la période de prospérité de ces dernières années, la majorité des entreprises ont consacré des capitaux importants à la rénovation de leur parc de machines et à la restructuration du processus de travail. Ainsi, lorsque s’est déclenchée la récession, les entreprises se sont trouvées confrontées à des investissements démesurés, à des achats excessifs, à des stocks trop importants et à un fort endettement.

Comme l’investissement s’était surtout concentré dans l’acquisition de nouveaux biens informatiques, dans les secteurs à haute technologie, la vague de faillites y est particulièrement significative et conduit à la fermeture de quelque 500 entreprises, à des licenciements massifs dans la Silicon Valley et à des fusions dans l’urgence. Cette situation ne manquera pas de faire accéder ce secteur à la « maturité », autrement dit à la substitution d’une concurrence multiple par une concurrence monopolistique. Parallèlement, dans l’industrie traditionnelle, les annonces de fermeture d’usines se sont multipliées, avec la réduction des postes de travail, en particulier dans l’aéronautique et l’automobile.

La récession actuelle est le produit du phénomène cyclique qui caractérise le fonctionnement irrationnel de l’économie capitaliste. Au cours des années 1990, on a enregistré des chiffres de croissance élevés, l’investissement s’est accru (de 12 % du PIB en 1960-1965 il est passé à 18 % en 1995-2000) et la productivité a significativement progressé (de 1,4 % en 1975-1990 elle est passée à 2,3 ou 2,6 % en 1995-2000). Mais l’heure est maintenant aux ajustements et toutes les entreprises qui avaient misé sur une croissance durable de leurs marchés se heurtent à des excédents de production.

Dans la récession actuelle, la baisse des investissements est plus importante que la contraction de la consommation. Cette contraction en effet n’a pas conduit à un effondrement et les niveaux de dépense dans le logement ou l’automobile restent élevés. Ce qui a pris fin, c’est la surconsommation frénétique des années 1990, avec l’augmentation de l’endettement des ménages atteignant 124 % des revenus en 1995, tandis que le service de cette dette atteignant son plus haut niveau depuis 15 ans. Cette « effet pauvreté » conduit à une contraction sévère du pouvoir d’achat des détenteurs d’actions, dont le nombre était passé de 52 à 84 millions de personnes entre 1989 et 1998. Le comportement des consommateurs (et leurs projets de dépenses) dépend aussi du niveau de l’emploi qui recule à grand pas. Pour le seul premier semestre de 2001, on enregistre plus de licenciements que pendant n’importe quelle année de la décennie précédente, et en septembre dernier un million de postes de travail ont été supprimés.

La faible probabilité que l’investissement et la consommation relancent la croissance font que les économistes comptent beaucoup sur les exportations, dont le rôle était resté secondaire dans la croissance des années 1990. Cette période avait été marquée par le modèle du dollar fort et du déficit commercial financé par l’apport de capitaux étrangers. Les industriels et les exportateurs les plus internationalisés cherchent maintenant à renverser ce schéma en adoptant comme priorité le développement des ventes à l’étranger (3). Mais revenir à ce modèle (déjà mis en œuvre en 1985) n’est pas chose aisée, avec la nécessité de négocier une baisse du dollar avec les concurrents européens et japonais. Le cours du dollar est 60 % plus haut qu’en 1995 et toutes les tentatives de s’accorder sur une baisse programmée se sont heurtées à l’affaiblissement de l’euro et du yen. Ces rapports entre monnaies sont l’expression objective de l’affaiblissement de l’Europe et du Japon face aux États-Unis. C’est ce qui rend difficile un accord sur la baisse du dollar après une longue période de financement du déficit commercial et des investissements nord-américains par des capitaux étrangers.

Les contradictions du tournant belliciste

Un large consensus prévaut dans la classe dominante aux États-Unis en faveur d’un tournant interventionniste pour freiner la récession par des mesures de réduction du coût du crédit et de stimulation fiscale. Libéraux et keynésiens sont d’accord pour recourir à l’État afin de contrecarrer la menace déflationniste. C’est ainsi que « l’establishment » soutient la décision de Greenspan de réduire les taux d’intérêt et écarte les mises en garde traditionnelles quant au danger inflationniste. Les divergences se concentrent sur les mécanismes de la politique anticyclique. Alors que les républicains veulent une réduction d’impôts de 100 milliards de dollars, les démocrates proposent d’augmenter de 200 milliards de dollars les dépenses publiques. Ces deux propositions trouvent leur limite dans la fonte rapide de l’excédent fiscal accumulé ces cinq dernières années. L’application combinée de ces deux options a réduit cet excédent de manière spectatulaire, et le nouveau budget envisagé par l’administration Bush prévoit des déficits fiscaux dès cette année. Ce changement menace sérieusement toutes les tentatives de trouver un modèle quelconque permettant de prolonger la croissance des années 1990, vu que la stabilité du dollar et le financement de la dette publique dépendent de l’équilibre budgétaire. Toute la classe dominante s’accorde aussi à recourir aux dépenses militaires pour lutter contre la récession et c’est ainsi qu’on assiste à la plus importante course aux armements de ces 20 dernières années.

Bush a dépoussiéré le programme de défense antimissiles et autorisé la fabrication d’une nouvelle génération « d’armes intelligentes ». Le Pentagone se substitue également à la demande du secteur civil dans la Silicon Valley, avec la production à des fins militaires qui permet de répondre à la saturation du marché informatique et impulse une nouvelle phase d’innovation technologique. Après le 11 septembre, le « complexe militaro-industriel » retrouve un rôle clé dans l’économie et la guerre en Afghanistan a contrecarré la chute de la Bourse. Le réarmement influe directement sur l’état général des affaires, mais vu la dimension réduite des troupes engagées dans ces nouvelles guerres informatisées, il est difficile de prédire l’effet final de la demande militaire (4). Elle peut jouer un rôle de relance comme cela avait été le cas pendant la guerre de Corée ou précipiter au contraire un processus inflationniste comme pendant la guerre du Viêt-nam. Dans l’immédiat, l’ensemble de la classe capitaliste opte avec enthousiasme pour les dépenses militaires.

Le tournant interventionniste actuel aussi bien civil que militaire est très différent du keynésianisme classique dans la mesure où il ne s’accompagne d’aucune amélioration sur le plan social. Au sortir d’une décennie d’agressions brutales contre les conquêtes ouvrières, Bush prétend aggraver cette régression sociale et augmenter le taux d’exploitation. Au cours des années 1990, la proportion de travailleurs en situation précaire, sans protection sociale a doublé jusqu’à atteindre le tiers du total. Le salaire moyen est resté au-dessous de la moyenne des années 1970 et a progressé beaucoup plus lentement qu’en Allemagne ou au Japon. Alors que la durée du travail diminuait dans pratiquement tous les pays de l’OCDE, elle est passée aux États-Unis de 1883 à 1966 heures annuelles entre 1980 et 1997 (5). La pauvreté (12,7 %) reste à un niveau supérieur à celui des années 1970, dépasse le niveau de tous les autres pays développés et touche particulièrement les minorités noire et hispanique (36 % et 34 % respectivement). Avec deux millions de personnes dans les prisons, on a une autre illustration de l’étendue de l’exclusion sociale. Cette dégradation sociale a contribué à la reconstitution du taux de profit durant la décennie passée, mais sa consolidation aujourd’hui a un effet récessif dans la mesure où le marché intérieur est la destination principale du gros de la production des États-Unis (6).

La façon dont se combineront la crise de surinvestissement, la rétraction de la consommation, le tournant vers l’exportation, la relance belliciste et la polarisation croissante des revenus déterminera le caractère de la récession : forte mais de courte durée, avec une reprise avant la fin de cette année, ou longue, aussi durable que la période de croissance qui l’a précédée. Les indices conjoncturels disponibles sont très contradictoires et suggèrent des tendances aussi bien dans l’une que dans l’autre direction. Mais si tous les économistes hésitent autant à donner un diagnostic sur l’évolution de la récession globale c’est que l’ensemble de l’économie mondiale se trouve dans un état de dépendance exceptionnel vis-à-vis du cycle aux États-Unis. La mondialisation en cours a fait progresser la part des exportations dans le PIB de ce pays de 3,1 % en 1990 à 6 % en 2000. Dans les secteurs de haute technologie, par exemple, la demande aux États-Unis absorbe 60 % du marché des ordinateurs et détermine entièrement la situation conjoncturelle.

Cette domination ne découle pas exclusivement à l’hégémonie militaire, et ne se limite pas non plus à contrecarrer le déclin économique des États-Unis (7). Tous les privilèges dont bénéficie la première puissance - avant tout dans la domination du dollar comme monnaie mondiale et le financement extérieur du déficit - reposent sur une infrastructure productive plus solide que celle de ses rivaux. Le flux des capitaux vers le dollar n’est pas dicté seulement par les contraintes imposées par le cours belliciste mais aussi par l’espérance de gains supérieurs qu’offre encore l’économie dominante de la mondialisation. Les États-Unis ont pu financer leur prospérité sur le dos du reste du monde parce qu’ils ont consolidé leur suprématie en jouant le premier rôle dans la révolution technologique et les gains de productivité. Ils s’apprêtent maintenant à utiliser ces mêmes armes pour faire retomber la crise sur leurs concurrents, en exportant la récession au reste du monde et en la limitant sur le plan intérieur. Ce projet n’aboutira que s’ils établissent un rapport de forces suffisant face à leurs concurrents du vieux continent.

L’indétermination européenne

L’espoir que la croissance européenne contrebalance la récession aux États-Unis n’est plus d’actualité. Les prévisions initiales d’une croissance de 2,9 % pour cette année ont été démenties par l’évolution de la situation et le PIB de l’Europe devrait augmenter de 1,6 %, soit à peine plus que celui des États-Unis. L’activité stagne au niveau le plus bas des dernières huit années, particulièrement en Allemagne, sans que la France ou l’Italie puissent compenser ce ralebtissement. Les économistes qui prédisaient une « désynchronisation positive » de l’économie européenne relativement à l’économie américaine se sont trompés. Ni les effets de rattrapage dont bénéficie encore le vieux continent face à la prospérité des États-Unis, ni l’étendue du marché interne de la zone euro n’ont pu compenser le degré d’intégration économique Europe-USA.

Le comportement décevant de l’Europe est aussi lié, à court terme, à la dureté de la politique monétaire imposée par la Banque Centrale Européenne (BCE), récemment créée, pour assurer le passage à l’euro. Alors que la Réserve Fédérale américaine a procédé à plusieurs réductions des taux d’intérêt et accordé d’énormes subventions aux entreprises pour limiter la récession, la BCE n’a accepté de desserrer le verrou monétaire qu’à petites doses et avec beaucoup de retard. Ce contraste exprime la situation radicalement différente des deux grandes puissances. Alors que la politique anti-récessive de la BCE est limitée par la priorité donnée à la construction de l’Union européenne dans le cadre des contraintes budgétaires définies à Maastricht, les USA disposent d’une structure de gestion anticyclique et bénéficient d’une marge de manœuvre élargie du fait des réserves accumulées pendant les années 1990.

Par comparaison, la relance européenne des années 1996-2000 est restée extrêmement limitée de tous les points de vue. Alors que le taux d’investissement doublait aux États-Unis, il n’a progressé que de 16 % en Europe et les dépenses dans le secteur des technologies de l’information qui représentent 8 % du PIB aux États-Unis n’atteignent que 5 % en Europe. L’amélioration du taux de profit dans le vieux continent est restée en-deça de celle des USA et le rythme de croissance de la consommation y a été significativement plus bas. Ces contrastes tendent à se maintenir au début de la décennie actuelle.

Mais ces disparités ne doivent pas occulter le fait que l’unification européenne est un succès pour la classe dominante du vieux continent. La Communauté donne corps à un projet relativement inespéré de relance du capitalisme européen. L’unification vise à défier l’hégémonie nord-américaine par la formation d’un centre de coordination des bourgeoisies européennes. Cette centralisation a été engagée il y a plusieurs décennies avec le marché commun, la coordination des politiques agricoles et le renforcement des liaisons industrielles entre les 300 principaux groupes. Mais le grand saut qualitatif s’est produit avec les accords de Maastricht (1992), la création de la Banque Centrale (1999) et le passage à l’euro (2001). L’euro met un terme aux formes antérieures de coopération monétaire (le serpent, les marges de fluctuation, les dévaluations concertées) et repose sur des normes très strictes en matière d’orthodoxie budgétaire (déficit limité à 3 % du PIB et dette publique à 60 %) avec pour objectif d’offrir une alternative au dollar (8). Sans ce dispositif les bourgeoisies européennes ne peuvent pas rivaliser avec les USA car, malgré leur capacité à constituer un conglomérat puissant, héritier de leur hégémonie coloniale passée, il leur manque une structure étatique centralisée. Jusqu’ici, on a seulement creusé les fondations de l’Union dont la construction ne se fera qu’en dépassant des contradictions aiguës dans trois domaines.

En premier lieu, les débuts de l’euro sont décevants. C’est vrai qu’il représente la plus importante opération de substitution monétaire de l’histoire et qu’il a un fort impact sur le plan symbolique et politique (la monnaie de l’État à venir). Mais le projet initial d’établir la parité avec le dollar s’éloigne toujours davantage, dans la mesure où la rigueur budgétaire de la BCE n’a pas permis jusqu’ici de contrecarrer l’attrait de la devise nord-américaine. L’hégémonie du dollar reflète la suprématie économique des USA. La moitié des exportations, les quatre cinquièmes des transactions commerciales et 60 % des réserves sont stipulées en dollars. Pour essayer de mettre fin à cette hégémonie, l’Europe a besoin de forger une monnaie forte, ce qui oblige la BCE à appliquer des politiques restrictives alors que sa rivale, la FED, peut soutenir l’expansion. En pleine contraction du PIB mondial, la naissance de l’euro prend la forme d’un baptême récessif.

En deuxième lieu, le problème épineux de l’intégration de la Grande-Bretagne à l’euro reste suspendu à un référendum prévu en 2003. Cette intégration a été refusée avec force par les capitaux financiers de la City qui veulent préserver leur autonomie d’action. L’entrée de la Grande-Bretagne donnerait une touche finale à l’Union européenne, non seulement en remettant en cause par sa présence le leadership franco-allemand mais aussi en atténuant les affrontements avec les Etats-Unis. Dans une telle configuration, le projet inter-européen resterait très dépendant de la solide alliance anglo-américaine.

En troisième lieu, rien n’est encore tranché quant à l’élargissement vers les pays de l’Est et au nombre de candidats, parmi les douze de cette région, qui intégreront finalement l’Union dans les cinq prochaines années. Les premiers sur la liste - Pologne et Hongrie - doivent encore se conformer aux dures injonctions en matière budgétaire (se plier aux critères de Maastricht, renoncer au protectionnisme agricole) et les pays les plus pauvres déjà intégrés (Portugal, Grèce) doivent absorber les effets négatifs de cet élargissement. Mais ces contradictions n’inversent pas la tendance dominante vers l’unification communautaire, parce que celle-ci est nécessaire à la bourgeoisie européenne pour pouvoir défier les États-Unis (9). Plus que la réalisation de cette union, c’est sa capacité compétitive face au rival américain qui est en jeu.

Le projet impérialiste européen passe, en outre, par une défaite de la classe ouvrière la mieux organisée, dotée de la plus longue tradition politique et forte des conquêtes sociales les plus remarquables à l’échelle mondiale. Même si l’offensive néolibérale a sévèrement amputé ces conquêtes et introduit des normes de flexibilité du travail (en particulier en Angleterre, en Espagne et en Hollande), le paysage du monde du travail y reste très différent de la situation aux États-Unis. Une vaste résistance ouvrière a fortement limité les attaques patronales sur tous les plans (salaires, durée du travail, congés payés, etc.). Le principal objectif capitaliste de l’unification est précisément de retourner cette situation en créant une « Europe puissance » sur les ruines de « l’Europe sociale ».

La remilitarisation du continent et la création d’une nouvelle armée européenne complémentaire du gendarme américain renforcent cette tendance. L’organisation institutionnelle de l’Union européenne va également dans cette direction. Les trois principales puissances (Allemagne, France et Grande-Bretagne) resserrent les rangs pour constituer un exécutif très sélectif et n’ont pas la moindre intention de partager une quelconque parcelle de pouvoir avec la multitude des membres de second rang de la Communauté. Les instances délibératives se dissolvent au sein d’une structure sans cesse plus hiérarchisée et autoritaire. Mais comme la bureaucratie qui pilote cette transformation n’a pas l’autorité politique acquise au fil des siècles par les classes dirigeantes de chaque État national, la construction d’un nouveau système supranational se heurte à des tensions et des conflits de grande ampleur.

La fragilité structurelle du Japon

Le Japon représente le maillon critique de la récession globale dans les économies développées. L’année 2001 s’est achevée avec une croissance nulle du PIB pour la dixième année consécutive, mettant à mal pour la nième fois les plans gouvernementaux de relance. Les investissements restent au point mort, la consommation ne répond pas et la production n’augmente pas non plus. Contrairement aux États-Unis, ce recul ne fait pas suite à une période de prospérité. Il renforce au contraire une longue dépression, dont l’ampleur est significativement supérieure à la stagnation que connaît l’Europe. Depuis 1992, la croissance annuelle du PIB japonais oscille autour de 0 à 2 % alors qu’elle était de 6 à 8 % dans les années 1970 et 1980. La crise a commencé avec l’éclatement de la bulle qui avait gonflé les cours de la Bourse et de l’immobilier, aggravée ensuite par la faillite bancaire potentielle qu’engendre l’endettement général des entreprises.

Cette crise, pour autant, ne met pas fin au statut de puissance acquis par le Japon avec l’accumulation d’énormes excédents commerciaux, de gigantesques réserves et de quantités considérables de bons du trésor américain. Mais la gravité de la crise peut conduire à un changement radical de la place qu’occupe le Japon dans l’économie mondiale depuis plusieurs décennies.

Pour la première fois depuis longtemps la crise a pris une dimension sociale. Le vieux modèle paternaliste d’emploi à vie dans les grandes entreprises et d’un niveau d’emploi élevé dans les petites connaît une érosion avec la progression de la flexibilité de l’emploi, la délocalisation des usines et la progression du chômage. En dix ans, le chômage est passé de 2 % en 1991 à 5 % aujourd’hui et atteint le niveau le plus élevé depuis 1953. On voit des manifestations inédites de pauvreté, de mendicité et d’indigence et la « culture du travail » très policée se fracture sous l’effet de la récession.

Le modèle industriel japonais fondé sur le protectionnisme, les subventions, un taux d’épargne démesuré, la garantie de l’État accordée au système bancaire et la gestion croisée des entreprises, est menacé par la durée de la crise et l’incapacité des acteurs de ce système (entreprises, bureaucratie et parti officialiste) à remonter la pente. Les pressions nord-américaines visant à tirer profit des mesures de dérégulation (privatisations des services publics, ouverture des importations, internationalisation des banques, association internationale des grandes entreprises) accentuent la crise. La classe dominante japonaise cède devant ces pressions, mais ne renonce pas à ses structures propres de pouvoir et n’abandonne pas ses positions clé. Ces oppositions ne peuvent se régler rapidement, dans la mesure où le Japon n’est pas un pays du Tiers-Monde qui se plierait servilement aux exigences du Département d’État (10). Mais il est clair que dans la compétition internationale, le Japon ne peut pas faire front aux États-Unis, ni même concevoir un projet stratégique alternatif comme essaie de le faire la bourgeoisie européenne. Cette incapacité tient d’abord à la faiblesse structurelle de l’impérialisme japonais. Le Japon ne dispose pas d’une force militaire significative et son essor économique ne s’est pas accompagné d’un plan cohérant de domination régionale. Il régit le marché asiatique, dominé par l’ASEAN, mais ne cherche pas à faire du yen une devise alternative au dollar. Le contraste entre l’intervention des États-Unis face à la crise mexicaine de 1994 et le comportement japonais face à la crise du Sud-Est asiatique de 1997-1998 est très symptomatique. Même au plus fort de la crise de la région, le Japon ne s’est pas substitué au FMI (et au dollar) dans les opérations de sauvetage des banques et de restructuration de la dette. La classe dominante japonaise a conquis des positions dans l’économie mondiale, sans pour autant se positionner dans la compétition internationale face aux États-Unis et à l’Europe. Son appareil impérialiste est particulièrement fragile.

C’est cette faiblesse qui explique pourquoi le Japon a dû en rabattre dans toutes les négociations avec les États-Unis. A partir de 1997, il a accepté l’arrivée de compagnies nord-américaines dans le commerce de détail, le secteur financier et sur le marché boursier (18 % des actions sont entre des mains étrangères). Il a aussi perdu le contrôle absolu de son industrie automobile (sur neuf entreprises, deux seulement restent japonaises). Les limites de ces concessions se trouvent dans l’existence d’un système bancaire encombré d’une foule de débiteurs incapables de faire face aux échéances, système que les États-Unis cherchent à démanteler pour prendre possession des entreprises les plus rentables.

La deuxième cause de la faiblesse structurelle du Japon tient à l’absence d’un marché interne offrant un niveau de consommation comparable à celui des États-Unis ou de l’Allemagne. C’est cette étroitesse qui explique pourquoi la réaction de la demande est si faible face aux mécanismes keynésiens mis en œuvre successivement pour réduire le taux d’épargne et augmenter le niveau de consommation de la population. Alors que les taux d’intérêt sont maintenant négatifs, la consommation reste bridée. C’est que toute la structure économique du pays est construite autour d’un modèle d’austérité exportatrice. L’absence d’un dispositif de consommation massive de type « fordiste », comparable à celui des économies occidentales les plus développées, a permis au Japon d’atteindre son statut actuel de puissance commerciale. Mais c’est cette même singularité qui lui interdit de bloquer la récession qui le touche en faisant appel à une relance de la demande. La durée de cette crise confirme les énormes obstacles qui empêchent ce pays d’agir sur les deux terrains. Le recours massif à la consommation menacerait, en effet, les avantages acquis sur le plan des exportations.

La fragilité structurelle du Japon face aux États-Unis est un élément souvent négligé dans les analogies établies entre l’actuelle récession américaine et la crise japonaise des années 1990 (11). On se contente trop souvent de relever les similitudes des « bulles » dans les secteurs boursiers et immobiliers, sans prendre en compte les énormes différences sous-jacentes au même phénomène d’opérations spéculatives. Les deux pays sont confrontés à un même processus de surinvestissement et, par-là même de croissance financière démésurée, mais avec des points de départ totalement opposées. La suprématie de l’impérialisme américain contraste avec la position subordonnée du Japon dans le cadre de la mondialisation actuelle. Toutes les recherches alternatives d’issue à la crise japonaise sont hautement risquées car la « crise de liquidité » se prolonge au-delà de la mise en œuvre des mécanismes keynésiens classiques pour encourager la relance. On ne peut plus se contenter de baisser les taux d’intérêt ni de lancer des plans pour encourager la consommation alors que la dette publique approche 130 % du PIB. C’est ce qui conduit à multiplier les propositions d’une épuration drastique de la dette en jouant sur les effets inflationnistes d’une dévaluation (12). Une autre variante vise à déclancher une avalanche de faillites bancaires, en prenant acte de l’impossibilité de recouvrer un total de 104 milliards de dollars de dettes et en recourant à la suppression de près d’un million de postes de travail.

L’issue de ce processus à moyen terme est très lié à la trajectoire de l’économie chinoise, qui représente dorénavant une pièce maîtresse du casse-tête régional. La position qu’occupera le Japon en tant qu’allié ou rival du géant chinois sera l’élément clé de cette redistribution des rôles. La Chine qui, au terme de deux décennies d’un taux de croissance exceptionnel de 7 à 8 % par an, est devenue le principal pays destinataire d’investissements étrangers, occupe une place privilégiée dans le commerce mondial, dans l’ensemble de l’économie asiatique et joue un rôle clé dans le devenir de la crise japonaise.

La débâcle continue des pays de la périphérie

Les pays périphériques sont les plus touchés par la récession généralisée et pâtissent durement des effets récessifs de la crise financière. Les mouvements de capitaux vers le Tiers-Monde sont en recul et toutes les négociations sur la dette extérieure se sont durcies. Les vagues d’investissements vers les pays sous-développés qui visaient à compenser la perte de rentabilité des économies des pays dominants, ont également été freinées par la crise des pays périphériques dans les années 90 et les capitaux migrateurs restent à l’abri dans les refuges que leur offrent les pays développés. La récession étrangle par ailleurs la demande des produits d’exportation de l’Asie, de l’Afrique et de l’Amérique latine.

La récession globale tend surtout à freiner la reprise enregistrée par les économies du Sud-Est asiatique après le krach de 1997-1998. Les exportations, qui représentent 37 % du PIB de cette région, sont largement concentrées dans les branches les plus vulnérables et dépendent fortement du marché nord-américain. La Russie dont l’économie a également été fortement affectée par la crise des années 1990 enregistre une certaine croissance de son PIB. Mais cette amélioration n’est que l’effet conjoncturel d’une hausse des prix du pétrole et ne suffit pas à inverser le cours récessif de cette économie. La tragédie des pays africains s’aggrave au fil des jours. En Amérique latine la croissance des exportations est tombée de 12 à 2 % l’année dernière, l’investissement étranger a reculé et la croissance du PIB, de 0,5 % en 2001, ne devrait pas dépasser 1,1 % dans l’exercice en cours.

La crise la plus importante des pays de la périphérie touche aujourd’hui l’Argentine. Au cours des deux dernières années, 3000 entreprises ont fermé leurs portes et plusieurs dizaines se sont expatriées. On estime la chute du PIB à 3,5 % en 2001 et de 7 à 9 % en 2002. Le chômage, officiellement de 20 %, s’élève en fait à 40 % si on prend en compte les emplois à temps partiel. Sur les 14 millions de pauvres que compte le pays, plus de 4 millions vivent dans l’indigence, ce qui veut dire qu’ils n’ont même pas les ressources nécessaires pour se nourrir. Les employés du secteur public sont soumis à une indexation de leurs revenus sur les recettes budgétaires, ce qui a conduit à une baisse nominale de leurs salaires et à une réduction des dépenses de l’État en matière sociale telle que la majorité de la population ne bénéficie plus d’aucune couverture médicale. Les réductions de salaire ont pulvérisé les conquêtes ouvrières et, en province, les salaires sont payés en bons dévalués. Cette crise marque un nouvel épisode de l’effondrement des « marchés émergents ». Tous les éléments de la débâcle actuelle - fuite des capitaux, faillites bancaires, cessation de paiement de la dette extérieure, absence d’autonomie monétaire et budgétaire - sont présents dans la crise argentine. Ici aussi, la racine des désastres financiers se trouve dans la chute des prix des matières premières, le démantèlement de l’appareil industriel et la perte de positions sur le marché mondial (13).

La cessation de paiement de la dette extérieure rapproche la crise argentine de l’ensemble des effondrements d’économies de la périphérie. Après avoir tenté de multiples renégociations de ce passif, le pays, confronté à un durcissement des exigences de remboursement fixées par le FMI, se retrouve en « cessation de paiement ». La dette, qui dépasse la moitié du PIB, représente l’équivalent de 5 années d’exportations et s’est encore scandaleusement aggravée avec les privatisations. Le paiement des intérêts renforce le cercle vicieux des ajustements qui conduisent à de nouveaux ajustements. L’année dernière, en se conformant aux exigences des créanciers, on a bloqué toutes les possibilités de relance au terme de quatre années d’une récession sévère et l’échec des dernières négociations avec le FMI a conduit à l’effondrement actuel.

Une particularité du « modèle argentin » par rapport aux autres pays de la périphérie tenait à la convertibilité de sa monnaie. Il s’agissait d’instrumentaliser l’ouverture commerciale génératrice d’importations, les privatisations et la dérégulation par le biais de politiques déflationnistes. La dévaluation récente a mis fin à cette expérience et imposé un transfert brutal de revenus, du monde du travail vers les secteurs capitalistes.Ce processus prendra un caractère inflationniste si le taux de change ne s’envole pas (comme cela s’est produit au Brésil) ou hyper-inflationniste si la dévaluation de la monnaie nationale devient incontrôlable (comme en Équateur, en Indonésie ou en Russie).

La crise argentine a donné lieu à une confiscation de l’épargne des classes moyennes qui vise à consacrer ces ressources au sauvetage du système bancaire et à l’épongement des dettes des entreprises dont le coût fiscal est incalculable. L’Argentine est aussi le cobaye de la nouvelle politique du FMI qui vise à la mise en cessation de paiement des pays les plus endettés. Plutôt que de continuer à aider les banques créditrices par des mesures de refinancement, le FMI pousse à la cessation de paiement qui permet d’imposer des ajustements brutaux aux débiteurs.

Cette politique passe par l’introduction d’une nouvelle législation internationale qui prendrait acte de la déclaration de faillite d’un pays, ce qui permettrait aux grandes banques de profiter de la crise pour écarter leurs concurrents plus faibles (fonds d’investissement, « fonds charognards ») en excluant tout recours judiciaire. Les entreprises les plus puissantes se préparent à monopoliser les futures opérations de rachat des titres des nations les plus touchées car, comme l’attestent les cas de la Russie et de l’Équateur, les affaires financières ne s’arrêtent pas pour si peu. La débâcle argentine obéit à trois causes convergentes : les crises périodiques du capitalisme, l’insertion de ce pays dans les économies périphériques et la politique néolibérale de la dernière décennie. Le « modèle » appliqué pendant cette période a aggravé les déséquilibres résultant de l’appropriation systématique de la valeur créée dans le pays par de grands groupes des pays développés, alors que s’aggravent les turbulences du capitalisme dans sa globalité.

L’effondrement de l’Argentine s’inscrit dans la tendance à une polarisation croissante des revenus qui caractérise la mondialisation à l’œuvre et touche tous les pays sous-développés. On peut prévoir que ce recul des économies périphériques se poursuivra sous la forme soit d’une récession aiguë soit d’une crise davantage contenue. La question la plus ouverte est de savoir dans quelle mesure ces débâcles peuvent atteindre les pays développés.

Les issues possibles de la récession

La récession globale a conduit à un ralentissement général et synchronisé dans les quatre grandes zones de l’économie mondiale, sans pour autant uniformiser la réaction de chacun face à cette crise. Forts de la consolidation de leur hégémonie, les États-Unis cherchent à exporter leur crise de surinvestissement, alors que l’Europe s’efforce de dépasser les contradictions aiguës de son unification tardive, que le Japon ne trouve pas d’issue à sa dépression structurelle et que les pays de la périphérie s’enfoncent dans une débâcle de plus en plus catastrophique. Jusqu’ici, la récession généralisée s’apparente davantage aux crises antérieures de la moitié des années 1970, ou du début des années 1980 et du début des années 1990, qu’aux effondrements des pays périphériques dans la dernière décennie. Elle présente les traits généraux des trois crises antérieures et n’atteint pas le degré d’effondrement propre aux pays de la périphérie... Tant que cette caractérisation restera valable, la crise sera grave mais sans que les catastrophes qui frappent l’Argentine ou l’Indonésie ne s’étendent aux États-Unis ou à l’Europe.

Une généralisation à l’échelle mondiale de l’effondrement de certaines économies de la périphérie présuppose trois conditions qui ne sont pas remplies à ce jour dans les pays développés : un effondrement incontrôlable des places boursières, l’impossibilité de recourir à l’État pour secourir les banques et les entreprises en faillite et la fin de la coordination du cours des monnaies entre les différentes grandes puissances. Un dérèglement brutal sur ces terrains provoquerait une explosion, mais ce n’est pas ce qui se dessine à court terme. Une telle explosion serait annoncée par des symptômes marquant clairement le passage des crises polarisées des années 1990 à des désastres susceptibles de frapper un pays développé. C’est le Japon qui est le plus susceptible de connaître une crise de cette ampleur, mais là encore cela suppose un saut qualitatif de la récession prolongée qui le frappe à une débâcle type Tiers-Monde (14). Notre diagnostic d’une crise grave mais contrôlée à un horizon prévisible s’oppose à ceux qui n’y voient qu’un dysfonctionnement conjoncturel des mécanismes de nouvelles modalités d’accumulation déjà à l’œuvre (15). Une telle vision ne permet pas d’expliquer l’ampleur des déséquilibres actuels, leur répétition dans des délais aussi courts et leur localisation en différents points de la planète. Mais il ne serait pas non plus correct de déduire de la crise actuelle l’imminence d’un crash financier, en particulier si un tel pronostic se basait exclusivement sur le caractère incontrôlé de la spéculation internationale (16). Souligner l’instabilité financière actuelle sans en rechercher les fondements dans le processus de production ne permet pas de comprendre pourquoi la crise prend des formes aussi différentes d’une zone de l’économie mondiale à l’autre. Mais il est indiscutable que les trois variantes possibles de la récession globale à court terme - aggravation, atténuation ou explosion - ne dépendent pas exclusivement des contradictions économiques du capitalisme. Les processus politiques et militaires jouent, en effet, un rôle majeur dans l’évolution de la conjoncture.

La guerre à nouveau au premier plan

La guerre occupe à nouveau un rôle explicite dans les instruments de domination de la classe capitaliste. Pour la troisième fois au cours de la dernière décennie, une large coalition de forces a conduit une opération belliciste impérialiste qui, en Afghanistan, a largement dépassé les interventions dans le Golfe ou les Balkans. Les visées dominatrices n’ont pas été dissimulées sous des prétextes humanitaires, ni déguisés sous le drapeau de la « lutte contre les narcotrafiquants », comme dans la plupart des opérations de l’après-guerre froide.

Bien évidemment, les États-Unis justifient par la lutte anti-terroriste leur intervention en Afghanistan et le début de leur mainmise sur l’ensemble de l’Asie centrale. Mais leur volonté de contrôler directement les ressources pétrolières de la région est évidente (elles seraient du même ordre que celles de l’Arabie Saoudite). L’impérialisme nord-américain s’est trouvé derrière tous les conflits qui ont ensanglanté les peuples de la région, détruit leurs économies et renforcé le pouvoir de négociations des compagnies pétrolières (guerre Iran-Irak, Mudjahidines contre l’ex-URSS, guerre du Golfe, embargo et bombardements contre l’Irak). Par ces guerres, les USA ne se contentent pas d’affaiblir l’OPEP, ils affaiblissent aussi leurs rivaux européens qui sont hautement dépendants de leurs approvisionnements en brut dans cette région (17).

Par le biais des accords réalisés pour mener ces opérations guerrières dans la région, les États-Unis renforcent leur hégémonie mondiale, consolident l’axe anglo-américain, réaffirment le rôle de l’OTAN et repoussent la possibilité de formation d’une armée européenne. Ce leadership militaire leur a permis de faire montre d’une parfaite arrogance sur tous les terrains (refus du protocole de Kyoto sur le réchauffement de la planète, abandon des négociations susceptibles de léser leurs intérêts sur la question du Sida, vetos à l’ONU, imposition de leur point de vue à l’OMC). Les États-Unis tirent parti également du besoin qu’ont l’Europe et le Japon de disposer d’un gendarme qui garantisse les intérêts capitalistes à l’échelle de la planète (18).

Dans les guerres en cours, la rivalité entre puissances passe au second plan face aux objectifs communs de la domination impérialiste. Les interventions visent à renforcer le pillage économique, la recolonisation politique et la soumission des pays périphériques. C’est dans le cadre commun de cette intervention spoliatrice que certaines puissances obtiennent des avantages sur d’autres. Cette caractéristique impérialiste distingue les guerres actuelles des classiques conflagrations interimpérialistes du début et de la moitié du XXe siècle.

En particulier au Proche et au Moyen-Orient, les États-Unis agissent avec le visage cynique de l’oppresseur, en diabolisant les ennemis du moment (talibans, Irak, Iran, Libye) et en sanctifiant leurs alliés (Arabie Saoudite, Pakistan, Égypte) tout en avalisant la paupérisation et l’humiliation sans bornes du peuple palestinien et en prolongeant indéfiniment le stationnement des marines dans les points stratégiques de la région. Quels que soient les aspects concrets du 11 septembre et le rôle joué par la CIA, il est évident que l’attentat a servi de prétexte pour l’extension de l’intervention impérialiste (19).

Comme cela a toujours été le cas dans l’histoire des États-Unis, cette nouvelle guerre facilite la mise au pas et la cohésion chauvine de la population. Elle sert d’argument pour restreindre les libertés publiques et poursuivre les opposants au militarisme. L’instauration d’un climat de réaction vise en outre, maintenant, à légitimer un Président issu d’élections frauduleuses et qui gouverne en s’appuyant sur une coalition ultra-conservatrice caractérisée par le durcissement de la législation pénale et une politique en matière d’impôts qui bénéficie aux plus riches (20).

Pourtant, la dynamique même de la guerre est déstabilisatrice et engendre un processus de dégradation continue. Par le pillage des ressources pétrolières, la balkanisation de régions entières et le renforcement des couches rentières parasitaires, la guerre provoque la destruction des secteurs sociaux et des mouvements nationaux qui pourraient garantir une cohésion minimum dans des sociétés complètement disloquées. L’échec patent de tous les projets de construction nationale en Orient, avec un accroissement insupportable des inégalités sociales, explique le succès de masse que rencontre le fondamentalisme islamique dans cette région. Plus l’intervention impérialiste s’avère dévastatrice, plus l’action de groupes produits de cette intervention devient incontrôlable. Les talibans sont un exemple extrême de ces « créatures de Frankenstein » recrutés et financés au départ par le Département d’État et devenus par la suite les agents de la terreur sur le propre sol américain. Cet « effet boomerang » est une conséquence typique de l’oppression impérialiste.

Après s’en être pris à l’Afghanistan, les États-Unis comptent enclencher une deuxième phase. Il pourrait s’agir de renforcer le blocus et les bombardements contre l’Irak ou de s’y livrer directement à une nouvelle invasion. Ils préparent aussi des attaques contre l’Iran et des interventions en Somalie, au Soudan, au Yémen et aux Philippines. Il est pourtant peu probable que l’impérialisme américain puisse reconduire dans ces nouvelles opérations la coalition constituée autour de l’invasion de l’Afghanistan. Ils doivent en outre s’appuyer sur des régimes fragiles reposant sur la contrebande, le trafic de drogues et le banditisme (21). La multiplication des guerres précipite aussi de grands changements géopolitiques (accords signés entre les USA et la Russie ou la Chine contre des groupes islamistes) qui rompent l’équilibre militaire en Asie centrale et menacent de relancer les vieux conflits restés pendants (en particulier entre l’Inde et le Pakistan). Mais l’Orient n’est que le point critique où se déchaîne actuellement une offensive impérialiste qui touche la planète entière. L’Amérique latine est le second foyer de ces interventions comme l’atteste la participation croissante de troupes nord-américaines en Colombie. La guerre est un élément constitutif de la reproduction capitaliste qui réapparaît au cœur de ce système et tend à le saper de l’intérieur.

L’essor des luttes sociales

La récession globale et l’escalade des guerres impérialistes se développent dans le contexte de nouvelles luttes populaires qui, en ce début de l’année 2002, se sont incarnées dans le soulèvement du peuple argentin et dans le renforcement des mouvements de protestation globale. La rébellion argentine a une signification internationale particulière car elle représente une réaction des classes opprimées face à une expropriation capitaliste éhontée. Cette action hautement légitime en défense des salaires et de l’épargne des exploités a éveillé une grande solidarité à l’échelle internationale car ce qui se joue ici ne relève pas de conflits inter-ethniques, d’affrontements religieux, de confrontations tribales ou de guerres territoriales. Il s’agit à l’évidence d’une réaction de la société face aux attaques des banquiers et des patrons qui soulève la sympathie internationale, d’autant plus que ce pays ne fait que subir de façon exacerbée les effets d’une politique néolibérale que les capitalistes étendent à la planète entière. Le soulèvement en Argentine a chassé deux Présidents civils, s’est étendu au pays entier et impulse de nouvelles formes de débat et d’organisation populaires. Ces événements ont un impact considérable dans les pays d’Amérique latine qui ont eux-mêmes connu des insurrections populaires. Cette rébellion a fait passer au second plan le souci impérialiste d’éviter toute « contagion économique ». Ce qu’il redoute maintenant en premier lieu, c’est un effet de « contagion politique ».Il apparaît clairement que le développement croissant d’un climat anti-impérialiste en Amérique latine menace de mettre en échec le projet de domination que les États-Unis avaient conçu avec la mise en place de la Zone de libre échange des Amériques (ZLÉA).

« L’argentinazo » encourage le développement d’une protestation globale qui, après les affrontements de Seattle en 1999, a réussi à imposer la discussion de revendications démocratiques, sociales et écologistes populaires. Cette résistance a fait échec à la mise en œuvre de plans réactionnaires (AMI), bloqué le fonctionnement de nombreux sommets des élites financières et industrielles de la planète et obligé les médias à redécouvrir l’existence de mouvements anticapitalistes. Ces actions revêtent une dimension clairement internationaliste et se situent à l’opposé des réactions fondamentalistes contre la globalisation. Loin de dresser des peuples les uns contre les autres, elles visent à la lutte commune de tous les travailleurs opprimés par le capital. Cette protestation globale est portée par un soulèvement massif de la jeunesse comparable dans une certaine mesure avec le mouvement de 1968 et nourrie par l’écologisme militant (Reclaim the Streets), les mobilisations contre l’exploitation transnationale (Sweat-shops) et la résistance estudiantine (Direct Action Network). Comme dans les années 1960, l’ébullition étudiante illustre le malaise social sous-jacent à la société capitaliste. Les mobilisations englobent aussi des mouvements paysans (ejidos au Mexique, sans-terre au Brésil, paysans thaïlandais, petits paysans en France) sous l’impact des effets de paupérisation de l’« agro-business ». Elles regroupent encore des organisations de chômeurs dont les revendications en matière d’emploi et de couverture sociale rencontrent un écho grandissant. On y trouve aussi des associations écologistes, des mouvements féministes et des organisations humanitaires engagées depuis longtemps dans le soutien aux plus démunis. Les manifestations qui ont regroupé 200 000 personnes à Gênes au milieu de l’an dernier ont constitué un point culminant de cette protestation globale en forçant les chefs de gouvernement présents à se réfugier sur un bateau pour échapper à la multitude. Les chefs d’État y ont accentué la stratégie de tension déjà ébauchée à Göteborg en recourant à la répression pour rompre leur isolement et en criminalisant la protestation. Mais la réponse de la rue a été extraordinaire à Gênes et c’est un revers cuisant pour les capitalistes et leurs serviteurs gouvernementaux (22). Les attentats du 11 septembre ont brutalement modifié ce panorama en offrant aux classes dominantes le prétexte pour se lancer dans une offensive d’ampleur contre les mouvements de protestation, mais ni la guerre, ni le climat d’affrontement entre les peuples qu’on voulait créer n’ont pu avoir raison de la résistance à la mondialisation. La mobilisation se maintient à un haut niveau et le cœur des revendications a commencé à se déplacer de questions exclusivement centrées sur la critique de la globalisation vers une dénonciation de la guerre (23). Le récent Forum mondial de Porto Alegre a confirmé la puissance de la protestation en réunissant quelque 60 000 participants, soit beaucoup plus que la rencontre précédente. La présence de 4 900 organisations venues de 130 pays différents témoigne de l’écho grandissant de cette initiative devenue un centre d’attraction pour tous ceux qui luttent dans le monde.

Aussi bien « l’argentinazo » que le mouvement de protestation globale participent de la recomposition de la résistance ouvrière dont la grève de 1995 en France a constitué le point de départ. Cette recomposition est visible en Allemagne, en Italie et dans d’autres pays européens, après de nombreuses années d’offensive du capital contre les travailleurs. Il s’agit encore de réactions défensives, relativement limitées, mais qui témoignent d’une remontée significative des luttes. Ce phénomène s’étend aussi de façon significative à des pays de la périphérie qui ont connu une industrialisation récente. Les classes ouvrières de Corée, d’Afrique du Sud ou du Brésil se sont renforcées ainsi que leurs organisations syndicales (24). Les syndicats conservent à l’échelle mondiale une force colossale de quelque 160 millions d’affiliés et jouent un rôle de premier plan dans des situations de conflit, malgré l’aggravation du chômage et la flexibilisation de l’emploi. Mais leur déclin est patent quand la sclérose bureaucratique bloque la participation des secteurs combatifs écartés depuis un certain temps de la vie syndicale (travailleurs immigrés, chômeurs, femmes).

« Un autre monde socialiste est possible »

L’essor des luttes sociales dans un contexte de récession globale et d’escalade militariste a remis à l’ordre du jour l’affrontement politique entre les courants keynésiens et les courants socialistes sur les questions de la résistance à la mondialisation. Cette opposition était particulièrement claire dans la récente rencontre de Porto Alegre où ont coexisté, en fait, deux forums. D’un côté les partisans d’un « capitalisme sain » ont invité des fonctionnaires de la Banque mondiale et des gouvernements européens qui avaient soutenu la guerre impérialiste en Afghanistan. Adeptes de la réforme du FMI, ils se sont opposés à la participation des organisations anti-impérialistes radicales. De l’autre, les courants anticapitalistes ont débattu du développement de la solidarité avec les luttes populaires dans la perspective d’une société socialiste.

La ligne keynésienne cherche à reconstruire le capitalisme industrialisé de l’après-guerre et c’est ce qui fait que ses théoriciens ne polémiquent qu’avec le néolibéralisme et attribuent tous les déséquilibres actuels à la seule spéculation financière. Ils n’expliquent jamais les raisons de l’échec du modèle interventionniste du capitalisme anti-libéral, notamment dans sa version périphérique d’industrialisation de substitution. Les partisans du socialisme se battent au contraire pour que le mouvement se dote d’un projet anticapitaliste. C’est la seule voie qui rende possible le succès du mouvement de protestation globale en mettant en évidence l’existence d’antagonismes entre les classes et le caractère factice de l’égalité citoyenne qui dissimule de profondes inégalités sociales. Le programme socialiste insiste sur le fait que la source du pouvoir des grandes entreprises et du secteur bancaire réside dans la propriété privée des moyens de production et que le responsable du chômage, de l’exploitation et de la crise est bien le capitalisme (et non le marché qui est né avant lui et lui survivra en partie). Face à la crise, les tâches d’actualité sont la popularisation des mots d’ordre, des concepts et du projet socialistes en mettant l’accent sur la responsabilité du système capitaliste (et pas seulement du néolibéralisme). C’est ainsi que pourra émerger un pôle anticapitaliste dans le mouvement anto-mondialisation (25). Dans cette protestation globale s’expriment de nouvelles formes de révolte et de conscience politique. On y trouve à la fois la marque des effets produits par la disparition de l’ex URSS et de l’assimilation de cette expérience par une partie de la nouvelle génération (26). La jeunesse se radicalise, reprend le chemin de l’action directe et se tourne à nouveau vers la politique, avec une méfiance accrue vis-à-vis des partis politiques, sans qu’existe la force d’attraction qu’exerçaient le mouvement ouvrier et les révolutions socialistes victorieuses dans le tiers monde. Jeter des ponts entre la nouvelle génération et le renouveau du programme révolutionnaire est le grand défi auquel il faut faire face aujourd’hui, car « un autre monde est possible » si on lutte pour le socialisme.

Buenos Aires, 14 février 2002.

NOTES

* Claudio Katz est économiste, professeur à l’Université de Buenos Aires, chercheur au Conicet (Conseil national de recherches d’Argentine), collaborateur à l’Université des Madres de la Plaza de mayo et militant marxiste-révolutionnaire. Cet article a été traduit d’espagnol par P. Robs.

1. Pollack Andrew, "EnronOnline et l’économie pas si nouvelle, Inprecor n° 468/469 de mars-avril 2002.
2. Camejo analyse cette autonomie des cycles boursiers par rapport aux cycles de production. Camejo Peter, "On Brenner’s theory of crisis", Against the current n° 80, may-june 1999.
3. Brenner Robert, "Estados Unidos : esperando la recesión", Viento Sur n° 55, marzo 2001.
4. Nakatani Paulo, "La guerra y la crisis económica", Herramienta n°18, verano 2001-2002.
5. L’aggravation du taux d’exploitation est analysée dans : Hudson Ken, "The disposable worker", Monthly Review, vol. 52, n° 11, april 2001 ; Yates Michael, "The new economy and the labor movement", Monthly Review, vol. 52, n° 11, april 2001 ; Hunter Mark, "Los asalariados y el tiempo", Le Monde Diplomatique (éd. argentine), enero 2000.
6. Harman Chris, "The new world recession", International Socialism 93, december 2001.
7. Cette analyse se démarque de celle de James Petras qui établit un rapport direct entre expansion impérialiste et recul économique des Etats-Unis, "La revolución de la información, la globalización y otras fábulas", Voces y culturas, n° 17, 1er semestre 2001.
8. Albo Greg, Zuege Alan, "European capitalism today", Monthly Review n°3, vol 51, july-august 1999.
9. Les articles de F. Vercammen sur ce processus sont très éclairants. Vercammen Francois, "L’Euro est là", Inprecor n° 425, juin 1998 ; "Nouvelle étape : l’Europe.puissance", Inprecor n° 441, novembre 1999 ; "Devant le grand saut : pseudo-débats et offensive capitaliste", Inprecor n° 459/460, juin-juillet 2001 ; "Le sommet de Nice", Inprecor n° 452, novembre 2000 ; "Union européenne et guerre americaine", Inprecor n° 465, decembre 2001.
10. Tabb William, "The end of the japanese postwar system", Monthly Review n° 3, vol 51, july-august 1999.
11. Cette comparaison est suggérée par : Brenner Robert , "The boom and the bubble", New Left Review 2, n°6, dec. 2000.
12. P. Krugman encourage ces propositions (La Nación, 19-7-01, 15-8-01, 4-8-01, 25-6-01).
13. Katz Claudio, "Las crisis recientes en la periferia", Realidad Económica n° 183, octubre-noviembre 2001, Buenos Aires. Sur la situation en Argentine : Katz Claudio, "Las alternativas de la crisis económico" (18 de noviembre 2001) ; "La signification de l’argentinazo", Inprecor n° 466/467 de janvier-février 2002 ; "Duhalde ou la dernière cartouche du péronisme", Inprecor n° 466/467 de janvier-février 2002.
14. M. Husson abonde dans ce sens. Husson Michel, "2001 ou le grand retournement conjoncturel", Inprecor n° 463/464, octobre-novembre 2001.
15. C’est la vision de Dos Santos Theotonio, "Notas sobre la coyuntura económica mundial", Nueva Sociedad n° 155, mayo-junio 1998.
16. Cette ligne prédomine parmi les économistes autour de Bernard Cassen dans Le Monde diplomatique.
17. Giordano Eduardo, "Sube el petroleo, baja el euro", El viejo Topo ; Udry Charles André, "D’Afghanistan à l’Asie centrale", Inprecor n° 463/464, octobre-novembre 2001
18. Gibbs David, "Washington new interventionism", Monthly Review n°4, vol 53, september 2001.
19. Udry Charles André, "Locura criminal y desorden imperial" ; Petras James, "Contra las teorías conspirativas" ; Kagarlisky Boris, "El incendio del Reichstag en Nueva York", Herramienta n° 17, Primavera 2001.
20. Hearse Phil, "Politique de guerre anti-terroriste", Inprecor n°463/464, octobre-novembre 2001 ; Buster G. "My name is Dubya", Inprecor n° 456, mars 2001.

21. Martinez Montavez Pedro, "Los arabes perdieron el siglo XX", Página 12, 12-11-01 ; Maitan Livio, "La situation internationale", Inprecor n° 465, decembre 2001 ; Petras James, "La contraofensiva imperial", Documento para el foro de Porto Alegre ; Amin Samir, Mesa Redonda Congreso Marx, Herramienta n° 18, verano 2001-2002.

22. Toussaint Eric, "Los movimientos sociales y el desafio de pasar a la ofensiva", Serpal 16-7-01 ; Vercammen Francois, "Après Gênes", Inprecor n°461/462, août-septembre 2001.
23. Cannavó Salvatore, "Guerre, terrorisme...", Inprecor n°463/464, octobre-novembre 2001. Aguiton Christophe, "Quelques éléments pour la discussion après Gênes", Inprecor n° 461/462, août-septembre 2001.
24. Callinicos Alex, "Reformism and class polarisation", International Socialist n° 85, autumn 1999.
25. On trouve cette analyse chez Lowy Michael, "Lectures de Christophe Aguitton", Inprecor n° 461/462, août-septembre 2001 ; Harribey Jean Marie, "Los malentendidos de la mundialización", Desde los cuatro puntos, n° 33, agosto 2001, México y Hernandez Juan, "Algunas reflexiones sobre el internacionalismo anticapitalista", Dialéctica n° 13, invierno 2001. Par contre, le point de vue d’une stratégie socialiste est absent du livre d’Aguiton Christophe, Le monde nous appartient, Plon, Paris, 2001.
26. Callinicos Alex, "Le mouvement anticapitaliste et la gauche revolutionaire", Inprecor n° 458, mai 2001 ; Cannavo Salvatore, "Gênes : une occasion de refonder la gauche anticapitaliste", Inprecor n° 459/460, juin-juillet 2001. Il faut également prendre en compte une certaine « sensibilité anarchiste » très éloignée des vieilles théories de Bakounine, mais qui se réclame de principes égalitaires, de valeurs éthiques et de positions antiautoritaires. Voir Epstein Barbara, "Anarchism anti-globalization", Monthly Review n° 4, vol 53, september 2001.

(tiré d’Inprecor, revue publiée sous la responsabilité du Secrétariat Unifié de la Quatrième Internationale)