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Brésil

Changer de route

Par Articulaçao de esquerda*

dimanche 26 octobre 2003

Le gouvernement Lula peut avoir un rôle fondamental dans la lutte contre l’impérialisme nord-américain, dans la lutte contre l’hégémonie du capital financier, dans la lutte pour des réformes démocratiques et populaires, dans la lutte pour un Brésil et un monde socialistes.

Néanmoins pour que cela se produise, il faut changer la ligne politique qui hégémonise aujourd’hui l’orientation du gouvernement, du Parti des travailleurs et la majorité de la classe travailleuse brésilienne.

Ce changement de ligne peut être le résultat :

 de la croissance de la gauche socialiste au point qu’elle devienne majoritaire dans le Parti et dans la classe travailleuse ;

 d’une division de l’actuel camp majoritaire du PT ;

 ou finalement, d’une modification de sa politique par la majorité elle-même.

Les trois chemins sont possibles et peuvent survenir simultanément. Cela dépendra, dans une large mesure, de la lutte des classes. L’évolution de la situation économique internationale et en particulier en Amérique latine ; le comportement de l’impérialisme, tant dans le domaine politico-militaire que dans les négociations sur la Zone du libre-échange des Amériques et sur les accords avec le Fonds monétaire international ; l’évolution de la situation économique et de la crise sociale au Brésil ; l’attitude du grand capital et particulièrement du secteur financier et latifundiste face au gouvernement fédéral ; la position des classes travailleuses et surtout celle des ouvriers industriels ; le comportement des masses populaires ainsi que les performances des partis conservateurs lors des élections de 2004 toutes ces variables seront influencées par la politique du PT et du gouvernement, mais elles influenceront aussi en retour cette politique, soit en favorisant le renforcement, soit en favorisant la modification de la ligne politique hégémonique aujourd’hui.

Dans tous les cas la gauche socialiste n’aura une chance de succès qu’à la condition qu’elle comprenne que son ennemi c’est le grand capital, l’impérialisme et la droite ; la nécessaire lutte contre les positions de l’actuelle majorité du PT, qui hégémonise le gouvernement, ne peut servir d’excuse pour des politiques de gauche qui agiraient comme si le gouvernement Lula était un gouvernement de la bourgeoisie.

Justement parce que nous considérons que le gouvernement Lula est notre gouvernement que c’est un gouvernement du Parti des travailleurs, un gouvernement que nous avons contribué à faire élire, un gouvernement issu de plus de vingt ans de nos luttes nous nous sentons obligés de critiquer son orientation, en particulier sa politique économique. Cette critique peut et doit être faite publiquement, avec les médiations qui apparaissent nécessaires, et doit être accompagnée de propositions concrètes de changement de la ligne du gouvernement, sur tous ses fronts d’activité.

Ces changements doivent conduire à un accroissement des investissements sociaux, une augmentation des investissements publics, un élargissement de la présence de l’État dans l’économie, un renforcement de la petite et moyenne propriété, une amélioration des conditions de vie, de l’emploi et des rémunérations des classes travailleuses.

Pour atteindre ces objectifs il faut adopter diverses mesures macro-économiques, parmi lesquelles mentionnons : la réduction des taux d’intérêt, la réduction de l’excédent fiscal primaire, l’adoption du contrôle des flux de capitaux, la déprivatisation de la Banque centrale, le non-renouvellement de l’accord avec le FMI, le rejet de l’accord sur la Zone de libre-échange des Amériques (ZLÉA), la confrontation avec l’endettement extérieur et intérieur, la réalisation des réformes agraire et urbaine.

L’élaboration d’une politique alternative pour l’action du gouvernement est une tâche qui doit être accompagnée par l’élaboration d’une stratégie de lutte pour le socialisme, adoptée à la période ouverte par l’élection de 2002. Cela exige d’impliquer de larges secteurs de la gauche et du militantisme pétiste, qui ne sont pas satisfaits par les résultats de la politique actuellement hégémonique dans le parti.

La confrontation avec l’impérialisme, le grand capital et la droite ainsi que le renforcement de la gauche socialiste et la possibilité de diviser l’actuelle majorité du parti dépendent de l’élargissement significatif de la mobilisation politico-sociale des classes travailleuses.

Stimuler la lutte revendicative, stimuler les revendications sociales les plus variées, soutenir les mesures de démocratie directe (telle la convocation par le gouvernement d’un plébiscite ou d’un référendum sur l’accord de la ZLÉA) constituent les aspects fondamentaux de notre politique pour la période, avec comme priorité l’organisation et la mobilisation des secteurs stratégiques de la classe travailleuse, en particulier les ouvriers de l’industrie.

Dans ce contexte, les élections de 2004 seront un moment important pour renforcer l’influence de la gauche socialiste. Celle-ci doit se montrer capable d’agir à l’échelle nationale de manière organisée, sans spontanéisme ni opportunisme électoral.

La prochaine période, jusqu’à l’élection directe des nouvelles directions du Parti, sera décisive. La poursuite de l’actuelle politique peut sceller le destin du gouvernement Lula. Pour cela la gauche brésilienne et le Parti des travailleurs, et en particulier la gauche pétiste, doivent intensifier leur action militante dans le but de changer la stratégie actuellement hégémonique au sein de notre parti et de notre gouvernement.

Ce changement sera possible si nous parvenons à construire une nouvelle majorité dans la classe travailleuse brésilienne, ce qui doit être fait sur tous les terrains : dans la lutte interne du PT, dans l’action gouvernementale, dans les parlements et dans les mouvements sociaux.

Les prochains dix-huit mois seront décisifs pour définir les possibilités réelles de changement de cap du gouvernement. Naturellement la lutte des classes elle-même peut anticiper de telles définitions, à travers des phénomènes comme une crise générale à l’échelle internationale ou nationale, une radicalisation de l’attitude du grand capital ou un élargissement spontané des luttes de masse.

L’Articulação de Esquerda une des tendances de la gauche pétiste conclut la première étape de sa VIe Conférence nationale en appelant les militants du Parti des travailleurs, et tout spécialement les militants de la gauche pétiste, à lutter pour que le gouvernement Lula change de route


* Articulaçao de Esquerda (Articulation de gauche) est une des principales tendances de gauche au sein du Parti des travailleurs. Elle est issue de la rupture des militants de gauche avec la tendance Articulaçao (qui dirigeait le parti depuis sa fondation et dont Lula était le principal animateur) au début de la décennie 1990. L’intense débat qui traverse le Parti des travailleurs depuis la constitution du gouvernement Lula en janvier 2003 a conduit les principales tendances de la gauche du PT Articulaçao de Esquerda, Démocratie socialiste et Força Socialista (Force socialiste) a défendre des orientations proches. Nous reproduisons ici la Résolution de la VIe Conférence nationale de la tendance Articulaçao de Esquerda, qui s’est réunie les 26-27 septembre 2003. Traduit du portugais (Brésil) par J.M.

(tiré d’Inprecor 485-486)