Accueil > Gauche socialiste > Éditogauches > États-Unis : Le dégoût du néolibéralisme

États-Unis : Le dégoût du néolibéralisme

jeudi 20 novembre 2008

Alors que l’élection présidentielle américaine devait se tenir le 4 novembre, Charlie Post, militant syndical à la City University de New York, donnait son point de vue sur la situation aux États-Unis. Il est membre de Solidarity, une organisation révolutionnaire en lien fraternel avec la IVe Internationale. Tiré de Rouge n° 2272, 30/10/2008

● Avec l’impopularité de Bush, assistons-nous à un basculement vers la gauche de l’opinion publique ?

Charlie Post – L’impopularité de Bush reflète un dégoût profond, dont une bonne partie tient au désastre de l’intervention en Irak, à l’effondrement financier et à la récession. Ces événements font remonter le ressentiment de 30 années de politiques néolibérales, menées aussi bien par les démocrates que par les républicains, qui ont permis aux capitalistes de s’enrichir pendant que la majorité des travailleurs a vu les salaires, les acquis sociaux et les conditions de travail se détériorer.

Comment Barack Obama a-t-il utilisé à son avantage ce dégoût ?

C. Post – Le fait qu’un Afro-Américain ait été investi par un grand parti politique témoigne des avancées du mouvement pour les droits civiques. La seconde raison du succès d’Obama est qu’il n’est pas un républicain qui a dirigé le pays ces huit dernières années. Son programme est plutôt social-libéral. Il soutient le démantèlement du maigre État-providence américain et il a promis qu’il ne créerait pas de nouveaux services publics, même dans la santé. Il est généralement silencieux sur les questions « raciales ».

Où en sont les luttes sociales aux États-Unis ?

C. Post – Le mouvement des immigrés a été la plus importante lutte de la classe ouvrière depuis les années 1970, et il a culminé par des grèves massives. Malheureusement, depuis mai 2006, les divisions et les pressions des leaders syndicaux (AFL-CIO et Change To Win), pour canaliser le mouvement vers un soutien au Parti démocrate, ont provoqué son déclin. Les organisations de travailleurs immigrés, comme les Workers Centers, restent malgré tout en place, et ils rendent possible un renouveau des luttes. Le mouvement antiguerre a connu une évolution similaire. Une combinaison de démoralisation et de pressions des dirigeants de la principale coalition antiguerre (United for Peace and Justice) pour ne pas déranger les démocrates a fait disparaître la mobilisation des yeux de l’opinion publique en 2008. Malgré tout, le mouvement continue et tente de s’enraciner. US Labor Against The War (« Travailleurs américains contre la guerre »), qui a le soutien d’un grand nombre de syndicats, réalise un important travail d’éducation contre la guerre. Les familles de militaires et les anciens combattants restent à l’avant-garde de la mobilisation.

● Quel est l’impact de la crise économique ?
C. Post – La crise semble approfondir la démoralisation des ouvriers sur les lieux de travail. La montée du chômage n’a jamais été un bon environnement pour les grèves et les revendications. Cependant, si la crise s’arrête, dans dix-huit à trente-six mois, l’inflation pourrait provoquer de nouveaux conflits sur les salaires. La crise ouvre des possibilités hors des entreprises. La vague de saisies et d’expulsions immobilières peut stimuler des luttes sur la question du logement. Une période prolongée et élevée de chômage peut donner la possibilité de batailles sur les maigres allocations-chômage.

● La gauche américaine est-elle en position d’offrir une alternative pour les travailleurs ?

C. Post – Le mouvement ouvrier organisé, en premier lieu les syndicats, est dans un état de faiblesse historique. La gauche anticapitaliste est faible et divisée. Il y a des bastions qui résistent, comme les centres sociaux des travailleurs immigrés, une partie du mouvement antiguerre et différents groupes de syndicalistes de base. Mais ils sont isolés et divisés. Dans une telle situation, il y a un danger que l’extrême droite populiste, raciste, sexiste et homophobe gagne de l’audience dans la classe ouvrière. ■

Propos recueillis par John Mattew, traduit par Yoann Houtzager