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Le projet de la direction du NPD et nos tâches

mercredi 1er juin 2011, par Bernard Rioux

En élisant 59 députés québécois du NPD, le peuple québécois a jeté les bases permettant au NPD de sortir de son statut de tiers parti auquel il était réduit depuis plusieurs décennies.

Le peuple québécois change le destin du NPD

Avec 102 députés, le NPD devient l’opposition officielle. Il marginalise pour toute la prochaine période, et peut-être plus, un parti historique de la bourgeoisie canadienne. Mais la vague orange pourrait, comme toute vague, avoir le destin de rapidement se briser.

C’est bien ce sur quoi compte le Parti libéral du Canada, qui a entrepris sa pénible reconstruction, persuadé qu’il est que le sort actuel du NPD n’est que temporaire, et que la prochaine élection a toutes les chances de rétablir la situation. Même certains responsables du Bloc québécois durement frappé par les élections du 2 mai, croient encore à une prochaine reconstruction, bien que la démoralisation a atteint dans ce parti un niveau mortifère et qu’on n’ait pas encore compris, les causes et fondements du désastre qui a frappé.

Les défis de la direction Layton

La direction du NPD comprend bien que ces dernières élections lui ont donné une occasion en or d’en finir avec la marginalisation politique. Pour la première fois, le NPD peut envisager dans une prochaine étape de former le gouvernement de l’État canadien. Mais, il sait que si le parti ne sait pas profiter de ce moment pour se construire et faire ses preuves, la prochaine élection pourrait redistribuer les cartes et le renvoyer à son destin de tiers -parti. La direction sait qu’il faut agir vite. Elle a toute une série de choix stratégiques à faire pour capitaliser sur les fruits de cette vague orange qui sera, au prochain rendez-vous électoral, un passé bien vague.

Elle doit pouvoir préparer une nouvelle percée au Canada anglais en apparaissant comme suffisamment marqué au centre pour remplacer le PLC dans des secteurs entiers de l’électorat et apparaître pour les décideurs du pays comme le parti le plus sérieux de l’alternance. Mais pour protéger sa base électorale traditionnelle, elle doit garder et renforcer tous ses appuis dans le mouvement syndical et les différents mouvements sociaux. La direction doit également consolider ces acquis au Québec qui sont aussi fragiles qu’ils ont été soudains.

En somme, le NPD doit passer du statut d’une créature d’un vote de circonstance à une réalité politique et organisationnelle qui en fera un candidat crédible pour la prise du pouvoir par ce parti aux prochaines élections fédérales. Voilà le défi devant lequel est placée la direction de la social-démocratie canadienne.

Les pressions contradictoires sur la direction du NPD

Mais ce défi va se décliner en une série de tâches spécifiques qui devront se faire dans une champ de pressions contradictoires qu’il faut maintenant examiner.

a. la question du Québec ou comment convaincre les Québécoises et les Québécois de donner une nouvelle dernière chance au fédéralisme canadien.

Si la conjoncture des dernières élections fédérales a permis que la question nationale n’ait pas été un facteur déterminant dans le choix du vote des Québécoises et des Québécois, parier qu’il en sera ainsi est un choix trop dangereux pour être réaliste. La marginalisation de la députation québécoise dans le gouvernement conservateur ne restera pas sans effet. La volonté centralisatrice d’Ottawa, sa défense de politiques militaristes, son conservatisme moral, son mépris de la défense de l’environnement et la minorisation politique effective du Québec dans ce gouvernement sont des ingrédients du renforcement de l’aliénation du Québec face au Canada. La classe politique du Canada anglais en est bien consciente tout comme la grande presse à son service.

Dans ce contexte, la direction du NPD sait que son parti a ses cartes à jouer. Elle a une députation québécoise importante. Sa base militante est jeune. Elle est donc mieux placée que les autres partis fédéraux, pour relancer la perspective que le Québec doit assurer une nouvelle chance au fédéralisme canadien. Pour ce faire, elle est prête à assouplir ses positions et à opérer un certain nombre d’ajustements. Les récentes mises au point de Layton sur l’éventuelle reconnaissance du NPD d’un vote de 50 +1% des voix en faveur de la souveraineté, montre bien que la direction de ce parti comprend qu’elle ne devra faire preuve d’ouverture face à certains droits nationaux si elle veut protéger ces acquis au Québec.

Mais le nationalisme canadien est une dimension intrinsèque de ce parti resté quasi inexistant au Québec depuis sa création. Le discours de Layton à Toronto, le soir des élections fédérales, dans une forêt de drapeaux canadiens en a été une illustration évidente.

Dans la mesure où le fédéralisme asymétrique sortira du statut d’obscurs documents de discussion internes, on pourra facilement assister à des retours de flamme des plus décentralisateurs, comme cela s’était manifesté lors de la mobilisation de la députation du NPD en soutien à la loi sur la clarté. Il ne sera pas nécessairement facile de surfer sur un certain nationalisme québécois tout en tentant de marginaliser la menace séparatiste en créant les conditions gagnantes donnant une nouvelle chance au fédéralisme canadien.

b. Élargir sa base au Canada anglais

Pour espérer prendre le pouvoir, le NPD doit réussir à marginaliser le PLQ. Rien n’est joué. La direction du PLC a été décontenancée par l’ampleur de la défaite. Mais, elle reste convaincue que la vague orange va refluer au Québec et disparaître au Canada anglais. Le parti doit trouver son créneau entre le NPD et les Conservateurs. Pour cette direction, sa renaissance est possible et même probable. C’est pourquoi avant les prochaines élections, tout demeure possible. Et aucune fusion ou coalition n’est souhaitable ou même envisageable pour la direction du PLC.

Face à cette situation, la direction du NPD doit pouvoir répondre à deux séries de pressions contradictoires. D’une part, face aux mesures conservatrices d’austérité, elle tendra à opposer des mesures sociales-libérales incapables de s’opposer à la logique de l’offensive de la bourgeoisie canadienne. La direction du NPD veillera à ne pas se laisser déporter sur la gauche et à ne pas ouvrir ainsi un espace trop important au PLC en espérant empêcher une éventuelle renaissance de ce dernier.

c. Ne pas mettre en danger sa base traditionnelle chez les syndiqué-e-s et dans différents mouvements sociaux .

D’autre part, elle fera face aux pressions provenant du mouvement syndical et des différents mouvements sociaux qui seront confrontées à des attaques systématiques du gouvernement conservateur. Ce dernier approfondira ses politiques d’austérité, ses remises en questions des droits démocratiques des mouvements sociaux et tentera d’imposer ses valeurs morales dans un objectif clair de transformation radicale de la société canadienne.

La nature et l’ampleur de la résistance syndicale, féministe, populaire, écologiste et pacifiste aux attaques du gouvernement conservateur exerceront des pressions sur le NPD et sur son alignement.

Perspectives

Les élections du dernier mai dernier ont changé la donne. Les Conservateurs sont majoritaires. Ils vont essayer de transformer l’État et la société canadienne à leur image. La social-démocratie comme opposition officielle va chercher à installer les possibilités d’une alternance réelle.

a. Nos objectifs stratégiques

Pour la gauche solidaire et indépendantiste, pas question de se faire la moindre illusion sur les objectifs de la social-démocratie canadienne. Nous devons savoir articuler une culture de la confrontation avec toutes les concessions aux secteurs libéraux de la bourgeoisie. Il faut souligner la nécessité de ne pas rester engoncé dans une logique capitaliste, de refuser la concentration des richesses et de ne pas limiter nos revendications au respect de la logique du système capitaliste. Mais il faut aussi développer une culture du débat et des échanges pour utiliser la volonté de la social-démocratie de conserver un minimum d’autonomie face au capital pour chercher à impliquer le NPD et ses militant-e-s dans les luttes qui se développeront contre l’austérité et pour les droits du Québec.

Pas question de laisser se construire, sans mot dire, un parti politique qui s’alignerait sur les orientations des différents partis sociaux-démocrates d’Europe occidentale qui se sont ralliés aux politiques d’austérité. Seules les luttes extraparlementaires permettront de développer un rapport de force permettant de résister aux politiques conservatrices.

Pas question de laisser la social-démocratie canadienne donner une nouvelle chance, projet tout à fait illusoire, au fédéralisme canadien. Pour ce faire, le mouvement indépendantiste doit pouvoir lier la perspective d’un Québec indépendant, à un Québec égalitaire, féministe, qui rejette les politiques militaristes et qui est radicalement écologiste. Le rejet de notre statut de minorité politique dans l’État canadien est lié à notre projet d’un Québec indépendant, et à l’élargissement de la démocratie citoyenne et participative à laquelle nous aspirons.

b. Exiger du NPD de dépasser la simple opposition parlementaire aux politiques du gouvernement conservateur

Les solidaires vont exiger de la députation du NPD de défendre les revendications du mouvement syndical et des mouvements sociaux progressistes tant au parlement que dans la rue. Le NPD doit utiliser son appareil et son organisation pancanadienne pour favoriser la mise en place d’alliances sociales contre les politiques conservatrices afin d’aider à créer le mouvement le plus massif possible capable de casser les projets du gouvernement conservateurs.

c. Exiger de la députation du NPD de refuser que la nation québécoise soit traitée comme une minorité politique

Le peuple du Québec a le droit de choisir son destin. La reconnaissance du plein droit à l’autodétermination du Québec ne doit pas rester une résolution politique de congrès que l’on présente au Québécois pour les assurer de sa bonne foi. Pour que cette résolution dépasse une posture sans conséquence, le NPD, sa députation au Canada anglais tout particulièrement, doit mener un combat politique dans toutes les provinces pour convaincre le peuple canadien de ce droit. Il faut qu’il soit soutenu concrètement et activement.

Les organisations syndicales et populaires du Canada-anglais doivent être invitées à reprendre à leur compte cette lutte démocratique essentielle. Ce droit ne se manifestera pas seulement dans une éventuelle reconnaissance d’un vote référendaire, mais également dans le soutien, dès maintenant, des pleins droits du Québec en matière de législation linguistique, de culture et de communication... Un signal de cette volonté de respecter les droits du Québec doit être donné par le rejet par la députation néo-démocrate de l’infâme loi sur la clarté.

La remise en question de l’État canadien (et de l’oppression nationale qui le structure) doit aussi passer par la défense du droit à l’autodétermination des Premières nations et de leurs droits économiques et sociaux.