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Le socialisme comme autogouvernement solidaire du peuple organisé

Thèses pour le programme du Parti des Travailleurs (extraits)

dimanche 27 avril 2003

Notre programme démocratique et populaire doit être orienté par une conception du socialisme qui représente l’appropriation, par la population organisée, du contrôle sur les mécanismes de la gestion économique et politique de la société. Le socialisme doit permettre de rendre effective la souveraineté populaire dans la définition des destins de la société, aujourd’hui aliénée par le marché capitaliste et par une organisation étatique qui fonctionne comme « un comité exécutif chargé de gérer les affaires communes de la bourgeoisie » (Manifeste Communiste), et manipulée par les médias et par l’industrie culturelle capitaliste. Cela signifie la création d’institutions qui prennent la place du marché capitaliste et de l’État bourgeois, institutions basées sur la « libre association des travailleurs », sur l’activité autonome, démocratique et souveraine de la population, institutions qui interviennent dans la gestion de la chose publique (y compris une bonne partie des actuelles affaires privées de la bourgeoisie affectant une grande partie de la société et devant être réabsorbées par la sphère publique).

Nous ne voulons ni l’étatisme, la tentative de promouvoir un processus de changement social du haut vers le bas, avec une participation populaire contrôlée par les appareils étatiques ; ni la domination du marché, avec les besoins populaires soumis à une logique qui leur est étrangère et qui favorise les propriétaires de capital. Le socialisme que nous recherchons est celui de la solidarité humaine comme valeur fondamentale, où les citoyens décident de leur destin, où il y a donc l’autogouvernement des travailleurs.

A très long terme, reste valable la formulation de Marx selon laquelle une société réellement libre aura éliminé la production de marchandises, et donc le marché et toutes les catégories marchandes ; elle aura également réussi à faire disparaître l’État comme appareil politique autonomisé, réabsorbé par la société auto-organisée.

Cependant comme perspective pour l’époque actuelle, comme axe d’un programme démocratique et populaire, notre proposition doit être bien plus limitée : développer toutes les formes d’auto-organisation populaire et de contrôle social sur l’État et sur le marché.
Nous ne défendons comme perspective immédiate ni la disparition de l’État - c’est évident - ni sa réduction. Ce que nous défendons, c’est sa transformation, qui doit être de plus en plus contrôlée par la population organisée et consciente, qui se constitue de plus en plus en véritable chose publique. En ce sens, nous défendons l’affaiblissement de l’État, c’est-à-dire son affaiblissement en tant qu’appareil politique autonome.. Notre expérience de ces dernières années est extrêmement utile pour concrétiser cette perspective, avec l’avancée réussie dans la participation populaire à diverses administrations municipales, tout spécialement à Porte Alegre, et avec le début de l’extension de ce processus pour le gouvernement du Rio Grande do Sul. Cette expérience a montré que cette façon de traiter l’État est aussi démocratique qu’efficace. Les transformations qui se produisent sur le terrain des communications et de l’informatique réduisent considérablement les difficultés autrefois existantes pour l’exercice d’une démocratie participative. Les discussions sur les questions fondamentales à chaque niveau de la société (à l’échelle nationale, régionale ou locale) peuvent être présentées à tous les citoyens, permettant que les délibérations soient de plus en plus directes. Il faut que nous avancions dans le contrôle sur les marchés (sans prétendre les éliminer à court ou moyen terme, naturellement). Le contrôle sur les marchés doit être mené à bien par des organismes publics, qui ne peuvent être dans cette phase que des organismes d’État soumis au contrôle populaire. Nous affirmons que cela n’a pas de sens, d’un point de vue démocratique, de réduire l’État pour donner plus d’espace aux marchés capitalistes : cela signifierait en réalité une perte de capacité de décision du peuple, et donc un recul du point de vue de la démocratie.. Mais nous affirmons aussi que cela n’a pas plus de sens, d’un point de vue démocratique, de renforcer l’État sans qu’en même temps se renforcent les mécanismes de contrôle de la société sur l’État lui-même. Si l’extension de l’intervention de l’État, d’un autre côté, se fait en combinaison avec le contrôle social sur ses activités, nous nous trouverons en train de développer des formes qui donnent plus de contrôle aux citoyens sur leurs conditions de vie, autrement dit, des formes plus démocratiques. En ce sens, « l’extension » de l’État contribuera à son processus de disparition à long terme, c’est-à-dire de réabsorption par la société organisée.

L’État devra avoir la capacité de coordonner les activités économiques, de façon qu’elles soient cohérentes avec le projet de développement démocratique et populaire, et qu’il puisse y avoir une réduction croissante des inégalités sociales et régionales. Pour cela, il n’est pas nécessaire d’étatiser toute l’économie, mais il est nécessaire que de nombreuses entreprises stratégiques soient de propriété publique (étatique). Nombre d’entreprises privatisées dans la dernière période devront être ré-étatisées, donc, mais avec la garantie de contrôle social.

En troisième lieu, il faudra stimuler toutes les formes d’auto-organisation dans l’économie, c’est-à-dire toutes les formes de coopératives et d’associations. Dans le cadre d’un gouvernement démocratique et populaire, au cours du processus de transformations, les conditions seront réunies pour dépasser un des principaux (sinon le principal) problèmes que les initiatives des travailleurs dans le domaine économique affrontent habituellement, qui est la pression pour qu’elles s’adaptent à la logique du marché, pour qu’elles adoptent une perspective patronale. Une des mesures-clés qu’un gouvernement démocratique et populaire devra prendre sera la garantie de crédit avantageux pour ces initiatives (dès lors qu’elles ne visent pas l’enrichissement et qu’elles n’aient pas pour objectif l’accumulation privée de propriété). Pour cette raison, entre autres, le secteur financier du pays devra connaître un changement radical, passant sous contrôle public (dans les premiers programmes du PT on parlait d’étatisation du secteur financier ; il est temps de reprendre cette perspective, en lui associant le contrôle social).

Une mesure fondamentale pour changer la situation des travailleurs et promouvoir une modification profonde dans le rapport de forces entre les classes, dans un sens démocratique, sera l’extension radicale des droits de contrôle des travailleurs sur les entreprises privées. Une des premières actions dans cette direction sera de limiter le « droit de licencier les travailleurs », que les entreprises ont aujourd’hui sans restriction. Il faudra examiner l’expérience des chambres de métiers pour dépasser leurs limites corporatistes, propres à leur configuration institutionnelle (avec la seule participation de patrons, de travailleurs d’une branche et du gouvernement). Les décisions sur la politique de développement (régional, industriel, etc.) doivent être subordonnées à une vision générale qui ne peut être construite que dans des espaces démocratiques de participation populaire, tels le Budget Participatif. En outre, la question ne sera pas de négocier avec les entreprises des avantages pour qu’elles promettent de maintenir l’emploi pour un certain temps (sans qu’on ait de garantie que cela soit réellement fait) ; il sera nécessaire de modifier le contenu du droit de propriété des patrons, qui sera plus limité par les droits des travailleurs.

Les organismes populaires de gestion de l’économie iront bien au-delà de l’entreprise des chambres de métiers aussi pour une autre raison. Intégrés dans un processus de transformations plus vaste, ils chercheront à garantir l’emploi toujours d’une façon qui corresponde aux intérêts de l’ensemble de la société. Il sera possible que des activités déterminées soient subventionnées par le pouvoir public ; mais cela devra être justifié en termes d’utilité sociale. Ainsi ne pourront être justifiées des subventions pour que la production automobile augmente, alors qu’elle est déjà excessive et que d’aucune façon on ne peut dire qu’elle constitue une priorité sociale. La garantie de l’emploi des travailleurs du secteur devra être rendue possible par le transfert d’une partie d’entre eux vers d’autres activités du même secteur (par exemple, la production de véhicules collectifs, de camions ou de tracteurs) ou en dehors de ce secteur. Le caractère juste et démocratique d’une mesure comme celle-là ne peut faire aucun doute : comme nous l’avons observé précédemment, où est la justice quand des travailleurs qui ont des années de boîte peuvent être sommairement licenciés ? Après avoir donné des années de leur vie à une entreprise, les travailleurs ne devraient-ils pas, eux aussi, avoir des droits sur elle ? Tout cela exigera, naturellement, un changement radical dans la forme des relations du pays avec l’étranger, pour qu’il n’y ait pas de fuite des capitaux et de chantage des « marchés »

Lors de sa Ve conférence nationale tenue en juin 1999 (cf. Inprecor n°439/440 de septembre/octobre 1999) la Tendance Démocratie Socialiste (qui regroupe au sein du PT les marxistes révolutionnaires se référant aux conceptions de la IVe Internationale) a débattu du projet socialiste que le Parti des travailleurs devrait formuler aujourd’hui. Les thèses adoptées par la Ve conférence nationale de DS (que nous reproduisons ci-contre) peuvent fertiliser la réflexion programmatique du mouvement ouvrier non seulement au Brésil.

(Thèses soumis par la Tendance Démocratie socialiste du PT)
Tiré d’Inprecor.