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Manifeste du Mouvement pour un Québec socialiste, indépendant, démocratique et pour l’égalité entre les hommes et les femmes

Le comité des cent (1981)

dimanche 18 juillet 2004

Le comité des cent (1981)

POUR UN QUÉBEC SOCIALISTE


Manifeste du Mouvement pour un Québec socialiste, indépendant, démocratique et pour l’égalité entre les hommes et les femmes


Table des matières

Le Québec daujourdhui
Vivre au Québec aujourd’hui
Nous vivons dans une société capitaliste
Une société à transformer en profondeur
Pour un Québec socialiste
Pour un Québec démocratique
Pour l’égalité entre les hommes et les femmes
Vers le pouvoir populaire
Un lieu de rapports égalitaires entre les femmes et les hommes
Un lieu de convergence, non de domination

La transformation en profondeur du Québec dans le sens des intérêts et des aspirations des classes ouvrière et populaires passe par la construction du pouvoir populaire et cela, sur les bases inséparables du socialisme, de l’indépendance, de la démocratie et de l’égalité entre les hommes et les femmes.

LE COMITÉ DES CENT LE QUÉBEC D’AUJOURD’HUI

En ce début des années 80, la grande majorité des hommes et des femmes qui vivent et travaillent au Québec ne peut que s’interroger quant à ses conditions d’existence et celles des autres peuples dans un monde en crise où tout semble aller de travers.

Partout l’inquiétude augmente. La course aux armements menace plus que jamais notre survie collective. Durement exploités depuis des siècles, un nombre croissant de peuples du tiers-monde sont réduits à la misère et voient avec colère leurs enfants mourir de faim par millions. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, de leurs ressources naturelles, de leur développement économique et politique est nié. Les droits humains reculent devant la montée des dictatures un peu partout dans le monde. Le gaspillage et la détérioration de l’environnement s’accroissent. Les inégalités entre les peuples et les classes s’agrandissent. L’avenir paraît sombre.

Cependant l’espoir persiste. Asservis par le capitalisme, des millions d’hommes et de femmes résistent, se rassemblent, se mobilisent, réveillent la conscience populaire, combattent les privilèges et luttent pour la paix, la justice, l’égalité et la solidarité. Des millions d’hommes et de femmes se rassemblent aussi pour une véritable démocratie socialiste dans des pays de type soviétique. Les peuples africains poursuivent la lutte de libération contre le racisme, le colonialisme et l’impérialisme. Les peuples autochtones d’Amérique revendiquent leurs droits. Des peuples d’Amérique centrale et d’Amérique latine secouent le joug des multinationales et des oligarchies. En France la lutte pour le socialisme prend des dimensions nouvelles. De grands changements sont en marche : Nicaragua, Salvador, Zimbabwe, Namibie, Pologne...

Dans ce monde tourmenté, que devient le Québec ? En cette époque troublée, où va le peuple québécois ?

Les immenses espoirs soulevés par la révolution tranquille, par la modernisation de notre société et son ouverture sur le monde, se sont tus, abandonnés et trahis par les mouvements et les partis qui prétendaient les incarner. Rien n’est résolu. Notre survie en tant que peuple est toujours menacée. Nous n’avons conquis ni l’égalité, ni l’indépendance. Nous ne sommes pas maîtres chez nous. Au contraire notre dépendance économique, politique et culturelle se perpétue. Les inégalités sociales non seulement demeurent mais se consolident. Les exploiteurs prolifèrent. Les profiteurs augmentent leurs profits. Les conditions d’existence de la population se détériorent. Autant la société juste est tombée dans 11) oubli, autant le préjugé favorable envers les travailleurs s’est effacé... Comment pouvait-il en être autrement ? Ces partis et ces mouvements n’ont-ils pas toujours refusé de remettre en question les véritables causes de la dépendance, de l’exploitation et de la domination que nous subissons ? N’ont-ils pas en définitive servi les intérêts de la minorité plutôt que ceux de la majorité ? Et aujourd’hui comme hier, le peuple québécois se retrouve désillusionné.

Cependant une prise de conscience collective de la nécessité d’une rupture et de l’urgence d’une nouvelle voie politique est en train d’émerger au sein des classes ouvrière et populaires du Québec.

Les hommes et les femmes qui travaillent dans l’exploitation des ressources, dans les mines, la forêt, l’agriculture, les pêcheries, la construction, les industries manufacturières, le transport, le commerce, la finance, la recherche, la culture, les communications, les services médicaux et sociaux, l’éducation et l’ensemble des autres services, tous ces hommes et ces femmes que l’on prive de tout contrôle collectif sur leurs milieux de travail et de vie, que le système réduit au chômage, à l’assistance sociale ou à une retraite pleine d’insécurité, ceux-là, alliés aux ménagères, aux petits producteurs indépendants, aux étudiants et aux étudiantes, forment ensemble la base sociale d’une nouvelle force politique à construire pour transformer en profondeur la société québécoise.

C’est à ces hommes et à ces femmes des classes ouvrière et populaires du Québec que s’adresse ce manifeste. Car c’est en ces hommes et ces femmes que réside tout espoir. Nulle volonté d’agir, nul changement réel, ne peuvent venir d’ailleurs.

Vivre au Québec aujourd’hui

Nous vivons dans un pays industrialisé et potentiellement très riche. À cheval sur l’embouchure d’un des principaux systèmes de communication maritime au monde, charnière entre le continent nord-américain et l’Europe, le Québec bénéficie d’une situation géographique intéressante.

Avec ses terres propices à l’agriculture, ses forêts immenses, son sous-sol riche en amiante, en fer, en zinc, en titane, en cuivre et en minéraux de toutes sortes, ses rivières dispensatrices d’énergie hydroélectrique, le Québec dispose de ressources naturelles considérables.

Avec ses réseaux de communication, ses industries, ses institutions et ses infrastructures de services, bâtis par les travailleurs et les travailleuses, le Québec possède des ressources matérielles indéniables.

Plus important encore, le dynamisme et la créativité de son peuple lui permettraient un véritable développement.

Et pourtant...

Dans ce pays qu’on nous dit riche et libre, dans cette société qu’on prétend moderne et juste, les classes ouvrière et populaires qui constituent la grande majorité de la population, vivent quotidiennement des conditions concrètes d’exploitation, d’oppression et de domination.

Les travailleuses et les travailleurs subissent une insécurité d’emploi et un chômage grandissant Les fermetures d’usines, les mises à pied, les coupures de postes dans les services publics se multiplient. 300,000 personnes en chômage ! 9% de la population active de Montréal, Québec et Sherbrooke ! 12% sur la Côte-Nord, au Saguenay-Lac-St-Jean ! 13% dans l’Outaouais ! 14% en Abitibi-Témiscamingue ! Plus de 16% dans le Bas-St-Laurent et en Gaspésie ! Et cela selon des chiffres officiels qui sont très en-deça de la réalité.

Des emplois de plus en plus difficiles à trouver mais aussi des emplois de plus en plus précaires : travail occasionnel, travail à temps partiel, à la pige, à domicile, sur appel ; des emplois qui placent les travailleuses et les travailleurs à la merci des patrons.

50% des emplois créés au Québec en 1981 sont des emplois à temps partiel !

Des emplois moins intéressants et moins bien payés quand on est francophone, immigrant ou autochtone ; alors que représentant 14% de la population, les anglophones occupent 31 % des postes administratifs et à peine 10% des emplois dans la production !

Des emplois de plus en plus contrôlés et surveillés. Un contremaître pour trois ou quatre employés dans plusieurs entreprises et services, des uniformes et des cartes d’identification obligatoires, des systèmes de contrôle intégrés dans la machinerie ! Des normes de productivité arbitraires, à respecter même dans les services médicaux !

Des emplois qui mettent notre santé et notre vie en danger. Près de 300,000 accidents de travail par année ! Chaque année, un travailleur sur trois dans les secteurs de la forêt et de la fabrication des produits en métal ! En 1977, un décès et quarante cas d’incapacités permanentes par 1,000 travailleurs dans le secteur des mines !

Des conditions de travail qui ne s’améliorent qu’au prix de grèves longues et difficiles. Des salaires qui n’arrivent plus depuis longtemps à rattraper la hausse vertigineuse du coût de la vie. Du travail en continu, du travail de soir, du travail de nuit. Des pauses trop courtes, des vacances insuffisantes. Des espaces de travail trop étroits, de la machinerie bruyante, du froid, de la chaleur trop élevée, des produits dangereux, l’usure et le vieillissement prématurés...

Des emplois de plus en plus déqualifiés, parcellisés, déshumanisés, monotones. Une automatisation de la production qui se fait sur notre dos. Une division entre la conception et l’exécution du travail qui nous condamne à l’ennui. Non seulement les patrons nous disent quoi faire mais comment le faire, dans les moindres détails !

Ces détériorations constantes des conditions de travail se répercutent de façon plus globale sur la qualité de vie en général, de telle sorte que la très grande majorité des Québécois perdent leur vie à la gagner.

Voilà les conditions qui sont faites aux travailleuses
et travailleurs dans le Québec d’aujourd’hui !

Dans ce pays qu’on nous dit privilégié, dans cette société qu’on prétend meilleure que toute autre, les femmes, les enfants, les jeunes et les personnes âgées des classes ouvrière et populaires affrontent des conditions d’existence souvent pénibles, parfois dégradantes, toujours difficiles.

Les femmes ... quotidiennement victimes de la division sexuelle du travail, du sexisme, du harcèlement sexuel, dominées par un appareil médical qui tend à les déposséder de leur corps, privées de leur droit à une maternité librement consentie, confinées dans les rôles traditionnels de mère et d’épouse, assumant gratuitement et quotidiennement l’éducation des enfants, les tâches familiales, le travail ménager, ce qui les conduit trop souvent dans les chemins angoissants de la dépendance et de la solitude. Des 135,000 femmes québécoises vivant seules avec leurs enfants, les 2/3 vivent dans la pauvreté ! Les femmes, de plus en plus nombreuses à se présenter sur le marché du travail pour aller se heurter à la discrimination et aux ghettos d’emplois et se confronter aux inégalités dans l’accès au travail, dans les conditions de travail, dans les salaires. 66% des emplois féminins se retrouvent dans le travail de bureau, le commerce et les services ! Secrétaires, serveuses, vendeuses, hôtesses, infirmières, enseignantes, travailleuses du vêtement.

Le revenu moyen des femmes sur le marché du travail équivaut à 58% du revenu moyen des hommes !

Et l’on voudrait qu’elles se taisent ?

Les enfants... victimes de conditions d’habitation, d’hygiène, d’alimentation, d’environnement, d’éducation, à ce point inégales qu’on relève 50 fois plus de coqueluches, 3 fois plus de pneumonies et d’amydalites, 7 fois plus d’infections d’oreilles dans les quartiers populaires que dans les quartiers favorisés ! Un taux de mortalité infantile 3 fois plus élevé dans l’est de Montréal que dans l’ouest ! Les enfants, privés de garderies... à peine quelques milliers de places disponibles alors qu’il en faudrait dix fois plus, des garderies mal équipées, subventionnées à contrecur, étouffées par des loyers exorbitants. Nos enfants, trop nombreux à découvrir la vie à travers les yeux de Goldorak, trop nombreux à découvrir le monde dans des écoles souvent organisées comme des prisons !

Et l’on voudrait qu’ils soient heureux ?

Les jeunes... aux prises dès le tout jeune âge avec un système scolaire sélectif dans lequel l’inégalité des chances continue de jouer contre les francophones, les régions pauvres, les classes ouvrière et populaires : constituant la très grande majorité des élèves du primaire, les enfants de ces classes ne représentent plus que le 1/3 des effectifs au niveau universitaire. Par ailleurs, un grand nombre d’entre eux se retrouve au secteur professionnel, premier pas vers le marché du travail et le chômage qui frappe la jeunesse plus que toute autre catégorie sociale ! Entre une illusoire possibilité d’accéder aux postes et aux revenus supérieurs par la porte à peine entrouverte des universités et la certitude de devenir un rouage de l’industrie par la voie toute tracée du cours professionnel, combien de jeunes ne "choisissent-ils" pas plutôt d’abandonner l’école pour aller trop souvent se perdre dans la délinquance ? Par exemple, près de 5,000 jeunes hommes et jeunes femmes mineurs se prostituent à Montréal ! La compétition, l’individualisme, la soumission, voilà ce qu’on leur enseigne ! Faire le plus d’argent possible et accumuler des biens matériels, voilà les objectifs qu’on leur propose ! Chacun pour soi, voilà le propos qu’on leur tient !

Et l’on voudrait qu’ils ne soient pas désabusés ?

Les personnes âgées... exclues du travail et de ce fait condamnées à la pauvreté et à la solitude, démunies, rejetées de la vie sociale, privées des soins et des services qu’elles sont pourtant en droit d’attendre d’une société à laquelle elles ont consacré une vie de travail. 63% des 500,000 personnes âgées du Québec vivent sous le seuil de la pauvreté ! À Montréal, où se retrouvent les 3/5 des personnes âgées du Québec, 25% d’entre elles vivent dans des logements insalubres ou des chambres à l’étroit qui n’ont souvent ni poêle, ni frigidaire, ni bain, ni toilette privée, ni eau chaude, ni téléphone !

Et l’on voudrait que ce soit l’âge d’or ?

Dans ce pays qu’on nous dit ouvert sur le monde, dans cette société qu’on prétend accueillante et tolérante, les personnes handicapées ne sont-elles pas victimes d’une énorme discrimination dans le travail, le transport, la vie sociale ?

Les immigrants et les immigrantes ne sont-ils pas confinés dans des ghettos d’emploi (textile et vêtement, hôtellerie et restauration, entretien ménager, domesticité, travail à domicile) où les conditions de travail sont particulièrement mauvaises et où le droit à la libre syndicalisation est soit nié, soit rendu impossible ? Ne sont-ils pas confrontés à des problèmes linguistiques, à de la discrimination et à un racisme grandissant, à la méconnaissance de leurs droits sociaux et régis par des législations ou des réglementations comme la loi fédérale de l’immigration "C.24" qui limitent l’exercice des droits démocratiques ? Ces travailleurs et travailleuses n’ont-ils pas des conditions de vie et de travail de plus en plus précaires ?

Les nations autochtones n’ont-elles pas été décimées dans des réserves ? N’a-t-on pas éteint leurs droits sur un immense territoire ? Ne doivent-elles pas subir une éducation qui ne respecte pas leurs besoins et leurs valeurs, une discrimination dans l’emploi, un taux de chômage 4 fois plus élevé que le nôtre, un revenu moyen de 20% inférieur, un taux de mortalité infantile 2 1/2 fois plus élevé, une dépendance envers l’assistance sociale qui touche plus de la moitié de la population ? Et que dire de leurs conditions d’habitation ? A peine le tiers de leurs maisons ont l’eau courante et sont équipées de toilettes et de baignoires intérieures ! Près de 20% n’ont pas encore l’électricité !

Faut-il, parce que nos enfants ne meurent pas de faim et que nous ne sommes victimes ni d’épouvantables sécheresses, ni d’inondations catastrophiques, ni de tremblements de terre désastreux, nous fermer les yeux et ne pas voir la détérioration des conditions d’habitation et de l’environnement, la diminution des services particulièrement dans le domaine de la médecine et des services sociaux, la dégradation de la vie urbaine, l’accroissement de l’insécurité, l’augmentation de l’endettement, l’appauvrissement de la vie culturelle, qui ont pour effet une baisse réelle de la qualité de vie pour une partie croissante des classes ouvrière et populaires ?

Faut-il parce que nous jouissons d’une prospérité relative mais réelle si l’on compare aux conditions d’existence dramatiques des peuples du tiers-monde, nous boucher les oreilles et ne pas entendre le grondement de la pauvreté qui s’installe dans notre société ? En plus des 300,000 personnes "officiellement" en chômage, 500,000 autres sont assujetties au régime d’aide sociale ! En tout, un million de pauvres au Québec dont 600,000 arrivent à peine à satisfaire leurs besoins essentiels !

Faut-il, par crainte de ne pas être entendus dans le concert assourdissant des discours officiels, rester silencieux et ne pas dire que les inégalités existent et grandissent dans notre société ? 1/5 de la population s’accapare autant de revenus privés que les autres 4/5 ensemble ! Inégalités économiques qui sont à la source des inégalités face à la santé (les travailleuses et travailleurs manuels n’ont droit pour la plupart à aucun congé de maladie payé), face à l’éducation, aux loisirs, à la culture et même face à la vie... Au Québec, les hommes et les femmes vivent en moyenne un an de moins qu’ailleurs au Canada, les autochtones du Nouveau-Québec dix ans de moins que les Québécois, les habitants des quartiers les plus pauvres de Montréal sept ans de moins que ceux des quartiers les plus riches !

Toutes ces conditions que nous venons de décrire font partie de la réalité du Québec d’aujourd’hui. Mais les classes ouvrière et populaires sont dépossédées largement des moyens nécessaires à la compréhension de cette réalité. Loin d’encourager l’expression des préoccupations et des points de vue de ces classes, l’ensemble de l’appareil culturel, d’éducation et d’information, contribue au contraire à masquer la situation présente, à faire accepter comme normaux, naturels et inévitables les rapports d’exploitation, d’oppression et de domination qui la caractérisent.

Et le Parti québécois, comme les autres partis au service des classes dominantes, entretient la mystification. Non seulement, exerçant le pouvoir, n’a-t-il rien changé véritablement aux conditions d’existence des classes ouvrière et populaires, mais son projet politique ne remet pas en question et camoufle même les causes profondes de la réalité qu’elles vivent.

Or il y en a des raisons à la pauvreté et aux inégalités. Et nous sommes de plus en plus nombreux à les connaître, à les comprendre, à les expliquer et surtout à lutter pour les faire disparaître à jamais.

Nous vivons dans une société capitaliste

Vivre au Québec aujourd’hui c’est vivre dans une société constituée de classes sociales aux intérêts opposés et irréconciliables.

D’une part, une minorité, la classe capitaliste qui possède et contrôle les institutions financières, les ressources naturelles, les usines, la machinerie, les Outils, les moyens de transport, les commerces, les médias... bref, l’ensemble des moyens de production et d’échange des biens et des services.

D’autre part, l’immense majorité de la population, les classes ouvrière et populaires, les travailleuses et les travailleurs qui ne contrôlent et ne possèdent rien sinon quelques biens personnels et surtout leur force de travail, leurs capacités physiques et intellectuelles, leur expérience et leurs connaissances, leur temps, qu’ils sont obligés de vendre aux capitalistes pour gagner leur vie. En échange d’un salaire, ils mettent en oeuvre ces moyens de production et d’échange qui, sans leur travail, ne valent rien.

Le coeur de l’exploitation dans le capitalisme se retrouve dans l’appropriation privée de la valeur créée par le travail C’est dans cette appropriation que le capital fonde sa domination. A travers les grands bourgeois qui possèdent et contrôlent les moyens de production et d’échange, les administrateurs et les cadres des monopoles industriels et financiers, les hauts fonctionnaires des États, le système capitaliste détermine les conditions d’existence des classes ouvrière et populaires.

Notre société est dominée par ces quelques dizaines de milliers d’individus, milliardaires ou millionnaires, québécois, canadiens, américains ou autres, anglophones ou francophones, les Rockefeller, les Bronfman, les Desmarais. Les affaires étant les affaires, ils ne s’entendent pas toujours et s’efforcent parfois de s’arracher le contrôle d’une entreprise ou la mainmise d’un marché mais à la moindre menace qui vient planer sur leurs intérêts ou leurs privilèges communs, ils resserrent très vite leurs liens qui sont multiples et solides.

Issus pour la plupart d’un nombre restreint de grandes familles, éduqués dans les mêmes écoles privées, membres des mêmes clubs sélects où ne sont admis en leur compagnie que leurs alliés, grands avocats, juges, hauts fonctionnaires et politiciens, ils partagent un même mépris pour les besoins du peuple, une commune avidité pour la puissance, et ils sont tous des rouages importants de l’accumulation capitaliste. Ils clament bien haut leur foi dans la propriété privée, la libre entreprise, les vertus de la concurrence mais ils ne cessent par ailleurs de chercher à étouffer leurs concurrents plus petits, consolider leurs monopoles, fixer les prix du marché. Ils exigent en toutes circonstances le respect des lois par les travailleurs et les travailleuses mais n’hésitent jamais pour leur part à les outrepasser, les contourner, les frauder.

Administrateurs des banques et des institutions financières, ils contrôlent l’argent, le crédit, les taux d’intérêt, utilisant l’épargne et la richesse collective pour accroître la centralisation et l’accumulation du capital.

Grands actionnaires et gestionnaires des multinationales, ils tiennent dans leurs mains la vie et le destin de populations entières. Ils provoquent des crises d’approvisionnement en énergie ou en matières premières et évidemment en tirent d’immenses bénéfices.

Ils spéculent sur les taux de change des monnaies, les valeurs des actions en bourse. Ils se placent au-dessus des nations et des lois. Dans le cadre de la division internationale du travail, ils transfèrent les capitaux et les entreprises au gré de l’évolution des salaires, du coût des matières premières et de 11) énergie, de la situation politique et sociale...

Propriétaires et cadres des compagnies, regroupés dans de multiples associations, chambres de commerce, conseil du patronat et autres, ils ne cessent d’intervenir pour imposer à l’ensemble de la société leur point de vue. Ils possèdent la plus grande partie des médias d’information et des moyens de production et de diffusion de la culture. Par la publicité, les compagnies encouragent la surconsommation et le gaspillage, l’individualisme et la consommation. Elles sont les principaux responsables de la pollution de l’air et des eaux, de l’épuisement des sols et des ressources. A travers les rouages de l’État, elles maintiennent une organisation de la main d’oeuvre, du travail, de la santé, de l’éducation, de la culture, du savoir, soumise aux impératifs de la production. Le capitalisme provoque et entretient la division au sein des classes ouvrière et populaires, jouant tour à tour les groupes les uns contre les autres : les travailleurs contre les chômeurs, les hommes contre les femmes, les manuels contre les intellectuels, les francophones contre les minorités ethniques, les travailleurs et les travailleuses du secteur privé contre ceux et celles du secteur public, les régions contre Montréal ... diviser pour régner !

Et la classe capitaliste règne ! C’est elle qui décide de la qualité, la quantité, la diversité, la cherté de l’ensemble des produits qui seront mis à la disposition de la population. Un seul objectif l’anime : faire des profits, le plus possible, le plus vite possible. Toute la production, toute la vie économique sont organisées en fonction de cet objectif unique : le profit. Comment se surprendre alors que les rapports qui existent non seulement entre les pays et entre les régions mais aussi entre les groupes et entre les individus, soient des rapports de concurrence, d’inégalité et d’exploitation ? Comment se surprendre également de l’absurdité de cette société où tout devient une marchandise, y compris les femmes et les hommes, et qui exige des enfants, des adultes et des familles des comportements de plus en plus uniformisés et standardisés ?

L’ensemble de notre vie sociale est conditionnée par les rapports d’exploitation, d’oppression et de domination imposes aux millions d’hommes et de femmes des classes ouvrière et populaires par la classe capitaliste, minoritaire mais puissante depuis qu’elle a su, en particulier depuis la révolution industrielle, s’approprier les richesses collectives et les moyens de production, les détourner à son profit et y asseoir ses privilèges.

Et ces rapports sont maintenus, institutionnalisés et reproduits par l’État qui, loin d’être neutre, constitue à la fois la charpente politique de la société, l’organe de domination de la classe capitaliste et un terrain d’interaction et de lutte entre les classes.

Car les classes ouvrière et populaires ne laissent pas l’État être le simple "conseil d’administration" du capitalisme. Elles exercent continuellement des pressions et arrivent souvent à lui arracher des concessions qui améliorent leur condition sociale.

Que ce soit face à l’État capitaliste ou face au patronat, les travailleurs et les travailleuses doivent inlassablement lutter pour faire respecter leurs droits. Toute l’histoire du Québec, depuis 150 ans, est profondément marquée par cette lutte entre les classes sociales.

Depuis la grève des charpentiers et menuisiers en 1833 à Montréal pour la réduction de la journée de travail jusqu’à celle des forestiers en 1981 contre le travail à forfait, en passant par les grèves de Sorel en 1937, la grève de l’amiante en 49, celle de Murdochville en 57, celle des enseignants en 67, le Front Commun de 72, combien de grandes corvées, combien de boycottages, combien d’occupations de United Aircraft, combien de lignes de piquetage, combien de manifestations n’a-t-il pas fallu pour abolir le travail des enfants, réduire les horaires et les cadences infernales, obtenir des salaires plus décents et des conditions de travail et de vie plus dignes, conquérir les droits d’association et de négociation, les droits aux prestations d’accidents de travail, aux pensions ...?

D’innombrables luttes, non seulement sur les lieux de travail mais dans les milieux de vie, les quartiers, les villages, les villes, les régions ... contre l’oppression nationale, pour l’égalité des femmes, contre les expropriations, pour le droit à l’assurance-chômage et à l’assistance sociale, pour le respect et l’élargissement des droits et libertés démocratiques... pour les soins médicaux gratuits, pour l’éducation publique, pour des logements convenables à des prix raisonnables ...

Des luttes longues et difficiles, ponctuées de violence patronale et policière, d’injonctions, d’intimidations, d’expulsions, de congédiements, d’amendes, d’emprisonnements, d’humiliations... et toujours à recommencer, génération après génération, car rien n’est jamais vraiment acquis à ceux et celles qui n’ont que leur solidarité pour se défendre et améliorer leur sort.

Nous vivons dans une société dépendante

Vivre au Québec aujourd’hui c’est vivre dans une partie de l’ensemble canadien, avec ce que cela suppose en terme d’inégalités dans le développement et d’intégration dans le système impérialiste américain.

Vivre au Québec c’est aussi subir l’oppression nationale qu’exerce, à travers l’État fédéral, la grande bourgeoisie canadienne sur le peuple québécois. Imposant sa langue, sa culture et sa politique de développement, la bourgeoisie canadienne exerce un ensemble de discriminations frappant les Québécois tant au niveau économique, que politique et culturel. Chômage, pauvreté, inégalités, autant de manifestations de l’oppression nationale que subissent les classes ouvrière et populaires dans leur vie quotidienne.

Vivre au Québec c’est enfin subir collectivement une situation de dépendance considérable et multiforme : économique, commerciale, financière, technologique, militaire, politique, culturelle, idéologique. A un point tel que les plus importants lieux de pouvoir et les principaux leviers de commande se trouvent à l’extérieur.

Certes il existe un groupe de capitalistes québécois qui, s’appuyant sur l’État provincial, voudrait bien s’accaparer d’une partie du gâteau. Et ils connaissent un succès relatif comme en témoignent l’apparition et le développement d’institutions financières et d’entreprises telles le Trust général, Provigo, Québecor, Normick Perron, Bombardier... Mais en dépit du fait que la plupart des grandes et moyennes entreprises québécoises ont bénéficié d’un soutien de l’État québécois pour se développer, cela s’accélérant sous le PQ qui a mis à leur service les capitaux publics et permis leur renforcement par les sociétés d’État telles la Caisse de dépôt et placement, la SGF, l’Hydro-Québec, les capitalistes québécois restent cantonnés dans les activités délaissées par les capitalistes canadiens et étrangers, dans des secteurs peu productifs et au niveau du marché local et régional.

Notre économie et notre commerce demeurent dominés par les capitalistes canadiens ou étrangers. 60% des exportations internationales du Québec sont contrôlées par une vingtaine de grandes entreprises multinationales américaines ou européennes !

Plus encore que les capitalistes québécois, les maîtres du Québec, ce sont les capitalistes canadiens et les grandes sociétés de l’État canadien, les Noranda Mines, Pétro-Canada, Northern Telecom, Consolidated Bathurst, Dominion Textile, Canada Packers, Abitibi-Price, John Labatt, Stelco, Bell Canada, Canadian Pacific, Canadian National, Sun Life, Banque Royale, Banque de Montréal ... mais aussi les capitalistes étrangers, surtout américains, qui contrôlent Alcan, Général Motors, Impérial Oil, Kraft Foods, Celanese, IBM, ITT, Pratt et Whitney, Reynolds, Iron Ore, Wabush Mines, John Mansville et combien d’autres !

Pour le Québec, les conséquences de cette dépendance sont tragiques : une économie déséquilibrée, un secteur de fabrication en perte de vitesse, un commerce international spécialisé, une technologie peu avancée, un développement régional en stagnation ... Le Québec demeure plus que jamais un immense réservoir de ressources naturelles et de main d’oeuvre à la disposition de la classe capitaliste américaine d’abord, canadienne ensuite, québécoise s’il en reste ! Il n’est donc guère surprenant que le capitalisme québécois, ne pouvant se développer qu’en s’intégrant de plus en plus aux économies canadienne et américaine, soit contre l’indépendance réelle du Québec.

Le système impérialiste américain conditionne les politiques de l’État central canadien et de l’État québécois. Aucun gouvernement n’a jamais véritablement remis en question cette dépendance multiforme : ni celui des libéraux fédéraux qui maintient le Canada dans des alliances militaires, politiques et économiques au service de l’impérialisme américain, ni celui du Parti québécois dont, faut-il le rappeler, un des premiers gestes politiques fut d’aller rassurer l’oncle Sam à l’Economic Club de New York !

Depuis les toutes premières heures de la Confédération, l’histoire de l’État canadien est caractérisée par la soumission aux intérêts capitalistes américains et cela à la faveur même des politiques dites nationales.

L’histoire de l’État canadien c’est, outre l’oppression nationale que subit le peuple québécois, l’oppression dont sont victimes les peuples autochtones et la discrimination ethnique que vivent les travailleuses et les travailleurs immigrants.

Et ces rapports d’oppression et de dépendance qui se sont développés dans le cadre de l’État fédéral canadien et de la société capitaliste nord-américaine ne sont aucunement en voie de disparaître, bien au contraire...

Les Micmacs de la Restigouche le savent, eux qui se sont faits envahir et matraquer par les escouades de la Sûreté du Québec au nom de la sauvegarde des saumons ! Et ils le savent aussi les chauffeurs de taxi haïtiens de Montréal qui voient, un peu plus chaque jour, s’étendre autour d’eux les manifestations du racisme !

La population de la Matapédia et de l’Est du Québec le sait, elle qui n’en finit plus de se révolter contre le sous-développement et la stagnation auxquels on a réduit leur région ! Et elle le sait aussi la population de l’Outaouais qui subit avec inquiétude un envahissement économique et culturel menaçant son identité !

Les travailleurs et les travailleuses de la Côte Nord le savent eux qui assistent avec impuissance aux fermetures des usines multinationales américaines, ITT qu’on avait pourtant subventionnée à coup de dizaines de millions, Iron Ore qui faisait pourtant des profits fabuleux ! Et ils le savent aussi les mineurs de Thetford et ceux de l’Abitibi témoins, aujourd’hui autant qu’hier, du scandaleux pillage de nos richesses naturelles qu’on transporte aux États-Unis pour les transformer en produits finis lesquels on viendra par la suite nous revendre au gros prix !

Et les débardeurs de Montréal qui subissent, depuis la construction de la voie maritime du Saint-Laurent, les effets du déplacement des activités portuaires vers les Grands Lacs ; les travailleurs et les travailleuses de Général Motors qui ont vu le pacte Canada/ États-Unis consacrer la supériorité industrielle de l’Ontario et qui ont dû faire grève pour obtenir le droit de travailler en français ; les travailleuses du textile dont les emplois sont sacrifiés avec la nouvelle division internationale du travail ; les travailleurs et les travailleuses du cinéma, de la musique et du livre qui n’en finissent plus de protester contre l’inaction du gouvernement péquiste devant l’envahissement grandissant de notre marché par les produits culturels étrangers ; tous ces travailleurs et ces travailleuses ne savent-ils pas que les effets de l’oppression nationale ’Continuent de se faire sentir aujourd’hui au Québec ?

Ce n’est pas un hasard si les luttes des classes ouvrière et populaires ont toujours été liées aux luttes contre l’oppression nationale au point de se renforcer mutuellement. Ce sont d’abord ces classes qui on eu a subir les effets de cette oppression et c’est en particulier à travers leur résistance que s’est constituée la nation québécoise.

Cependant en l’absence d’une direction politique qui aurait pu faire progresser notre libération nationale en s’appuyant sur un projet de société à la mesure des aspirations ouvrières et populaires, cette résistance a toujours été utilisée aux fins des classes politiques qui ont dominé l’État québécois durant toute son histoire.

Aujourd’hui, face à l’État fédéral qui renouvelle ses attaques et qui menace toujours plus notre autodétermination et notre avenir collectif, et face au Parti québécois qui ne présente d’autre perspective que celle de gérer la crise économique et politique, il devient plus que jamais impérieux pour les forces vives de la nation, les classes ouvrière et populaires, de prendre en main la lutte de libération nationale et de la mener à son terme.

Nous vivons dans une société faussement démocratique

Vivre au Québec aujourd’hui c’est vivre dans une société de plus en plus autoritaire, où le pouvoir est concentré dans les mains d’une minorité.

Bien sûr, nous avons le droit d’élire les députés, les maires, les conseillers municipaux, les dirigeants des commissions scolaires. Il s’agit là d’un aspect important de la démocratie issue historiquement de longues luttes des peuples pour s’affranchir du despotisme. Toutefois cette démocratie est limitée parce qu’elle ne nous permet pas d’avoir un véritable contrôle sur toutes les dimensions de notre vie collective.

Qui décide des besoins de la population, de la répartition des ressources entre les secteurs et les régions, des priorités de développement, des politiques énergétiques, des objectifs de la production, de la distribution des biens et des revenus, de ce qui sera exporté et de ce qui sera importé, de la façon dont sont organisés le travail, l’éducation, la santé, l’habitation, le transport, les activités culturelles ? Qui décide de la qualité et du prix des aliments, des vêtements, des logements, des automobiles, de tous les autres produits de consommation ? Qui a le pouvoir d’ouvrir ou de fermer les mines, les usines, les commerces, les hôpitaux, les écoles, les centres de loisir ?

Chaque jour on prend des milliers de décisions qui affecteront concrètement la manière de vivre, de travailler, de se nourrir de se vêtir, de s’éduquer ou de se divertir du peuple québécois et ce peuple a bien peu de contrôle sur toutes ces décisions qui déterminent pourtant ses conditions d’existence et son avenir. En-dehors des organisations syndicales et populaires, toujours attaquées et menacées dans leur autonomie par l’État et les médias qui cherchent à entretenir la division, où peut s’exercer le pouvoir démocratique des classes ouvrière et populaires ? Que signifie la démocratie pour les chômeurs et les assistés sociaux, les autochtones et les minorités ethniques, les étudiants et les étudiantes, les ménagères, les personnes âgées ? Quel contrôle avons-nous sur nos vies, notre environnement, nos quartiers, nos villages et nos villes ?

Certes, en nous rassemblant et en menant des luttes, en utilisant des moyens de pression et en exerçant un rapport de force dans nos lieux de travail ou d’habitation, nous pouvons influencer le pouvoir et parfois même le faire agir dans le sens de nos intérêts collectifs, mais nous ne le contrôlons pas. Nous avons acquis des droits et des libertés que bien des peuples nous envient, mais ces libertés et ces droits ne sont-ils pas continuellement menacés, remis en question, bafoués, limités ? Où étaient passés nos droits et nos libertés quand l’armée canadienne vint nous "visiter" en octobre 1970 ? Que signifie le droit au travail pour les centaines de milliers de personnes privées d’un emploi ? Que signifie le droit de circuler pour les milliers de personnes âgées qui n’ont pas les moyens de faire face aux hausses des tarifs de transport en commun ? Que signifie le droit à l’éducation pour les jeunes des quartiers pauvres ? Que veut dire le droit d’association quand il faut se battre pendant des années pour obtenir la reconnaissance de nos syndicats ? Que veut dire le droit de grève limité sinon interdit par les injonctions et constamment bafoué par des législations antisyndicales ? Que veut dire la liberté d’expression quand les moyens de communication ne nous sont pas accessibles ? Que signifie le droit à la santé pour un ouvrier qui n’a pas le droit d’arrêter de travailler s’il juge sa vie ou sa sécurité menacées ?

Nous vivons dans une société dominée par une minorité, la classe capitaliste qui, possédant les moyens de production et d’échange et dominant F appareil ’étatique et les partis politiques, exerce un véritable contrôle sur notre vie économique, politique, sociale et culturelle.

S’appuyant sur des politiciens, des hauts fonctionnaires, des avocats, des juges, qui y trouvent leur intérêt, la classe capitaliste utilise les moyens de "persuasion" que sont les médias d’information, les instruments répressifs que sont les corps policiers et l’appareil coercitif de la "justice" pour exercer son pouvoir et son autorité. Rappelons-nous simplement la pluie d’injonctions, d’amendes et d’emprisonnements qu’ont dû subir les grévistes de la CTCUM et du Front Commun alors que, par exemple, le fier-à-bras qui a tiré à bout portant sur les meuniers de Robin Hood fut scandaleusement acquitté ! RappeIons-nous aussi les $10 millions de dommages et intérêts imposés au syndicat de la Reynolds de Baie-Comeau alors que les sept compagnies pétrolières, coupables d’une extorsion de $12 milliards d’après une enquête du bureau du vérificateur des comptes, n’ont même pas encore été poursuivies !

Que ce soit dans l’État, de plus en plus présent dans nos vies, dans les services publics toujours plus bureaucratisés ou dans les entreprises à la merci d’un autoritarisme patronal presque sans limite, il s’est établi une complexe hiérarchie du pouvoir : du contremaître au superintendant, du sous-directeur de département au sous-ministre, une multitude de petits patrons s’agitent, se disputent les privilèges et pèsent quotidiennement sur nos vies du poids de leur autorité.

Mais le véritable centre du pouvoir se situe bien au-delà de cette pyramide et bien au-delà aussi des parlements où "nos" députés font de la figuration : dans le cercle restreint des conseils d’administration des multinationales, des grandes institutions financières, des hautes sphères de l’État et des Conseils des Ministres, ils sont quelques centaines à façonner notre présent et à hypothéquer notre avenir !

Nous vivons dans une société en crise

Vivre au Québec aujourd’hui c’est vivre dans une société qui s’enfonce dans une profonde crise économique, sociale et politique.

Chaque jour nous entendons parler de la dévaluation de la monnaie, la hausse des prix et des taux d’intérêts, la chute des investissements et de la production, l’augmentation des coûts de l’énergie et des matières premières, la stagnation de la productivité, la saturation des marchés, l’exacerbation de la concurrence commerciale et technologique entre les puissances capitalistes, l’accroissement persistant et simultané de l’inflation et du chômage, la diminution du pouvoir d’achat et des salaires réels, la détérioration des services publics et de la qualité de la vie, l’augmentation des faillites et des fermetures d’usines... autant d’aspects et de manifestations d’une crise qui n’en finit plus de durer et de s’approfondir.

Ce qui se cache derrière tout cela et ce que nos gouvernements se gardent bien de nous expliquer c’est que nous sommes en train de subir les contrecoups, non pas d’une récession temporaire, non pas d’un accident de parcours de l’économie, mais du capitalisme lui-même qui ne peut survivre qu’à travers des crises. Pas une seule génération de travailleuses et de travailleurs québécois qui n’en ait vécu une !

Prisonnier d’une absurde logique qui lui impose, s’il veut se maintenir et se développer, de générer une croissance continue des profits, le système capitaliste, tel que nous le connaissons, est en crise profonde depuis bientôt dix ans. Il tente pour en sortir de procéder à une ré-organisation de l’ordre économique mondial, des modes de production et d’échange, des marchés et du système monétaire, de la division et de l’organisation du travail, du rôle des États...

Et le Québec, dépendant et fragile, est lui aussi touché par la crise du capitalisme mondial. D’autant plus que cette crise se développe ici dans le contexte d’une crise politique, d’une remise en cause de l’oppression nationale et de l’autoritarisme centralisateur de l’État fédéral, qui semble actuellement sans issue. À elle seule, l’extraordinaire augmentation de la pauvreté dont une personne sur six est aujourd’hui victime dans notre société indique bien à quel point les classes ouvrière et populaires sont menacées par la crise dans leurs conditions d’existence. Et que dire de la mort économique de la Côte Nord qu’hier encore on présentait comme le symbole de notre prospérité collective ?

Face à la crise qui ne cesse de s’amplifier, le gouvernement du Parti Québécois, comme le gouvernement fédéral et l’ensemble des autres gouvernements capitalistes, prend des mesures économiques et sociales qui intensifient l’exploitation. La "solution" du PQ, celle qui ressort de "Bâtir le Québec" et des budgets Parizeau, fait porter le poids de la crise aux classes ouvrière et populaires : baisse du salaire réel, coupures de postes, diminution importante des services médicaux et sociaux, augmentation des coûts du transport public et de l’électricité... et cela, au moment même où il réduit considérablement les taux d’imposition sur les profits des entreprises et les subventionne plus que jamais. On assiste ainsi au détournement d’une partie importante de la richesse collective pour l’affecter au profit des intérêts privés et au détriment des services publics.

Inspirée par les multinationales et mise au point dans les sommets économiques et dans les grands organismes internationaux tels la Banque Mondiale, l’Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE) et le Fonds Monétaire International, la réponse capitaliste à la crise, ici comme ailleurs, va directement à l’encontre des intérêts des classes ouvrière et populaires.

Et, ici comme ailleurs, ces classes n’ont encore et toujours pas d’autre choix que de résister et de mener des luttes, ne serait-ce que pour limiter les conséquences les plus néfastes de cette crise en tentant de préserver leurs droits ainsi que les améliorations acquises chèrement à leurs conditions de travail et de vie. Aussi voit-on se développer peu à peu, liée à la crise économique et politique, une crise sociale qui risque fort d’atteindre demain un point de non-retour.

Les rapports de classes sont de plus en plus tendus. Aggravés par la crise, l’ensemble des problèmes sociaux issus des rapports d’exploitation, d’oppression et de domination, éclatent à la face de la classe capitaliste qui se voit de plus en plus confrontée à la combativité et à la solidarité des classes ouvrière et populaires.

En témoignent les luttes et les revendications syndicales pour le droit au travail, contre les fermetures d’usines et les coupures de poste dans les services publics, pour la sécurité et la santé au travail, contre la déqualification des emplois, les effets négatifs de l’automatisation, le travail précaire, le chômage... les luttes et les revendications populaires dans les domaines du logement, de la santé, de l’aménagement urbain, de l’environnement, du transport en commun, des droits sociaux... les luttes et les revendications dans les régions, à Saint-Scholastique, en Gaspésie, dans la vallée de la Matapédia... les luttes et les revendications des personnes âgées, des -travailleuses et des travailleurs immigrants, des peuples autochtones.

En témoignent également l’extraordinaire mouvement de luttes et de revendications des femmes pour l’égalité dans l’accès aux emplois et dans les conditions de travail, pour la reconnaissance de la valeur sociale du travail ménager, pour l’établissement d’un réseau de garderies populaires, contre le sexisme et la violence sexuelle, pour le droit à l’avortement libre et gratuit... les luttes et les revendications dans le champ culturel, la musique, le jeune théâtre, le cinéma, les médias communautaires... les luttes et revendications du mouvement écologique... le mouvement de soutien aux peuples en lutte contre l’exploitation et la domination.

Certes ces luttes et ces revendications restent plus souvent qu’autrement cantonnées dans la défense des intérêts immédiats des travailleuses et des travailleurs et n’arrivent pas à se prolonger et à s’articuler dans le projet d’une société radicalement différente. Et en dépit de certaines tentatives réalisées sur le plan municipal ou à l’occasion, par exemple, des débats sur la question nationale, les classes ouvrière et populaires ne disposent pas d’une expression politique autonome et demeurent dépendantes des partis politiques capitalistes qui ne cessent de récupérer et de dénaturer leurs aspirations collectives à une vie meilleure.

Mais il n’en reste pas moins que ces luttes et ces revendications constituent le solage d’une véritable résistance à l’oppression nationale et sont l’expression d’une volonté de rupture à l’égard de la société capitaliste.

À travers leurs luttes et leurs revendications, les femmes et les hommes des classes ouvrière et populaires inscrivent peu à peu les éléments d’un projet d’une société radicalement nouvelle et affirment de plus en plus la nécessité d’une transformation en profondeur de la société québécoise dans le sens de leurs intérêts et de leurs espoirs collectifs.

Porté par cette prise de conscience grandissante, le changement est en marche. Et dans la mesure où les classes ouvrière et populaires se donneront leur propre projet de société et l’outil politique pour le réaliser, rien ne pourra l’arrêter.


UNE SOCIÉTÉ À TRANSFORMER EN PROFONDEUR


Où nous conduisent nos aspirations collectives sinon à mettre en place une société radicalement différente dans laquelle notre vie sera meilleure, plus créatrice, plus libre, plus digne d’être vécue ?

Où nous mènent nos revendications et nos luttes sinon à bâtir une société dans laquelle la production et le travail de même que la vie sociale, culturelle et politique ne seront plus organisés en fonction des intérêts et du profit d’une classe minoritaire mais au contraire en fonction des besoins et des aspirations de l’ensemble de la population ?

Où voulons-nous en arriver sinon à construire une société nouvelle dans laquelle les rapports d’exploitation, d’oppression et de domination seront remplacés par des rapports d’égalité, de liberté et de solidarité ?

Pour atteindre ces objectifs, les classes ouvrière et populaires doivent mettre en chantier une transformation en profondeur du Québec d’aujourd’hui en entreprenant de s’approprier collectivement le pouvoir sur leur travail, sur leur vie, sur l’ensemble de la société.

C’est ainsi qu’il faut nous approprier collectivement les moyens de production et d’échange des biens et des services, en démocratiser la propriété, l’organisation et le fonctionnement. Il faut transformer radicalement l’État, non seulement faire l’indépendance mais inventer des moyens de contrôle nouveaux des classes ouvrière et populaires sur le système parlementaire, l’administration et la justice. Il nous faut briser la division sexuelle du travail capitaliste et établir des rapports authentiquement égalitaires et solidaires entre les femmes et les hommes. Il nous faut procéder à une décentralisation majeure du pouvoir économique et politique, revaloriser les organisations autonomes du peuple, insuffler une véritable démocratie à la base.

La transformation en profondeur du Québec dans le sens des intérêts et des aspirations des classes ouvrière et populaires passe par la construction du pouvoir populaire et cela, sur les bases inséparables du socialisme, de l’indépendance, de la démocratie et de l’égalité entre les hommes et les femmes.

Il s’agit là, nous devons en être conscients, d’une entreprise difficile car elle implique de remettre en question des puissances capitalistes nationales et internationales qui n’ont aucun intérêt au changement et qui n’hésitent pas à intervenir dans la vie des peuples pour maintenir leur domination.

Il s’agit là d’une entreprise d’envergure qui suppose des mutations à la fois économiques, sociales, culturelles et politiques dont il ne faut pas sous-estimer ni la profondeur, ni les difficultés.

Il s’agit là d’un projet politique complexe et de longue durée, qui est appelé à se préciser, se clarifier, s’approfondir et se transcrire en programme de luttes et d’étapes à parcourir, selon l’évolution de la conjoncture et des forces sociales qui le porteront. Ce projet politique n’appartient pas et n’appartiendra jamais, ni à une avant-garde, ni à un groupe d’experts. La construction du pouvoir populaire ne peut être l’oeuvre que du peuple lui-même.

Pour un Québec socialiste

Une société telle que nous la voulons, égalitaire, libre et solidaire, ne peut naître que d’une rupture radicale du peuple québécois avec le capitalisme ainsi qu’avec l’exploitation et la dépendance qu’il engendre.

Seule une telle rupture peut permettre de créer les conditions favorables à l’affranchissement des classes ouvrière et populaires.

Il nous faut renverser la dictature économique et la domination politique de la classe capitaliste en procédant à une socialisation des moyens de production et d’échange de façon à l’éliminer le pouvoir décisionnel privé qui permet à cette minorité d’exercer des "droits de gestion" despotiques, de fixer les prix des objets de consommation, de diriger l’organisation de l’économie et du travail, d’imposer le chômage... en vue de maximiser ses profits.

Il nous faut en finir avec la dépendance en procédant à une appropriation collective des entreprises étrangères installées au Québec, à un rythme et selon des modalités à déterminer collectivement, ainsi qu’en refusant dorénavant tout contrôle étranger sur nos ressources et nos moyens de production et d’échange.

Le peuple québécois ne sera pas le premier à vouloir balayer les structures d’exploitation et de dépendance et à vouloir renverser le système capitaliste. Entreprenant ce combat difficile, il se doit de tenir compte des expériences vécues ailleurs et d’en étudier les acquis comme les erreurs.

Si la socialisation des ressources et des moyens de production et d’échange est une condition essentielle à la réalisation du pouvoir populaire, elle ne le garantit pas pour autant. Il n’y a pas de recette, il n’y a pas de patrie du socialisme, il n’y a pas de pays-guide, il n’y a pas de société-modèle. Nous devons chercher notre propre voie de libération à travers les conditions qui sont les nôtres.

Mettant l’accent sur la construction d’un véritable pouvoir populaire à travers l’appropriation collective des moyens de production et d’échange, notre projet socialiste se refuse à considérer l’État comme le seul agent de la transformation de la société.

Et si nous mettons de l’avant l’objectif de la socialisation plutôt que celui de l’étatisation, c’est pour souligner avec force la nécessité, pour une société socialiste, de réunir les conditions permettant que l’ensemble des décisions ’économiques fassent l’objet de d’ébats publics et de choix démocratiques. Ce n’est ni une minorité de capitalistes se cachant derrière de pseudo-lois du marché, ni une minorité de technocrates et de ministres se couvrant du voile mystérieux de leurs expertises, mais l’ensemble du peuple travailleur qui doit décider, à travers des mécanismes démocratiques qu’il faudra élaborer collectivement, des besoins qu’il faut satisfaire, des objectifs de la production, de ce qui est importé et de ce qui est exporté, de l’allocation des ressources entre les secteurs et les régions, de la répartition de la production entre les biens de consommation et les services, de la quantité et de la qualité de ces biens et services, de la répartition de la richesse, des choix dans le domaine de l’énergie, des orientations du développement, bref de l’ensemble de ces décisions qui, plus que toutes autres, déterminent les conditions de vie et de travail.

Aboutissant à l’élaboration d’un plan d’ensemble de développement, cette démocratisation du pouvoir économique doit s’exercer tant au niveau local et régional que national et laisser une large place à l’autonomie des diverses collectivités.

Le pouvoir économique doit être collectif non seulement au niveau des grandes orientations mais dans la direction même des entreprises et des services. Leur gestion doit être remise dans les mains à la fois des travailleurs et des travailleuses, des représentants des instances démocratiques de la société et des représentants des collectivités impliquées, représentation qu’il faudra déterminer selon la nature et la fonction des entreprises et des services.

Par ailleurs, la socialisation de l’économie ne peut se réaliser uniquement par la planification, aussi démocratique soit-elle. Elle doit se concrétiser dans une transformation radicale de la division et de l’organisation du travail. Les travailleurs et les travailleuses doivent avoir un contrôle réel sur leur travail et sur la manière dont il est organisé ; ce qui implique entre autres, une adaptation de la taille des entreprises, un contrôle sur les changements technologiques et une intégration de la conception et de l’exécution du travail permettant aux travailleurs et aux travailleuses non seulement de se donner des conditions de travail saines et sécuritaires mais d’en transformer le contenu même.

Car, ultimement, il nous faut en arriver à mettre fin à cette véritable dépossession du monde dont sont victimes les travailleuses et les travailleurs à travers la déqualification et la subordination croissante de leur activité. Il nous faut viser à abolir la division entre le travail manuel et le travail intellectuel ainsi que toutes les discriminations et tous les privilèges qui en découlent.

D’autre part, l’abolition du chômage et la reconnaissance du droit au travail ne peuvent être rendues possibles, dans les faits, que par la socialisation de l’économie et la planification du développement.

En mettant fin à l’appropriation privée de la richesse produite par le travail et en instaurant un mode de rémunération basé sur la participation au travail social, nous nous donnons les moyens d’éliminer la pauvreté, de réduire considérablement les inégalités et de garantir à tous un revenu décent de façon à satisfaire les besoins socialement définis.

N’étant plus accaparé par une minorité privilégiée, le surplus social devient disponible pour améliorer nos équipements et nos services collectifs et par là, nos conditions de vie.

De plus la construction d’un véritable pouvoir populaire exige une profonde socialisation des services publics, à tous les niveaux, dans tous les secteurs et pour tous les groupes.

Il nous faut transformer les services sociaux de telle façon qu’ils ne soient plus soumis aux exigences de la production industrielle mais plutôt ancrés directement sur les besoins et les aspirations des collectivités, à travers l’autonomie large des groupes et des organismes populaires. Il nous faut entreprendre de démocratiser et de réorganiser les services de sorte que la population puisse se les approprier et les orienter dans le sens de ses besoins réels.

C’est ainsi que dans la santé comme dans l’éducation, devra se faire la promotion de l’autonomie des individus et des collectivités à travers l’élargissement de la diffusion des connaissances. Le système de santé, tout en offrant les meilleurs soins curatifs, doit être axé sur la promotion de la santé et la prévention et viser à enrayer les maladies d’origine sociale. L’éducation, dans le cadre d’un système scolaire, public, laïc et francophone, respectueux du droit à la différence des minorités, fortement décentralisé et soumis au contrôle populaire, doit être orientée vers une formation permanente de la population. Elle doit en particulier assurer à tous, selon leur choix et selon les besoins de la société, une formation professionnelle et polyvalente qui permet un contrôle réel et une véritable capacité d’intervention des travailleurs et des travailleuses sur la conception et l’organisation de leur travail de même que sur l’ensemble de la vie sociale.

Ce qu’il nous faut rechercher à travers la socialisation et la démocratisation de l’économie et des services comme à travers la planification du développement et la transformation de l’organisation du travail, ce n’est pas une nouvelle manière de structurer et de gérer la même vieille société productiviste qui ne voit dans les individus que leur "force de travail" et leur capacité à produire du "profit" mais au contraire une transformation de cette vision capitaliste du monde et un changement réel dans les modes de vie et de travail.

Construire un Québec socialiste, c’est réunir les conditions rendant possible une vie meilleure et différente : pour les enfants et les jeunes, enfin reconnus comme des personnes à part entière qui ont des besoins en termes de garde, d’éducation et de loisirs que la société doit s’efforcer de satisfaire, et qui ont le droit de parler, de s’organiser et d’intervenir pour transformer la société dans le sens de leurs aspirations... pour les hommes et les femmes, enfin libérés de la division sexuelle du travail, et désormais en mesure d’établir entre eux des rapports authentiquement égalitaires et solidaires... pour les personnes âgées, enfin réintégrées dans la vie sociale, libérées de l’appauvrissement officialisé, disposant dorénavant d’une capacité réelle de faire bénéficier la collectivité de leurs connaissances et de leurs expériences.

Pour un Québec indépendant

Notre projet, parce qu’il est celui des classes ouvrière et populaires, affirme le caractère indissociable du socialisme et de l’indépendance. On ne saurait combattre pour une démocratie socialiste sans assumer la question nationale dans tout son poids historique, sans passer par la libération nationale.

La création d’un nouvel État québécois pleinement indépendant est une condition indispensable non seulement pour renverser la domination de la classe capitaliste et réaliser une véritable souveraineté du peuple mais pour mettre fin à l’oppression nationale.

Il nous faut en finir avec la situation actuelle : l’État provincial, rouage édenté de l’État central canadien et défenseur des intérêts des capitalistes "locaux" ; et l’État fédéral qui incarne le pouvoir de classe de la bourgeoisie dans son entier, reproduit l’oppression nationale du peuple québécois et des peuples autochtones et sert de courroie de transmission à l’impérialisme américain.

Il nous faut remettre en question de manière radicale 1’ensemble des alliances politiques, économiques et militaires dans lesquelles nous sommes intégrés et qui non seulement maintiennent le Québec dans un état de profonde dépendance mais en font le complice de l’asservissement de nombreux peuples par l’impérialisme américain.

L’indépendance qu’il nous faut acquérir est celle qui va permettre aux classes ouvrière et populaires de s’approprier collectivement et démocratiquement le pouvoir tant économique que politique. En ce sens, notre projet se démarque clairement de la perspective péquiste de "souveraineté-association". Le PQ ne remet pas en cause le système capitaliste, ni l’exploitation, ni la dépendance qu’il engendre. Voulant protéger les intérêts des capitalistes américains et canadiens et développer le capitalisme québécois, il en arrive, sous le prétexte du modernisme, à se faire le promoteur de la sauvegarde des principales institutions fédérales dans le cadre d’une "nouvelle" association et du maintien de l’ensemble des alliances politiques, économiques et militaires qui nous enchaînent au système impérialiste américain. Plus encore, il préconise une intégration de l’économie québécoise à l’économie nord-américaine et une soumission à l’actuelle division internationale du travail. Or on ne peut séparer ainsi l’indépendance économique et l’indépendance politique et il est certain que la construction du pouvoir populaire ne peut emprunter cette voie sans issue.

D’autre part, il nous faut élaborer et mettre en marche collectivement une stratégie de développement axée sur la satisfaction de nos besoins réels et la réalisation de nos aspirations démocratiques,. Ce qui suppose à la fois une restructuration de notre économie en vue de ne compter d’abord que sur nous-mêmes et une restructuration de nos échanges internationaux lesquels devront désormais découler de nos objectifs de développement.

Il s’agit non seulement de maintenir mais de développer des relations économiques, financières, commerciales, technologiques et culturelles avec les autres peuples mais dans une perspective radicalement différente : dans le respect de l’indépendance des peuples, en évitant mutuellement la création de rapports de dépendance, en s’inscrivant dans le cadre d’une politique de coopération internationale au service du développement dans l’égalité et la solidarité.

D’autre part, il nous faut mettre fin à toutes les alliances et traités politiques, économiques et militaires qui nous maintiennent dans un état de complicité avec l’impérialisme américain. À l’inverse, notre projet nous impose d’établir des rapports &amitié et de solidarité* avec les peuples en lutte contre l’exploitation, l’oppression et la domination sous toutes leurs formes de même que de combattre la menace thermonucléaire et de nous faire les promoteurs actifs de la paix entre les peuples.

Par ailleurs, dans le même esprit d’indépendance et d’internationalisme, il nous faut briser notre dépendance face aux industries culturelles dominantes à la fois en soutenant la production et la diffusion de la culture du peuple québécois et en permettant un véritable accès aux cultures des autres peuples, des minorités et des autochtones.

Construire un Québec indépendant, c’est aussi, de notre point de vue, entreprendre d’établir des rapports nouveaux avec les minorités ethniques : éliminer toutes les formes de discrimination et de racisme qui s’exercent à leur endroit ; reconnaître à la fois leur droit à la différence et leur droit à l’intégration en favorisant l’étude, la connaissance, l’usage et l’expression de leurs langues et de leurs cultures propres, dans le cadre d’une politique conforme avec le principe que le français est la langue d’usage au Québec ; reconnaître aux immigrants et aux immigrantes les mêmes droits qu’aux travailleurs et aux travailleuses du Québec ; favoriser, dans notre politique d’immigration, la réunification des familles ,et l’accueil des réfugiés politiques.

C’est également mettre fin à l’oppression des peuples autochtones et reconnaître leurs droits nationaux à l’autodétermination comme à l’indépendance ; et tout en les invitant à s’inscrire en pleine égalité dans notre projet de société, entreprendre des négociations avec ces peuples sur la base de leurs revendications : détermination de leur territoire, préservation de leur culture et de leur mode de vie, autonomie de leur organisation sociale, économique et politique.

L’indépendance, telle que nous la concevons, recouvre bien plus qu’une nouvelle forme juridique de l’État. Elle est un mot d’ordre pour tout un peuple, non seulement pour mettre fin à la dépendance et à l’oppression nationale, mais aussi pour s’approprier collectivement et démocratiquement le pouvoir sur ses conditions d’existence et son avenir.

Pour un Québec démocratique

À travers la réalisation du socialisme et de l’indépendance, se pose la nécessité de la démocratisation de l’ensemble des pouvoirs dans la société. Seule une société socialiste et indépendante peut être pleinement démocratique. Seule une société démocratique peut réussir une véritable socialisation et une authentique souveraineté populaire. Ces trois termes se renvoient irrévocablement l’un à l’autre.

Construisant le pouvoir populaire, il nous faut en finir avec l’appropriation privée du pouvoir décisionnel tant politique qu’économique et éliminer l’autoritarisme et les rapports de domination dans la société.

Il nous faut réunir les conditions qui vont permettre à la majorité, les classes ouvrière et populaires, d’exercer un pouvoir effectif, tout autant dans l’élaboration des décisions collectives que dans leur application, sur les lieux de travail, dans les quartiers, dans les villages et les villes, dans les régions et au niveau national.

Au niveau de son organisation comme de son fonctionnement, l’État québécois doit être radicalement transformé dans le sens d’une démocratisation des appareils législatif, exécutif, administratif, judiciaire et policier, de façon à garantir la réalisation effective des volontés du peuple

Le pouvoir d’État doit être décentralisé, débureaucratisé et déhiérarchisé de façon à interdire toute appropriation du pouvoir par une minorité. Loin d’être fondée sur le monopole d’un parti unique ou sur la fusion de l’État avec un parti, l’organisation du pouvoir politique doit s’articuler autour d’une nouvelle dynamique axée à la fois sur la reconnaissance de la liberté d’organisation politique, la reconnaissance du rôle et de l’autonomie des organisations ouvrières et populaires, le développement des solidarités de base et la décentralisation du pouvoir vers les collectivités locales et régionales de même que sur la naissance de multiples lieux d’expression et d’intervention politique propres aux classes ouvrière et populaires.

Certes, le pouvoir politique, que ce soit au niveau local, régional ou national, doit disposer d’une capacité réelle de coordonner et de mettre en oeuvre les décisions collectives. Il doit aussi posséder la force suffisante pour résister aux pressions, internes ou externes, contraires aux décisions démocratiques. Et ce pouvoir doit s’exercer dans une dynamique de participation, &échange et d’interaction de façon à éviter que des appareils bureaucratiques, dominateurs et répressifs, puissent y prendre pied.

Notre projet démocratique reconnaît comme étant inaliénables les droits et libertés de la personne et en garantit le respect permanent à travers des mécanismes institutionnels spécifiques et indépendants.

Notre projet démocratique reconnaît également les droits et libertés des collectivités qui doivent pouvoir s’exercer pleinement : droits et libertés de s’associer, se réunir, s’exprimer, manifester, droit de négociation, droit de grève permanent. Il reconnaît le droit des individus et des groupes ayant des intérêts et des objectifs communs, de se constituer en organisations autonomes et d’établir un rapport de force pour la défense de leurs droits. Il reconnaît comme fondamental le droit des individus et des collectivités à être des agents réels du pouvoir politique, c’est-à-dire à diriger démocratiquement tous les aspects de leur vie comme de leur travail.

Au lieu d’opposer les droits individuels aux droits collectifs, et de chercher ainsi à éliminer les uns au nom des autres, notre projet favorise au contraire leur épanouissement et leur renforcement mutuels.

Construire un Québec démocratique, c’est se donner les moyens d’établir de nouveaux rapports entre les individus et entre les collectivités.

Certes, il continuera d’exister des tensions et des conflits d’intérêts entre l’individuel et le collectif, entre le national, les régions et les collectivités locales de même qu’entre les différents groupes. L’élimination de la dépendance, l’abolition des classes sociales, la disparition des inégalités entre les hommes et les femmes, la socialisation de l’économie, la démocratisation des pouvoirs ne se feront pas du jour au lendemain et mêmes accomplies, elles ne feront pas disparaître l’ensemble des contradictions.

Cependant, toutes ces transformations créeront une nouvelle dynamique dans les rapports sociaux qui permettra que les tensions et les conflits soient reconnus et résolus démocratiquement, dans le cadre des organismes que la société se sera donnés, dans le sens des intérêts et des aspirations de la majorité ouvrière et populaire, et dans un esprit commun de solidarité.

Pour l’égalité entre les hommes et les femmes

Tout aussi fondamentalement que le socialisme, l’indépendance et la démocratie, l’établissement de rapports égalitaires entre les hommes et les femmes, tant au niveau social qu’économique, culturel, politique et juridique, est une base essentielle de la construction d’un véritable pouvoir populaire au Québec. Il s’agit là d’un objectif qui se situe au coeur même de notre projet politique.

Il nous faut en finir avec la division sexuelle du travail et la discrimination basée sur le sexe, que ce soit dans la culture, la publicité, les médias d’information, l’école, la famille ou le travail, et mettre en place des mesures spéciales pour enrayer systématiquement la discrimination historique et structurelle dont sont victimes les femmes.

Il nous faut ’éliminer toutes les formes de domination à l’égard des femmes, les contraintes, le harcèlement, les humiliations et la violence qui s’exercent contre elles dans la société actuelle.

Cela suppose en particulier la reconnaissance des responsabilités parentales et des tâches familiales comme étant des responsabilités sociales, l’établissement de conditions permettant que ces tâches et ces responsabilités soient partagées de façon égalitaire entre les hommes et les femmes de même qu’une socialisation plus grande des tâches de reconstitution et de reproduction, notamment par la mise sur pied d’un réseau de services de garde des enfants, universel, gratuit et contrôlé par les usagers et les travailleurs et les travailleuses. Cela suppose également que les coûts occasionnés par le fait d’avoir des enfants soient assumés par la collectivité toute entière.

Cela suppose de plus que la maternité, fonction spécifique des femmes, soit enfin reconnue socialement, que toute maternité puisse être librement consentie et qu’en conséquence toute femme ait la possibilité et les moyens soit d’interrompre sa grossesse, soit de la mener à terme, sans atteinte à sa santé comme à ses autres droits.

Cela suppose enfin une transformation radicale de l’organisation du travail qui, à la fois, élimine toute discrimination dans les conditions de travail et de rémunération entre les hommes et les femmes, favorise une insertion égalitaire autant des femmes que des hommes dans tous les secteurs d’emploi, tienne compte de la grossesse, de l’accouchement et de l’allaitement autant dans la flexibilité des horaires et l’octroi des congés que dans la nature du travail, et par ailleurs, favorise un partage égalitaire des responsabilités et des tâches familiales.

Construire l’égalité entre les hommes et les femmes, c’est rassembler les conditions pour que le socialisme l’indépendance et la démocratie se réalisent non pas à moitié, mais pleinement, pour tous et pour toutes.

Vers le pouvoir populaire

S’appropriant collectivement les moyens de production et d’échange, socialisant les entreprises et les services, transformant l’organisation du travail, démocratisant le pouvoir économique et politique, réalisant l’indépendance, transformant les rapports entre les hommes et les femmes, les classes ouvrière et populaires construiront une nouvelle société qui répondra à leurs besoins et à leurs aspirations collectives.

Comment s’articuleront ces transformations les unes par rapport aux autres ? À quel rythme procéderons-nous à la nécessaire socialisation ? Quelles étapes faudra-t-il franchir dans la réalisation de l’indépendance ? Quels seront les mécanismes démocratiques qu’il nous faudra établir ? Quel type de rapports existera-t-il entre l’État et les organisations politiques, les mouvements sociaux, les collectivités de base ? Comment s’articulera le pouvoir politique par rapport au pouvoir économique ?

Autant de questions à d’ébattre, autant de problèmes à résoudre, autant de choix politiques à effectuer, qu’il nous faut aujourd’hui entreprendre de soulever au sein même des classes ouvrière et populaires.

Pour mener cette réflexion collective, pour élaborer leur projet de société, pour construire leur pouvoir, les classes ouvrière et populaires doivent entreprendre de se forger un outil.

C’est à cela qu’il nous faut maintenant oeuvrer.


UN MOUVEMENT À CONSTRUIRE


Entreprenant de transformer en profondeur la société québécoise dans le sens de leurs intérêts et de leurs espoirs collectifs, les classes ouvrière et populaires ne doivent désormais compter que sur leur propre force.

Le temps est venu de mettre fin à notre dépendance de classe face à ces partis politiques, libéraux, péquiste et autres, qui ont fait largement la démonstration qu’ils sont, à des degrés divers, les expressions politiques et les serviteurs des intérêts de la minorité capitaliste qui nous exploite et nous domine.

Le temps est venu de cesser d’être à la remorque de ces gérants politiques du capitalisme et de ne plus laisser la défense de nos intérêts à ces partis qui, d’élection en élection sinon de génération en génération, n’en finissent plus de trahir nos aspirations collectives.

Jamais ces partis ne s’attaqueront aux causes réelles de l’exploitation, de l’oppression et de la domination. Jamais ils ne remettront vraiment en question les inégalités entre les hommes et les femmes, ni la dépendance, ni le chômage, ni la pauvreté. Seules les classes ouvrière et populaires ont l’intérêt et la volonté politique de le faire parce qu’elles en ressentent, dans leur vie et leur travail, la nécessité.

La construction d’une société radicalement nouvelle nécessite la mise sur pied d’un mouvement politique autonome des classes ouvrière et populaires. Il s’agit là d’une condition essentielle, d’un pas indispensable.

Déjà, avec nos organisations syndicales et populaires, nous nous sommes donné des instruments collectifs qui nous ont permis de nous approprier, dans une démarche autonome, la défense et la transformation de nos conditions de vie et de travail. Il nous faut aujourd’hui nous approprier "la politique" en nous donnant notre propre instrument de lutte politique.

Notre projet politique suppose des changements si radicaux dans les rapports sociaux et heurte de front des intérêts si puissants que nous ne pouvons espérer le réaliser sans disposer d’un outil collectif pour affronter les résistances considérables que nous allons rencontrer. Il est facile d’imaginer que la classe capitaliste, disposant du pouvoir politique, économique et militaire, n’assistera pas sans réagir à la remise en cause de ses privilèges et à l’éclatement de sa domination.

Comment arriver à la victoire sans disposer d’un levier politique qui portera notre projet et lui gagnera un tel appui du peuple que la domination capitaliste en soit brisée ?

Le projet d’un Québec socialiste, indépendant, démocratique, où existera l’égalité entre les hommes et les femmes, ne peut trouver son achèvement que dans le cadre d’un mouvement politique qui soit entièrement et profondément contrôle par les classes sociales qui en portent l’espérance.

Construisons notre mouvement

Le Mouvement socialiste que nous entreprenons aujourd’hui de construire ainsi que sa stratégie d’implantation et de développement sont déterminés par le projet politique que nous mettons de l’avant.

Or notre projet implique des transformations radicales dans l’organisation politique, économique, sociale et culturelle de la société québécoise. Il affirme la nécessité pour les classes ouvrière et populaires de conquérir non seulement le pouvoir d’État mais l’ensemble des lieux de pouvoir, de se les approprier, de les transformer et de les démocratiser de sorte que le socialisme vécu soit celui des travailleurs et des travailleuses dans leur quotidien et que la souveraineté acquise soit celle des collectivités, autonomes et solidaires, sur leur développement et leur avenir.

Il s’agit là d’un changement profond qui ne peut être réalisé par la simple élection de députés. Certes, devant le vide politique actuel et l’urgence des changements, la tentation pourrait être grande et légitime de se constituer en parti et de se lancer à la conquête du pouvoir étatique... mais c’est là une tentation dont il faut se méfier, qui conduirait au mieux, dans la situation actuelle, à des succès éphémères et fragiles. Il ne suffit pas simplement de décréter que le Québec est désormais socialiste, indépendant et démocratique pour qu’il le devienne !

Les changements auxquels nous aspirons ne se feront pas du jour au lendemain. Il nous faut d’abord réunir un ensemble de conditions politiques : dépasser les divisions et réaliser l’unité politique des classes ouvrière et populaires ; enraciner en profondeur notre projet dans toutes les régions et toutes les sphères de vie et de travail ; susciter et développer une volonté de lutte et de changement, construire un rapport de force, développer des solidarités internationales ; bref, mettre en marche une dynamique sociale capable de porter à terme notre projet politique.

Il nous faut réaliser une véritable mutation politique et unitaire au sein des classes ouvrière et populaires. C’est à travers la construction dès aujourd’hui, dans nos milieux de travail et de vie, d’un large mouvement pour le socialisme, l’indépendance, la démocratie et l’égalité entre les hommes et les femmes, que nous y parviendrons.

Et s’il est raisonnable de croire que ce mouvement dans son développement entreprenne, à son heure, la conquête du pouvoir d’État, il nous faut aujourd’hui commencer par le commencement et agir afin de rendre cette prise du pouvoir non seulement possible mais significative par rapport à nos objectifs fondamentaux.

À la puissance du capital, les classes ouvrière et populaires opposent leur unité et leur solidarité. La mise en oeuvre d’un mouvement qui réalisera dans son fonctionnement interne les grandes orientations de notre projet politique en sera l’expression.

Un lieu de regroupement non de centralisation

Le Mouvement socialiste sera un lieu de regroupement, non de centralisation.

Il visera à regrouper, le plus largement possible, tous ceux et celles qui adhèrent à ses orientations telles qu’exprimées par ce manifeste, et qui veulent agir concrètement dans les milieux de travail et de vie, pour établir à la base les fondements d’un Québec socialiste, indépendant, démocratique, où existera l’égalité entre les hommes et les femmes.

Pour en devenir membre, il faudra souscrire au manifeste, s’engager dans les tâches d’organisation qui en découlent, accepter les statuts et règlements et verser la cotisation établie. Ne pourront y adhérer ceux et celles qui appartiennent à une autre organisation politique.

Dans sa démarche d’implantation, notre mouvement cherchera à être le plus représentatif possible dans sa composition quant à la répartition hommes/femmes, géographique et sociale.

Il sera de caractère national, enraciné dans toutes les régions du Québec et dans tous les secteurs d’activités. Dans une première étape, il se formera autour de comités régionaux provisoires qui seront mis sur pied rapidement après la publication du présent manifeste.

Il se constituera sur la base d’une structure démocratique et décentralisée, permettant à la fois le contrôle des membres sur les orientations, les actions, les instances dirigeantes, et l’expression démocratique des différentes régions et des divers champs de lutte.

Jusqu’à la convocation d’un premier congrès, au plus tard un an après la sortie du manifeste, le Mouvement fonctionnera avec des statuts provisoires et sera coordonné par un comité formé de onze personnes élues parmi le groupe initiateur du projet, et par un conseil national provisoire composé du comité de coordination et de délégués des comités régionaux.

Un lieu de rapports égalitaires entre les femmes et les hommes

Le Mouvement socialiste sera un lieu de rapports égalitaires entre les femmes et les hommes.

Non seulement laissera-t-il pleinement le champ à l’expression et au développement des luttes spécifiques des femmes et les soutiendra-t-il par la création d’un comité permanent concernant les conditions de vie et de travail des femmes, mais il accordera une priorité constante à l’établissement de rapports égalitaires à tous les niveaux de son organisation et à toutes les étapes de son implantation, tant dans ses efforts de recrutement que dans ses prises de décisions et ses activités concrètes.

Tenant compte en particulier des responsabilités parentales et familiales de ses militants et militantes, le Mouvement socialiste visera à établir des conditions concrètes qui permettront la participation pleine, entière et égalitaire des femmes et des hommes.

Un lieu de convergence, non de domination

Le Mouvement socialiste sera un lieu de convergence des solidarités et des luttes, non un lieu de domination.

Il sera pleinement autonome face aux organisations syndicales et populaires et n’acceptera que des adhésions individuelles.

Il sera respectueux de la nature propre, de l’autonomie spécifique des organisations syndicales et populaires, rejetant de façon absolue les conceptions politiques qui visent à subordonner les mouvements sociaux, l’idée de "courroie de transmission", les tentatives de monopolisation du champ politique. Au contraire, il affirmera clairement qu’une condition essentielle à la transformation en profondeur de la société québécoise est précisément l’existence et le développement d’organisations syndicales et populaires autonomes et dynamiques.

Recherchant l’unité politique des classes ouvrière et populaires, le Mouvement socialiste s’efforcera certes de susciter l’adhésion des membres des organisations syndicales et populaires mais cela, dans le strict respect des mandats démocratiques et en, dehors de toute stratégie de manipulation.

Autonome et respectueux des autonomies, le Mouvement socialiste sera un lieu de convergence pour que les luttes et les revendications ouvrières et populaires débouchent sur un cadre politique plus large.

Un lieu de débat, non de dogmatisme

Le Mouvement socialiste sera un lieu de discussion et de débat démocratique, non de dogmatisme.

Il poursuivra une réflexion collective afin d’élaborer, à la lumière de son développement et de ses luttes, un projet de société, un programme de luttes et un programme de transition au socialisme qui susciteront l’adhésion des classes ouvrière et populaires du Québec parce qu’ils seront l’expression de leurs intérêts et de leurs aspirations.

Il se donnera les moyens appropriés pour devenir un véritable lieu de formation politique.

Un instrument de lutte et d’intervention

Mais plus encore que tout cela, le Mouvement socialiste sera un instrument de lutte et d’intervention politique.

À travers lui, les classes ouvrière et populaires pourront se donner tous les moyens nécessaires pour dénoncer toute forme d’exploitation, d’oppression et de domination. Il sera leur instrument pour faire entendre leur point de vue et défendre leurs intérêts collectifs dans tous les grands débats. Il sera leur outil pour mettre en chantier, dès aujourd’hui, le Québec égalitaire, libre et solidaire de demain.

Militantes et militants d’un Québec socialiste, indépendant, démocratique, où existera l’égalité entre les hommes et les femmes, nous lançons aujourd’hui un appel, à travers ce manifeste, à tous c’eux et celles qui, parmi les classes ouvrière et populaires, partagent nos aspirations et notre volonté de changement : construisons ensemble le Mouvement socialiste !

Conscients de l’ampleur et des difficultés du combat politique que nous entreprenons, c’est avec confiance et détermination que nous lançons cet appel. Car nous sommes profondément convaincus que ce combat sera demain celui du peuple québécois tout entier.

LE COMTE DES CENT Octobre 1981


Un document produit en version numérique par Jean-Marie Tremblay,

professeur de sociologie

Courriel : jmt_sociologue@videotron.ca

Site web : http://pages.infinit.net/sociojmt

Dans le cadre de la collection : "Les classiques des sciences sociales"

Site web : http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html

Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque

Paul-Émile-Boulet de l’Université du Québec à Chicoutimi

Site web : http://bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htm