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Manifeste pour un Québec solidaire

mardi 1er novembre 2005

Dans le Manifeste pour un Québec solidaire, des citoyennes et citoyens de divers horizons contestent les prémisses et conclusions du « Manifeste pour un Québec lucide » et proposent une autre vision du Québec, une vision humaniste, soucieuse de l’environnement et du développement durable, du bien commun et des droits collectifs.

Douze personnalités québécoises ont récemment publié un manifeste pour un Québec « lucide ». Elles s’alarment du déclin démographique, de l’ampleur de la dette québécoise et d’une concurrence de plus en plus dure avec les pays asiatiques. Les signataires se disent inquiets pour l’avenir des enfants du Québec.

L’avenir de nos enfants nous inquiète aussi. Nous ne voulons surtout pas leur laisser une planète exsangue, des forêts détruites, des inégalités sociales et économiques accrues, des guerres pour s’arracher l’eau encore disponible. Nous voulons leur transmettre autre chose que le sentiment qu’il faut plier devant ce que dicte le marché.

Nous croyons nous aussi faire preuve de lucidité. Un regard attentif et critique sur le sort du monde et le devenir du Québec nous révèle partout les résultats désastreux de décennies de politiques économiques néocapitalistes. Inégalités sociales, pauvreté, crises financières, scandales comptables, dégradations environnementales et changements climatiques sur fond de conflits meurtriers sont les conséquences visibles d’un laisser faire qui a abandonné à l’illusion du marché autorégulé le soin de gérer le quotidien et l’avenir de la Terre et des humains.

Ce sont là les vrais problèmes du monde et du Québec. Le type de mondialisation porté par les puissants et les bien nantis, en est le principal responsable.

C’est avec cette conscience, que nous, citoyennes et citoyens de divers horizons, avec ou sans engagement dans un parti politique, mettons en doute les prémisses et rejetons les conclusions du « Manifeste pour un Québec lucide ». L’enjeu ne se situe pas pour nous entre le statu quo et le changement. Il porte plutôt sur la nature du changement. Celui auquel nous aspirons est autrement plus exigeant au plan de l’exercice des responsabilités individuelles et collectives. Son horizon nous paraît plus juste et plus heureux. Nous allons tenter de le montrer en reprenant autrement certaines affirmations.

Nous concédons que certains des enjeux soulevés sont bien réels. Pensons aux difficultés causées par les échanges commerciaux avec l’Asie. Ces difficultés sont en grande partie liées aux logiques de concurrence, de croissance illimitée et d’affrontement commercial, provenant des politiques d’ouverture des marchés mises en place dans les dernières décennies et renforcées par des dirigeants politiques, incluant Lucien Bouchard quand il était premier ministre du Québec. Nous croyons qu’il y a mieux à faire pour le Québec et pour le monde.

Pour assurer le bien-être et l’avenir de ses citoyens et citoyennes de toutes générations, le Québec doit donc entreprendre dès maintenant un virage politique et économique qui soit résolument viable, progressiste et solidaire. Les pays scandinaves, de même que des pays d’Amérique latine qui multiplient les solutions créatives aux problèmes générés par la mondialisation marchande, sont de véritables sources d’inspiration.

L’humanité n’a jamais créé autant de richesse mais sa répartition est plus déséquilibrée que dans toute l’histoire de notre civilisation. Le Québec, toute proportion gardée, n’échappe pas à cette tendance à la concentration de la richesse. Les personnes pauvres le sont plus qu’il y a dix ans et les riches sont plus riches. Voilà un vrai problème. Ce problème a été créé, entre autres, par des réductions d’impôt qui profitent davantage aux contribuables à revenus élevés pendant que les pauvres se contentent de salaires trop faibles ou de prestations insuffisantes de l’assurance emploi et de l’aide sociale.

Voyons maintenant les enjeux soulevés par le manifeste « des lucides ».

La question démographique

Le manifeste Pour un Québec « lucide » considère le vieillissement de la population comme un enjeu préoccupant. Il pose le problème de la façon suivante : comment payer des services publics si le nombre de travailleuses et de travailleurs décroît sensiblement ?

En fait il se produit de plus en plus de richesse au Québec par habitant mais avec de moins en moins de travailleurs et de travailleuses, quel que soit leur âge.

Entre 1982 et 2000, le nombre de personnes au travail a augmenté de 22% alors que le PIB par habitant a connu une hausse de 132%. Après 2000, le PIB continue d’augmenter de près de 3.5% par année alors que le taux de chômage demeure relativement élevé, plus de 8% au Québec . Pendant la même période de 20 ans, les salaires totaux versés dans l’économie québécoise augmentent de 130% alors que les revenus des entreprises gonflent de 496%, montrant que la richesse produite n’est plus proportionnelle au nombre de travailleurs et de travailleuses . Le problème n’est donc pas celui de la création de la richesse mais de sa répartition.

Ajoutons que le déclin démographique pourrait sans doute être ralenti au Québec si les gouvernements adoptaient des politiques de soutien aux familles et si les entreprises étaient ouvertes à des mesures de conciliation entre la famille et le travail.

Les garderies à 5$, passées à 7$, et de meilleurs congés parentaux ne peuvent tenir lieu en soi d’unique politique familiale. Il faut plus : une reconnaissance économique du travail invisible des parents (le plus souvent des femmes) à la maison, des logements à prix abordable, des tarifs famille moins élevés pour les activités de loisir, des horaires de travail définis à l’avance, des contrats à durée indéterminée, la fin de la récupération discriminatoire des pensions alimentaires auprès des familles recevant de l’aide financière aux études ou de l’aide sociale, etc. De plus, il serait avantageux d’ouvrir plus grandes les portes à l’immigration et de reconnaître la formation académique et l’expérience des personnes immigrantes.

Les coûts des soins de santé

On nous dit que le vieillissement de la population amènera une hausse faramineuse des coûts de santé. L’adéquation n’est pas aussi évidente qu’on le prétend. Les hommes et les femmes vivent plus longtemps, certes, mais ils sont en meilleure santé que les générations précédentes. Par ailleurs, les coûts du système de santé ne sont pas si élevés qu’on nous le fait croire. L’État Québécois dépense moins que ses voisins : en 1980, nous dépensions 7% de plus que la moyenne canadienne alors qu’en 1998 nous étions à 11.7% en dessous de cette même moyenne.

Les Québécois dépensent beaucoup moins que les Étasuniens et contrôlent beaucoup mieux la croissance des coûts de santé. Le Québec investit 9.1% de son PIB dans la santé contre 14% aux États-Unis où près de 50 millions de personnes sont sans protection car incapables de se payer des assurances. De plus, l’espérance de vie est meilleure au Québec et la mortalité infantile y est significativement moindre qu’aux Etats-Unis .

Il est possible d’améliorer le système de santé sans introduire un système à deux vitesses. Cela ne se fera pas en détournant vers des profits privés une part des sommes allouées par l’État, mais en instaurant des politiques qui privilégient la prévention, la protection de l’environnement, la lutte contre la pauvreté, la qualité de vie des gens, l’éducation et de bons services publics. C’est ce que font avec succès les pays nordiques de l’Europe classés comme les plus compétitifs du monde par ceux qui jugent selon les normes économiques dominantes. Du reste, la portion la plus inflationniste des dépenses en santé est l’augmentation du coût des médicaments, qui a plus que doublé en 10 ans. Il est possible de faire autrement : l’Australie, en instaurant un régime national, a maintenu ses coûts de médicaments à 30% en dessous de la moyenne des pays de l’OCDE... pendant que le Canada, plutôt complaisant à l’égard des profits des compagnies pharmaceutiques, se situe à 30% au-dessus !

La dette du Québec représente-t-elle un vrai problème ?

La dette du Québec représente 44% de son PIB. Elle se situe nettement en dessous de la moyenne des pays de l’OCDE et même des plus sociaux-démocrates d’entre eux, par exemple les pays nordiques.

En 2003, à l’arrivée au pouvoir à Québec du gouvernement Charest, on parlait d’une dette avoisinant les 109 milliards. Elle est aujourd’hui évaluée à 121 milliards car le gouvernement Charest l’a augmentée de 11 milliards en 2 ans. Cependant, il faut surtout dire que de 1997 à 2005, elle est passée de 52% à 44% du PIB, une nette réduction.

Par ailleurs, il n’est pas sans danger de comparer des dettes. La dette du Québec est composée de 40 milliards de dollars dûs aux régimes de retraite des employés du gouvernement pour payer les retraites futures. Si les autres provinces canadiennes ou les États américains n’ont pas ou ne comptabilisent pas ce genre de paiement à faire dans le futur, la comparaison est fortement biaisée, sinon invalide.

La dette se compose, selon le ministère des Finances du Québec (mars 2005), de 87,2% de titres émis en dollars canadiens, 5,2% en yen, 2,4% en $ US et 5,2% en francs suisses . Nous sommes donc loin d’être dépendants de la dette étrangère. L’État québécois se garantit contre la fluctuation des taux d’intérêt avec des instruments financiers appropriés.

Les douze signataires du manifeste Pour un Québec « lucide » affirment que « notre dette publique par habitant [est] la plus élevée du continent » : attention ! Chiffres du Bureau of the Public Debt à l’appui, la dette publique étasunienne par habitant est au moins comparable et en fait probablement plus élevée que son équivalent au Québec, incluant la partie fédérale. Par ailleurs, comme ces chiffres ne comprennent pas, aux États-Unis, la dette des entreprises qui fournissent dans le privé les services fournis par les régimes publics québécois, le fardeau comparable par habitant est en fait énormément plus élevé aux États-Unis.

D’après le ministère des Finances, 68% de cette dette est à taux fixe, donc insensible aux fluctuations, et plus de 60% est sous forme d’obligations en grande partie possédées par des Québécois. Chaque fois que le gouvernement paie des intérêts à des Québécois ou des Québécoises, il en récupère une bonne partie en impôts.

Une partie importante de la dette québécoise sert à hausser la capacité productive de l’économie nationale. Elle permet le soutien de l’État aux technologies, aux infrastructures, à la recherche fondamentale, à l’éducation, à la qualification de la main d’œuvre, à la diminution des inégalités. Elle peut dans ces cas rapporter plus qu’elle ne coûte en intérêts et services !

Cela ne veut pas dire que l’État doit augmenter inconsidérément la dette publique. Nous soutenons cependant que la dette québécoise ne représente pas, à l’heure actuelle, un problème alarmant comme l’affirme le manifeste de monsieur Bouchard et de ses collègues.

Sommes nous lourdement taxés ?

Le niveau d’imposition pris isolément ne veut rien dire. Il doit être mis en parallèle avec le filet social et les services de l’État que les citoyens reçoivent : santé, éducation, garderies, transports collectifs, logement social, protection du revenu, égalité entre les hommes et les femmes, soutien aux familles....

Admettons, pour les fins de la discussion, que les contribuables québécois soient les plus taxés en Amérique du Nord. Le rapport Ménard et les consultations pré-budgétaires de l’ex-ministre Séguin, reconnaissent cependant que la formule est gagnante puisque l’accès aux services est plus avantageux.

Par contre, on se garde bien d’insister sur le fait que les entreprises sont moins imposées qu’ailleurs. Toujours d’après le ministère des Finances, le taux d’imposition combiné des entreprises au Québec serait de 31%, pour 33,6% en Alberta, 36,1% en Ontario, 40,7% en Californie, 41,2% au Massachusetts et 45,6% à New York !

Une étude de la firme comptable internationale KPMG sur le comparaison des coûts des entreprises en Amérique du Nord, en Europe et au Japon (2002) démontre que le Québec est un choix très avantageux sur le plan fiscal pour l’établissement de nouvelles entreprises et ceci dans tous les secteurs industriels évalués. Parmi les villes de plus de 1,5 million d’habitants, la ville de Montréal occupe la première place, tandis que nos coûts de main d’œuvre sont inférieurs à ceux des USA et à ceux des autres pays du G8.

Le groupe des douze omet, par ailleurs, de parler de toute une série de mesures fiscales qui diminuent, souvent dramatiquement, les impôts des entreprises et des plus nantis. Les prélèvements totaux opérés auprès des entreprises pour 2003-2004 totalisaient 8,4 milliards... auxquels il convient de retrancher une aide directe de 3,5 milliards.

Sur des revenus autonomes, qui atteignent 45 milliards pour le gouvernement du Québec, les entreprises et le patronat ne fournissent donc que 4,9 milliards. Ajoutons que près de la moitié des entreprises québécoises, et plusieurs des plus importantes, ne paient aucun impôt ! Pourquoi n’en est-il pas question dans le manifeste des « lucides » ?

L’évasion fiscale prive les États , de 3 à 15% de leur budget c’est-à-dire, d’un montant allant de 2 à 8 milliards par an pour le Québec ! Ces sommes extraordinaires pourraient couvrir le service de la dette et permettre de commencer à la rembourser, si c’était là le choix des citoyens et citoyennes du Québec. Avant de condamner la classe moyenne et les personnes moins nanties à payer davantage de taxes sur les biens de consommation, allons donc chercher l’impôt détourné par des très riches dans des paradis fiscaux. Même G.W. Bush, vient d’obliger les milieux d’affaires étatsuniens à rapatrier plus de 400 milliards de ces cachettes fiscales ! Qu’attendons-nous pour en faire autant au Québec et au Canada ?

Le commerce avec l’Asie, un enjeu préoccupant

La production manufacturière stagne au Canada. Des usines ferment, certains des emplois sont transférés en Chine, en Inde, en Amérique latine. Il est paradoxal de voir les signataires du manifeste s’en préoccuper alors qu’ils se sont fait les plus grands défenseurs de l’ouverture des marchés, du libre-échange, de la mondialisation sans entrave. N’ont-ils jamais entendu plusieurs d’entre nous les mettre en garde contre les effets pervers de cette mondialisation uniquement dictée par les impératifs financiers ? Lorsqu’il était Premier ministre, pourquoi monsieur Bouchard a-t-il déréglementé l’industrie du vêtement pour dames plutôt que d’encourager les entreprises de ce secteur à se transformer radicalement pour tenir compte de la production asiatique ?

Les solutions à la concurrence de pays où les travailleuses et travailleurs sont honteusement exploités sont complexes. Plusieurs pistes mériteraient d’être explorées : diversifier l’économie, former davantage la main d’œuvre y compris dans l’entreprise elle-même, amener les entreprises à investir leurs profits dans la modernisation des usines plutôt que de les engloutir dans les dividendes aux actionnaires. Exiger le maintien de la production et de l’emploi au Québec lorsque des subventions ou des avantages fiscaux sont consentis aux entreprises. Développer nous-mêmes des expertises locales. Un exemple ? La production de l’énergie éolienne. Hydro-Québec pourrait prendre une place plus déterminante dans ce secteur de même que les communautés locales et régionales.

De plus, le peuple québécois doit contribuer au développement de la solidarité entre les peuples ; exiger le respect des droits du travail partout au monde ; fonder les choix sur l’égalité en droits, y compris ceux des femmes, et sur les besoins des êtres humains, sur la protection de la nature plutôt que sur les intérêts marchands.

Comparativement la logique de concurrence et de compétition dans laquelle s’inscrit l’analyse du groupe de M. Bouchard risque d’aboutir en d’inévitables guerres pour le contrôle des ressources et des marchés.

Laquelle de ces deux perspectives prépare le meilleur avenir ?

Des solutions « lucides » ?

Les douze signataires du manifeste pour un Québec lucide avancent des « solutions » à des problèmes dont plusieurs sont grossis démesurément. Ces solutions, nous le craignons, nous feront reculer :

 Mettre les syndicats au pas : en oubliant que les pays classés parmi les plus compétitifs au monde sont fortement syndiqués et que leurs syndicats participent directement aux décisions et stratégies corporatives !
 Rembourser la dette : alors que l’essentiel n’est pas là comme nous l’avons démontré.
 Investir massivement en éducation : nous sommes d’accord. Pourquoi alors, du même souffle, en appeler au dégel des frais de scolarité pour les études post-secondaires ? La Norvège, la Finlande et le Danemark assurent non seulement une éducation totalement gratuite à leurs citoyens et citoyennes, mais versent jusqu’à 800 à 1500 $ par mois à leurs étudiants et étudiantes universitaires pour qu’ils étudient gratuitement ! Rappelons, par ailleurs, que l’éducation commence au primaire. Les préoccupations doivent commencer là, notamment pour les enfants en difficulté dont un bon nombre ne terminent pas leur secondaire.
 Investir en recherche et développement : oui, mais les entreprises devraient, pour le moins, être contraintes de faire leur part comme c’est la règle dans les pays scandinaves. Des lois les y obligent à réinvestir un pourcentage fixe de leur chiffre d’affaires ou de leur masse salariale dans la qualification des travailleurs et dans l’amélioration technologique.
 Innover en matière « d’organisation du travail » et « éliminer les rigidités » : ces mots en cachent habituellement d’autres comme davantage de précarité, de baisses de salaires et de renoncements à des conditions de travail durement acquises. Ce serait pour faire face à la concurrence de la Chine, de l’Inde. Pourquoi alors les pays scandinaves demeurent-ils parmi les plus compétitifs sans ce genre de mesures ?
 Hausser les tarifs d’électricité et les taxes à la consommation : ce seront encore les personnes pauvres et la classe moyenne qui seront les plus affectées.
 Instaurer un revenu minimum garanti : voilà une mesure qui pourrait être intéressante dans un contexte où la valeur de base est la solidarité. Dans le contexte proposé, il y a tout à craindre qu’elle ne serve de prétexte à réduire les enveloppes et la gamme, déjà détériorée, des protections sociales de base et à affranchir les employeurs de leur obligation d’assurer un salaire décent. Alors il faudrait discuter du niveau de ce revenu minimum garanti. Couvrirait-il vraiment les besoins essentiels de tous et de toutes ? Il faudrait discuter aussi, en même temps, des normes du travail, notamment du salaire minimum : permettrait-il la sortie de la pauvreté ?
 Ouvrir davantage les services publics au secteur privé : penser que le secteur privé pourra financer des infrastructures que le public n’aurait plus le moyen de financer est une illusion. Ne voit-on pas ce qu’il est advenu, après de telles mesures, des secteurs de l’électricité au Brésil et en Californie ? À la fin des années 1990, l’entretien déficient des infrastructures, les fermetures de centrales et des mesures de baisse artificielle de l’offre ont causé une grave crise de disponibilité de l’alimentation électrique alors que les coûts ont explosé. Et que dire du chemin de fer en Angleterre ? Après les années du règne de Margaret Thatcher, il est devenu moins fiable, moins sécuritaire et plus cher. Pensons aussi à l’industrie forestière en Nouvelle Zélande, où le taux de chômage a atteint les 80%. Par ailleurs il est connu que les taux de financement sont plus élevés dans le privé. Ils seront inévitablement transférés aux utilisateurs et utilisatrices. L’exemple de la France est, en ce sens, très mal choisi, car là comme ailleurs, on commence à remettre en question des partenariats avec le privé qui accroissent les coûts et diminuent les services. L’entreprise privée n’est pas une œuvre charitable ! Rappelons-nous les 3000 téléphonistes de Bell qui, après avoir subi un licenciement massif, ont été contraintes de travailler dans des centres d’appel pour moins des deux tiers de leur salaire antérieur. Est-ce bien ce que nous voulons dans les services publics ou d’intérêt public ?

Quel projet collectif pour l’avenir du Québec ?

Lorsque l’on tente d’imaginer le Québec de demain, un premier défi vient à l’esprit : celui d’un développement durable et écologique. Une partie croissante de la population québécoise est préoccupée par la pollution de l’air, des sols et de l’eau. Une diminution draconienne des émissions de gaz à effet de serre est à l’ordre du jour et ceci de façon urgente !

D’autres enjeux environnementaux sont préoccupants : le développement d’une agriculture orientée d’abord vers la sécurité alimentaire à long terme de la population québécoise, la gestion écologique des déchets, la protection de la faune et de la flore, y compris les écosystèmes marins, la conservation de la forêt québécoise etc. Or, le Québec que nous propose le manifeste « lucide » est un Québec qui implique plus de transports, de déplacements (exportations et importations), plus d’usage d’énergies, plus de pollution et donc, plus de problèmes de santé et une moins bonne qualité de vie. Nous accroissons ainsi la dette environnementale que nous léguons déjà à nos enfants !

En ce qui a trait aux défis économiques et sociaux, voici des pistes de solutions hors du statu quo, audacieuses, porteuses de changements :

1. Soutenir les entreprises qui répondent à des critères d’utilité sociale et d’intérêt général, des entreprises qui ont une conscience écologiste et sociale, désireuses de développer des emplois durables, en particulier dans les régions du Québec, et dans des secteurs de pointe.

2. Renforcer les lois du travail, et combattre la disparité de traitement et les emplois précaires, à commencer par ceux que maintient l’État.

3. Répartir équitablement la richesse par un système d’imposition plus progressif et lutter efficacement contre l’évasion fiscale.

4. S’assurer d’une véritable accessibilité à l’éducation et financer correctement les institutions publiques d’enseignement en commençant par les écoles primaires et secondaires.

5. Redonner sa mission à Hydro-Québec qui était de fournir à la population québécoise l’électricité au meilleur coût possible et de donner aux entreprises québécoises un avantage économique sur leurs concurrentes.

6. Garder et reprendre au besoin la maîtrise publique du secteur de la santé, en maintenant notamment le financement public du système de santé. S’assurer de la qualité, de l’universalité et de l’accessibilité des soins tout en mettant un accent particulier sur la prévention et l’action structurelle pour contrer les véritables déterminants de la mauvaise santé, la pauvreté en particulier. Modifier la culture médicale traditionnelle, trop basée sur une approche curative et hospitalière et abandonner les vieilles chasses gardées pour assumer une prise en charge globale de toutes les personnes. Développer véritablement des services de première ligne comme porte d’entrée du système de santé.

7. Renforcer et appliquer la réglementation environnementale.

En avons-nous les moyens ?

Oui. Nous avons les moyens financiers de nous doter d’un Québec fort aux plans social et économique. Commençons par évaluer au mérite les subventions, dégrèvements d’impôts et de taxes, et toutes les façons de soutenir des entreprises afin de ne conserver que les aides publiques qui procurent une véritable plus-value au prog`res socio-économique de notre société. Rapatrions les milliards perdus en abris fiscaux comme les fiducies. Plafonnons à un niveau raisonnable les avantages fiscaux relatifs aux REER. Rétablissons les taux de participation des entreprises aux recettes de l’État qui prévalaient il y a encore dix ans.

Refusons les baisses d’impôts. La plus grande partie des contribuables paie davantage aujourd’hui en tarifs, en taxes et en coûts de services accrus dans le privé que ce qu’elle a récupéré. Il est inconséquent de se plaindre, dans un manifeste, de l’état actuel des finances publiques québécoises quand on a collaboré, en les décidant ou en les souhaitant, aux baisses d’impôt qui privent désormais le trésor québécois de 3,5 milliards par année !

Et réclamons avec une fermeté réelle d’Ottawa qu’il mette fin au déséquilibre fiscal qui prive le Québec de 2.6 milliards annuellement.

Toutes ces mesures combinées pourront-elles apporter à l’État québécois la marge de manœuvre qui lui manque pour s’acquitter convenablement de ses responsabilités ? Nous croyons nous faudra aller plus loin et nous donner tous les outils politiques et économiques nécessaires pour y arriver. Dans l’état du monde actuel, le rôle des États nations est fondamental pour la répartition de la richesse et pour la protection des droits individuels et collectifs.

Pour un Québec solidaire !

Nous affirmons une autre vision du Québec, une vision humaniste, soucieuse de l’environnement et du développement durable, du bien commun et des droits collectifs.

Nous voulons contribuer à construire un Québec et un monde où les contraintes économiques et financières seront assujetties au souci d’assurer la dignité et le bien-être de chacun et de chacune, en harmonie avec leur milieu de vie. Nous en avons les moyens et nous trouvons ailleurs dans le monde et ici même des exemples inspirants. Il suffit d’avoir le courage de rompre avec les recettes inefficaces du capitalisme financier et de comprendre que la principale richesse d’une société, c’est sa capacité de prendre soin de tous ses membres, surtout quand les temps se font plus durs.

Nous appelons nos concitoyens et concitoyennes à prendre le relais de ce manifeste Pour un Québec solidaire. Il est important de souligner à tous ceux et celles qui s’interrogent sur l’avenir de notre société que la soumission aux impératifs économiques d’un libre marché sans contrainte est un credo conservateur et souvent individualiste qui ne répond pas à nos aspirations individuelles et collectives. Devant l’augmentation révoltante de la misère planétaire et les désastres écologiques, il y a urgence d’agir ! Opposons à la machine à fabriquer les inégalités toute la solidarité du peuple québécois et donnons-nous des moyens à la mesure de nos rêves.

Signataires