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UNE TOURNEE DE SOLIDARITE

Etudiantes en Palestine

dimanche 19 décembre 2004

Samah Atout et Maha Baran sont étudiantes. La première à l’université de Najah, près de Naplouse en Cisjordanie, où elle est diplômée en administration. Majah à l’université de Birzeit. Elles sont venues en France, pour témoigner de la situation de toute une jeunesse en Palestine, à l’invitation du réseau Facultés pour une paix israélo-palestinienne (FFIPP). A l’occasion d’une réunion sur le campus d’Orsay, le 25 novembre dernier, nous les avons rencontrées.


Quelle expérience personnelle considérez-vous comme représentative de la vie quotidienne à Najah ?

Samah Atout - Un matin que je revenais chez moi en compagnie d’un ami italien, après avoir passé une nuit à Hwara, bloquée à un point de contrôle (check-point), j’ai trouvé ma maison fermée ; j’ai frappé a la porte, et mon frère, d’une voix bégayante, m’a dit de revenir plus tard. A midi, les enfants de la rue parlaient des soldats qui étaient entrés tôt le matin chez moi. Vers 16 heures, après une très longue attente, je m’aperçus que la maison était en flammes et que ma famille, à l’intérieur, était menacée. Elle ne pouvait appeler personne, car les soldats avaient confisqué les portables et avaient coupé la ligne téléphonique. Les services médicaux ne pouvaient, de leur côté, intervenir car les jeeps les en empêchaient. L’incendie dura jusqu’à six heures. Finalement, les services médicaux purent pénétrer dans la maison, avec l’aide de tout le voisinage, et ma famille, mes parents, mes frères et deux de leurs filles furent sauvés. La plus petite, âgée de 4 ans, fut hospitalisée pendant une semaine. Ce genre de situation s’est répété quatre fois.

Quelles seraient tes demandes au gouvernement israélien ?

S. Atout - La fin de l’occupation, le respect des droits de l’Homme, la justice, l’arrêt des humiliations et de la politique de tirs préventifs et aléatoires (" random shooting and open fire ").

Que souhaiterais-tu dire aux lecteurs de cette interview ?

S. Atout - Il faut chercher la vérité, être actif et travailler pour la paix. J’ai confiance en la France.

Quel est l’impact de l’occupation sur les jeunes Palestiniens ?

Maha Baran - L’occupation produit de nombreux effets sur les jeunes palestiniens, en particulier par ses effets sur l’éducation. Le plan de division du territoire palestinien est ainsi un véritable obstacle à l’accès à l’enseignement. Ce dernier est directement influencé par les couvre-feux, les points de contrôle (les check-points), et par le mur qui a pour but de diviser le territoire palestinien en petites unités (plus de 120 en Cisjordanie). La destruction de la vie économique se répercute également sur les études : deux tiers du semestre sont perdues à cause des check-points, des bouclages de territoires ou, tout simplement, des heures de marche qu’il faut faire et des kilomètres qu’il faut parcourir pour contourner les barrages et arriver à la fac. Le passage d’un check point n’est pas du tout évident : tout dépend de l’humeur des soldats, parfois ils s’ennuient et veulent parler avec toi, ils peuvent même te demander quel type de parfum tu utilises. Ils n’obéissent pas toujours aux ordres. Dernièrement, un autre type de barrages a été mis en place : les points de contrôle volants ou " flying check-points ". Ils peuvent apparaître n’importe où et bloquer les routes, en particulier durant les époques d’examens. Ils ne sont motivés par aucune raison de sécurité. Ce n’est pas seulement le fait de marcher davantage, d’être humilié qui a un impact psychologique important. Imagine l’énergie qu’il faut déployer pour essayer de vivre "normalement". Nos pensées sont monopolisées par de petits détails qui marquent chacune de nos journées et qui nous font oublier les choses importantes de la vie. On n’a pas de rêves, on concentre nos efforts dans ces petits détails sans importance. La frustration engendrée par les check-points, par le manque d’argent, par les humiliations, par la destruction de nos maisons, tout cela peut faire que l’on ne soit pas attaché à la vie, qu’on oublie nos désirs, nos buts ; la différence entre la vie et la mort devient infime, poussant certains vers l’extrémisme, vers l’autodestruction...

Propos recueillis par Lucas Mesalles
(tiré du site de Rouge)