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Extrait de l’école, c’est pour la vie

Un nouveau pacte social pour l’Éducation

par Jocelyn Berthelot de la CSQ

mardi 30 mai 2006

Une scolarisation accrue

Les nombreux changements qui accompagnent l’étape actuelle de la mondialisation plaident pour une scolarisation accrue qui prépare à la fois aux exigences d’une citoyenneté élargie et à un marché du travail en pleine transformation.

Au Québec, les objectifs, fixés en 1997, visaient à ce que, d’ici 2010, 85 % des élèves obtiennent un diplôme du secondaire avant l’âge de 20 ans, 60 % un diplôme d’études collégiales et 30 % un baccalauréat universitaire. Or, à quelques années de l’échéance, la situation n’est pas rassurante. Le taux d’obtention d’un diplôme du secondaire avant l’âge de 20 ans était à la baisse de trois points de pourcentage en 2003-2004, par rapport à 1995- 1996 alors que l’accès aux études collégiales chutait de 5,5 points, le taux d’obtention d’un diplôme collégial se maintenant aux environs de 39 %.

Des améliorations s’imposent également à l’enseignement supérieur. En 2002, le taux d’obtention d’un baccalauréat chez les jeunes Québécois était de 27,7 %, ce qui était inférieur de 4,8 points à la moyenne des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). L’augmentation souhaitée de la scolarisation devrait se conjuguer avec une nécessaire qualification professionnelle. L’objectif n’est pas de conduire tous les jeunes d’un groupe d’âge à l’université. On doit toutefois admettre que sans être suffisant, le diplôme devient de plus en plus nécessaire. Il continue de protéger contre le chômage. Ainsi, plus le niveau de scolarité est élevé, plus le taux de chômage est faible. En 2004, celui-ci était supérieur à 15 % chez les travailleurs sans diplôme et inférieur à 6 % chez les détenteurs d’un diplôme universitaire. Par ailleurs, les analyses de l’Institut de la statistique du Québec confirment que les emplois pour les personnes faiblement qualifiées se font rares alors que les emplois hautement qualifiés sont plus nombreux.

Il ne fait donc pas de doute que, tant pour le développement des personnes que pour celui de la société québécoise, une amélioration de la scolarisation s’impose. La croissance économique devra aussi compter sur des travailleurs plus éduqués et qualifiés. Par conséquent, une revalorisation de la formation professionnelle et technique, un enseignement supérieur largement accessible et une formation continue diversifiée deviennent des priorités.

Une revalorisation de la formation professionnelle et technique

Au Québec, la volonté d’améliorer les relations entre établissements scolaires et milieux de travail, d’assurer une continuité entre les niveaux de formation et d’offrir une formation générale qui facilite les passages a marqué les politiques des dernières années en formation professionnelle et technique.

Toutefois, malgré les nombreuses campagnes de valorisation, les succès s’avèrent plutôt mitigés, tout particulièrement en ce qui concerne la formation professionnelle. Plus du tiers des jeunes quittent l’école sans aucune qualification professionnelle ; 35 % obtiennent un diplôme d’études professionnelles (DEP) ou un diplôme d’études collégiales (DEC) technique, comparativement à 45 % en moyenne pour les pays de l’OCDE.

Malheureusement, trop souvent, la formation professionnelle demeure une voie terminale à laquelle on accède davantage en raison de la faiblesse de ses résultats scolaires que d’un choix éclairé de carrière. On note néanmoins certaines améliorations. D’une part, les efforts de valorisation auraient porté leurs fruits auprès des parents et des employeurs. D’autre part, la proportion de jeunes de moins de 20 ans inscrits en formation professionnelle a progressé, passant de 12,8 % en 1994-1995 à 16,6 % en 2002-2003.

Selon le Conseil supérieur de l’éducation, il faudrait d’abord redonner une composante de formation générale à la formation professionnelle, notamment pour assurer la nécessaire maîtrise des compétences de communication et favoriser le développement professionnel à long terme. Il faudrait ensuite améliorer les services en matière d’accompagnement et d’encadrement pédagogique, particulièrement les services d’orientation et consolider l’exploration professionnelle en 4e et 5e secondaire. Quant à l’articulation entre le secondaire et le collégial, il faudrait assurer une meilleure continuité dans la définition des compétences, ce qui permettrait aux élèves d’acquérir la formation manquante.

La perception des jeunes est beaucoup plus favorable quant à la formation technique. Les jeunes considèrent que cette dernière prépare à un travail payant, aux tâches variées et qu’il faut être bon en mathématiques et en technologie pour y accéder. Une véritable polyvalence a été maintenue, ce qui facilite la poursuite des études. Près du quart des diplômés poursuivent des études universitaires, une proportion qui atteint 50 % dans certains programmes. Les difficultés soulignées concernent surtout la durée des études ; seulement 35 % des jeunes obtiennent leur diplôme dans le temps prévu de trois ans, ce taux passant aux environs de 60 % après 5 ans. On constate également que le nombre d’inscriptions plafonne depuis 1993-1994, même qu’il est en baisse légère depuis 1997-1998, alors que la demande en personnel technique ne cesse de croître.

Parmi les mesures visant à redresser la situation, on pourrait examiner la possibilité de revoir à la hausse la durée de certaines formations et de réviser le contenu de la formation générale afin de mieux l’adapter aux besoins des jeunes de ce secteur. Étant donné le rôle important des cégeps en région, la création d’un panier régional des programmes afin d’éviter les fermetures de programmes et les dédoublements, le développement de créneaux particuliers de formation et une meilleure concertation interordres pourraient être envisagés.

Un enseignement supérieur plus largement accessible

Le choix du Québec de favoriser l’accès à l’enseignement supérieur grâce à un enseignement collégial gratuit et un enseignement universitaire peu coûteux a largement soutenu la démocratisation. Au début des années 1960, seulement 16 % des jeunes accédaient aux études collégiales et seuls quelques enfants pauvres pouvaient s’arracher à leur destin. Aujourd’hui, c’est le cas de 58 % d’un groupe d’âge et si les inégalités persistent, elles sont moins criantes.

On remet périodiquement en cause le modèle des cégeps, bien qu’il ait fait ses preuves, notamment en soutenant le développement éducatif, culturel et économique des régions. C’est sur la réussite et sur un financement adéquat qu’il faudrait mettre l’accent plutôt que sur une querelle de structures. Les cégeps ont subi des compressions correspondant au quart de leur budget entre 1994 et 1998, soit 260 millions. Les mesures d’aide à la réussite ne disposent pas du financement requis. Ainsi, les sessions d’accueil et d’intégration, auxquelles s’inscrivait près d’un étudiant sur huit en 2002-2003, n’offrent pas un nombre de places suffisant. Les dispositifs de mentorat, les centres d’aide et les programmes de stages survivent difficilement.

Du côté des universités, les droits de scolarité ont été gelés à un peu plus de 1600 $ par année depuis 1994, alors que la moyenne canadienne atteignait 4000 $ en 2004. Afin de respecter sa promesse de maintenir ce gel tout en augmentant les revenus des universités, le gouvernement libéral a décidé de sabrer l’aide accordée aux étudiants les plus démunis sous forme de bourses. Cette décision a provoqué, à l’hiver 2005, la plus longue grève étudiante de l’histoire québécoise. Étant donné le large appui de la population à la cause étudiante, le gouvernement a été contraint de revoir sa politique, mais le débat demeure d’actualité.

On doit réaliser que c’est toute la société qui profite de l’enseignement supérieur et que conséquemment, c’est à l’ensemble des citoyens d’en assumer la plus grande partie des coûts par l’entremise de l’impôt sur le revenu. Il faut également souligner l’importance du retour public sur l’investissement en enseignement supérieur. Les diplômés d’universités représentent 15 % de la population canadienne de plus de 18 ans, mais contribuent pour près de 35 % de tous les impôts sur le revenu.

On constate depuis longtemps que ce sont les enfants de familles fortunées qui profitent davantage d’un enseignement supérieur peu coûteux. Voilà qui devrait nous inciter à réduire les écarts sociaux et à améliorer l’aide financière aux études afin de soutenir la participation des jeunes de milieux moins nantis. Une hausse importante des droits de scolarité risquerait, au contraire, d’apparaître comme une barrière insurmontable pour les jeunes de milieux pauvres. En matière d’aide financière, il faut donc revoir à la hausse les paramètres relatifs aux frais de subsistance qui n’ont été que partiellement indexés depuis dix ans. Il faut aussi diminuer la contribution parentale exigée en tenant compte de la situation des autres provinces. Puis, il faut améliorer le montant des bourses pour la première année et introduire un crédit pour études postsecondaires destiné aux plus démunis.

Finalement, dans le cadre des discussions concernant les transferts fédéraux aux provinces, on doit impérativement remédier à l’iniquité des mesures fiscales fédérales en éducation qui favorisent largement les plus fortunés.

Une formation continue diversifiée

L’éducation tout au long de la vie fait partie des slogans de ce que certains appellent la nouvelle économie. L’évolution rapide des savoirs et leur rôle dans la production et l’innovation incitent les gouvernements, les établissements éducatifs et les entreprises à mettre l’accent sur la formation continue. Par ailleurs, les personnes qui ne disposent pas du minimum de formation requise, incapables de s’adapter aux changements découlant des mutations en cours, sont soit exclues du travail, soit menacées de l’être.

Au Québec comme ailleurs, on observe des tensions entre deux conceptions divergentes de l’éducation des adultes : l’une axée sur la formation de la main-d’oeuvre, l’autre qui s’inspire d’une conception plus large et citoyenne de l’éducation des adultes. Or, le développement du « potentiel humain » se limite progressivement au développement du « capital humain ». La formation sur mesure est devenue « la vache à lait » de plusieurs établissements. Commissions scolaires et cégeps se font concur- rence pour attirer la « clientèle ». Sur l’autre versant, la formation générale est de moins en moins accessible.

Un consensus se dégage néanmoins concernant la priorité à accorder à la reconnaissance des acquis et des compétences scolaires et extrascolaires, aux différents ordres d’enseignement. On sait que les coûts de la non-reconnaissance des acquis et des compétences sont élevés, tant pour les personnes que pour la société. La délivrance d’un document officiel attestant les compétences acquises et la mise en place de services d’accueil, de références et d’accompagnement chargés de conseiller les adultes sur la question sont parmi les mesures à retenir. Plus généralement, il faut revenir aux priorités fixées par les États généraux sur l’éducation : l’alphabétisation et la formation de base. Ce sont là en effet des conditions nécessaires à une éducation tout au long de la vie.

Au Québec, selon l’Enquête internationale sur l’alphabétisa - tion et les compétences des adultes, plus d’un Québécois sur quatre est considéré comme analphabète fonctionnel. Une relation claire existe entre analphabétisme et emploi. Si près des deux tiers des personnes de 16 à 65 ans avec emploi ont atteint le seuil minimal d’alphabétisation fonctionnelle, c’est le cas de seulement la moitié des chômeurs. Plus d’un million d’adultes ne satisfont pas à la norme sociale de base d’un diplôme du secondaire et, de ce nombre, 600 000 n’ont même pas atteint la troisième secondaire.

Il y a donc urgence à ce que les commissions scolaires, les cégeps et les universités développent leur offre de formation pour les adultes afin de promouvoir l’atteinte par les individus du niveau d’éducation le plus élevé possible. La gratuité des études collégiales à temps partiel et l’amélioration des avantages fiscaux ou de l’aide financière devraient aussi faire partie d’une politique de démocratisation de l’éducation des adultes. Il en va d’un mieux-être pour les personnes et pour la société québécoise dans son ensemble.

Tiré du site de la CSQ
http://www.education.csq.qc.net/sit...