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Atelier de Québec Solidaire sur la question autochtone (5 avril 2009)

mardi 8 septembre 2009, par Remi Savard


Tiré du site ’’vers notre programme de Québec Solidaire


1ère question : Quel type de rapports établir avec les nations autochtones ?

Le 13 sept. 2007, 143 des 147 pays présents à l’assemblée générale de l’ONU ont approuvé une déclaration sur les droits des peuples autochtones. Les USA, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Canada ont voté contre. Il y a deux ou 3 jours, l’Australie s’est ralliée. Selon certains, la Nouvelle-Zélande serait sur le point d’en faire autant. Les USA d’Obama ne devraient pas tarder. Il ne restera alors que le Canada

Depuis début des années 1980s, le système international avait créé …

1/ …des outils de protection des droits des peuples autochtones (vg : Convention 169 de l’Organisation internationale du Travail, groupe de travail à l’ONU sur une déclaration des droits de ces peuples, etc.).

2/ …des instances de protection des droits de ces peuples (vg : rapporteurs spéciaux de l’ONU et de l’Organisation des États américains (OEA), instance permanente de l’ONU sur les questions autochtones, etc.).

Selon la Déclaration adoptée le 13 septembre 2007, les peuples autochtones ont des droits semblables à ceux des peuples membres de l’ONU.

article 3 : « Les peuples autochtones ont le droit à l’autodétermination. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel ». article 5 : « Les peuples autochtones ont le droit de maintenir et de renforcer leurs institutions politiques, juridiques, économiques, sociales et culturelles distinctes, tout en conservant le droit , si tel est leur choix, de participer pleinement à la vie politique, économnique. Sociale et culturelle de l’État ».

À ce jour, Québec Solidaire est le seul parti politique québécois à avoir appuyé cette Déclaration (Le Devoir 12 juin 2008). Au fédéral, les trois partis de l’opposition, soit une majorité de las Chambre des communes, l’ont fait.

2e question : Comment établir des rapports égalitaires ?

1/ Dans le contexte constitutionnel actuel, l’Assemblée Nationale devrait s’associer à l’Assemblée des Premières Nations du Québec-Labrador (APNQL) pour exiger du gouvernement fédéral qu’il appuie la Déclaration de l’ONU, et surtout qu’il adopte les mesures nécessaires à son application au Canada.

2/ Par ailleurs, eu égard à la souveraineté du Québec, le programme politique de Québec Solidaire devra prévoir une harmonisation des droits du peuple québécois avec ceux des peuples autochtones tels que définis aux articles 3 et 5 cités ci-dessus.

3/ Une telle harmonisation se heurtera à de fortes réticences tant au sein des Premières Nations que chez les Québécois issus de la colonisation ou de l‘immigration plus récente. C’est pourquoi il est impératif d’entreprendre sans tarder un dialogue politique permanent avec les représentants des organisations politiques autochtones du Québec.

Chez les Québécois, ces réticences résultent des profondes déficiences ayant longtemps caractérisé l’enseignement de l’histoire dans les écoles et les collèges.

C’est ce qui explique que, pour les 17e & 18e siècles, les autochtones ont généralement été réduits soit au rang de ce qu’on nommait encore tout récemment les « races inférieures, soit plus récemment à des gens déconnectés de la modernité et constamment en train de s’adonner à des rituels écologiques ou à des dialogues avec la Terre Mère.

Pour les 19e et 20e siècles, silence total sur la mise en œuvre de l’opération légale et administrative massive et prolongée du gouvernement canadien, visant à éradiquer rapidement la totalité de ces peuples.

ABOLITION DES LANGUES In our opinion (…) nothing will so pave the way for the amalgamation of the Indian and White racea, as the disuse among the former of their peculiar dialects. So long as they continue to cling to them, they will remaina distinct people dwelling apart in the midst of their neighbour. (Rapport des Commissaires spéciaux pour s’enquérir des affaires des Sauvages en Canada, Journaux de l’Assemblée législative du Canada, appendice no 21, 1858)

USURPATION DE LA SOUVERAINETÉ AUTOCHTONE Another point of vital importance to be kept in view, is the gradual destruction of their tribal organization. (Ibid.)

USURPATIONS DES TERRITOIRES AUTOCHTONES La jalousie que nourrit aujourd’hui la race blanche contre la race native disparaîtra quand la terre, cause des difficultés, sera mise en la possession de la première. La province gagnera une grande augmentation de terres de valeur où pouvoir placer le courant d’immigration qui se dirige vers les pays […]. (Ibid.)

Autre sujet tabou pour les responsables de l’enseignement de l’histoire

Les quelque trois ou quatre milliers d’autochtones réduits en esclavage dans la vallée du Saint-Laurent entre c.1670 et 1838.

Ce qui agace l’historien Marcel Trudel, qui fouille ce dossier depuis un demi-siècle, ce n’est pas tant, comme il l’écrivait en 2001, « que nos pères [aient] pratiqué l’esclavage (alors un fait social dûment accepté), mais […] que ce chapitre de notre histoire nous [ait] longtemps été caché. » (Trudel 2001, Mythes et réalités dans l’histoire du Québec : 175)

Les propriétaires : seigneurs, curés de villages, hauts gradés militaires, gouverneurs, commerçants de fourrure, fonctionnaires coloniaux, communautés religieuses, etc.

En 1709, une ordonnance ( Ordonnance de l’intendant Raudot en 1709. 1ère reconnaissance officielle et rétroactive de la pratique de l’esclavage après une période de vide juridique remontant à c. 1670) instaure des amendes non seulement pour les esclaves qui quitteraient leurs maîtres, mais aussi pour ceux et celles ayant aidé ou encouragé des esclaves à se sauver de leurs maîtres.

C’aurait été une bonne nouvelle d’apprendre que, en 1709, des gens défendaient les droits des Autochtones et des Africains à Québec, à Trois-Rivières et à Montréal ! Leurs noms n’apparaissent pas dans le DBC !

ACTE DE CAPITULATION DE MONTRÉAL (article 47) Demandes des vaincus : les Negres et panis [esclaves indiens] des deux sexes, resteront en leur qualité d’Esclaves, en la possession des françois et Canadiens à qui Ils appartiennent ; Il leur sera libre de les garder à leur service dans la Colonie, ou de les vendre, Et Ils pourront aussi continuer à les faire Elever dans la Religion Romaine [Accordé, Excepté Ceux qui auront étés faits Prisonniers. (Short & Doughty 1921 : 19)

Quoi qu’il en soit, impossible qu’une telle expérience collective, enfouie dans la mémoire reptilienne d’un grand nombre de descendants de colons que nous sommes, n’ait pas contribué à entretenir des réticences à l’instauration de rapports égalitaires.

Tout ceci explique les difficultés que nous pouvons avoir à reconnaître des rapports égalitaires avec ces peuples.

3e question Comment reconnaître les droits territoriaux et ancestraux des nations autochtones ?

Cette question englobe les droits politiques à l’autodétermination, dont j’ai traité précédemment, et le droit aux ressources naturelles, qui constitue le point le plus sensible de nos relations avec ces peuples et nous conduit à la 4e question soumise à cet atelier.

4e question Comment nous entendre sur un partage des territoires et des ressources ?

1/ Tant que la fourrure a constitué la principale ressource naturelle, i.e de 1600 à 1800, les Autochtones eurent, aux yeux des métropoles (Paris et Londres), une énorme pertinence économique et militaire,

Forte concurrence dans Nord-Est de l’Amérique du Nord : Suède, Portugal, Hollande, Danemark, Angleterre, France et finalement, USA.

Donc rapports de type diplomatique (alliées militaires et économiques).

2/ Entre 1795 à 1816, le bois remplace la fourrure.

Les autochtones perdent rapidement toute pertinence aux yeux des promoteurs de la colonie canadienne. Sont considérés comme obstacles au développement (agriculture, industrie forestière, mines, hydroélectricité, industrie touristique, etc.). Toutes ces ressources naturelles sont sur leurs territoires.

Et ça continue aujourd’hui avec Le Plan Nord du gouvernement Charest.

Nomination de l’ancien ministre des ressources naturelles (Corbeil) aux Affaires autochtones.

3/ D’où le plan surréaliste d’éradication des peuples par assimilations des individus (réserves, registres, etc.)

Ce plan a échoué. Résultat : des peuples de survivants plus ou moins amochés selon les cas.

La prise de contrôle des terres par l’État canadien au 19e siècle se résume à des simulacres de traités.

Au Québec, sauf la Convention de la Baie de James en 1977, améliorée en 2002 par la Paix des Braves, tout le reste du territoire est en attente de traité (Innus, Attikamek, Algonquins, Micmac, Malécites, etc.)

Car il subsiste dans ces terres une servitude légale autochtone, issue de la tradition juridique canadienne, reconnue au temps où la fourrure était toujours la ressource majeure, et où les Indiens étaient indispensables au développement de la colonie (avant 1800).

Ce vide juridique québécois nous offre une magnifique occasion de pouvoir établir avec ces peuples des rapports égalitaires, tant sur le plan des institutions politiques que sur celui des ressources naturelles, dans le respect des souverainetés de chacun.

On cessera alors de reprocher aux Autochtones de dépendre de nos taxes ! Après tout, qui a vécu jusqu‘à maintenant aux dépens des autres ?

Il me semble que seul un parti souverainiste de gauche peut proposer ce genre de défit au Québec. Le pays dont on rêve sera d’autant plus solide qu’il ne sera pas construit sur des ruines de peuples !