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Manifeste du Mouvement Montréal français

mardi 21 septembre 2010, par Mouvement Montréal Français

Faire du français la langue publique commune à Montréal est un facteur essentiel de l’inclusion des nouveaux arrivants à la société québécoise. C’est la condition première pour assurer l’avenir du français au Québec, seul État majoritairement francophone de l’Amérique du nord. C’est contribuer à la défense de la diversité culturelle dans la mondialisation.

Le constat des plus récentes études sur la langue française est sans équivoque :

 Le français est encore loin d’être la langue publique commune au Québec alors que l’usage du français comme langue de travail stagne depuis une vingtaine d’années. À Montréal en 2001 les travailleurs allophones étaient aussi nombreux à travailler en anglais qu’en français.
 Le pouvoir d’attraction de l’anglais est toujours largement disproportionné par rapport à celui du français. Selon le dernier recensement de Statistique Canada, en 2006 les transferts linguistiques apparents des allophones se font à 46 % vers l’anglais à Montréal alors qu’ils devraient se faire à 90 % vers le français pour respecter le poids démographique des francophones.
 Sur l’île de Montréal, la proportion des francophones selon la langue parlée à la maison est de 54,2 %, soit 7.6 points de pourcentage de moins qu’en 1986 (61,8 %). Cette tendance, dans un contexte de bilinguisme institutionnel, affaiblira encore davantage le pouvoir d’attraction du français.
 Les études prévisionnelles indiquent une minorisation de la population de langue d’usage française à moyen terme à Montréal, ce qui aura un impact majeur dans l’ensemble du Québec.

Par conséquent, nous, citoyens et citoyennes du Mouvement Montréal français lançons un appel à la mobilisation pour contrer le recul du français à Montréal et réaliser enfin l’objectif fondamental de la Charte de la langue française, qui est de faire du français la véritable langue commune et officielle au Québec.

Nous sommes nombreux à vouloir combattre le défaitisme ambiant, qui pousse à l’inaction et à la capitulation devant la fragilité du français en Amérique du Nord.

1- Briser le silence sur la question du français.

Nous dénonçons le silence que gardent la plupart des médias et des politiciens sur la situation du français au Québec. Certains veulent éviter à tout prix de soulever le couvercle de la « marmite linguistique ». Cette attitude constitue un recul en soi. Les Québécois se voient ainsi privés d’une information vitale sur l’avenir du français. L’absence de réactions a ainsi insidieusement légitimé le bilinguisme institutionnel qui s’est répandu dans les services publics et sur le marché du travail.

L’adoption de la loi 101 nous a permis de faire des progrès réels, mais partiels et fragiles : les francophones, en partie grâce à cette loi, ont effectué un certain rattrapage sur le plan économique ; le français, dans certains secteurs, avait commencé à prendre sa place normale sur le marché du travail. Cependant, malgré leur importance, ces progrès sont loin d’assurer l’avenir de notre langue. Trop de chemin reste à parcourir pour que l’on continue à se taire. L’anglais reste encore trop souvent la langue commune utilisée entre personnes de langues maternelles différentes.

La loi 101 a été un geste historique de libération et d’affranchissement. Combattue et sapée dès son instauration, elle a subi plus de 200 amendements qui l’ont affaiblie dans la plupart de ses secteurs d’application. Les lois 57, 178 et 86, en favorisant le retour du bilinguisme institutionnel, ont miné le pouvoir d’attraction du français.

Une désinformation délibérée ou inconsciente laisse croire que le français se porte bien au Québec et que tout effort pour le renforcer relève de l’intolérance ; loin de briser « les deux solitudes », cette attitude obscurantiste favorise leur persistance.

Pour obtenir un réel rapprochement entre tous les citoyens, il faut faire face au vrai débat ; les progrès accomplis dans le passé ne doivent pas masquer tout le chemin qu’il reste à parcourir.

2- Refuser que la mondialisation serve de prétexte à l’anglicisation.

Un nombre croissant d’entreprises établies chez nous invoquent la mondialisation pour obliger leurs employés à transiger en anglais à l’intérieur même du Québec. La mondialisation ne justifie en rien le recours à l’anglais entre Québécois de langues maternelles diverses dans les entreprises et le commerce.

La connaissance de plusieurs langues (et notamment de l’anglais) constitue certes un enrichissement individuel ; elle doit nous ouvrir aux autres cultures et non devenir un outil d’assimilation. La mondialisation ne doit pas, en les anglicisant, uniformiser les cultures nationales après les avoir réduites au rang de simples marchandises.

Les Québécoises et les Québécois n’ont pas à se culpabiliser de vouloir vivre en français. Partout dans le monde existent des lois linguistiques. Dans la plupart des pays, elles reposent sur le principe de territorialité : sur un territoire donné, une seule langue est utilisée dans le secteur public.

Le Québec est le seul État majoritairement francophone en Amérique du Nord ; c’est le seul État où le français peut être la langue officielle et commune. La région métropolitaine de Montréal comprendra bientôt de la moitié de la population du Québec. Elle compte aussi près de 80 % de sa population d’expression anglaise, héberge la direction de la plupart des filiales d’entreprises étrangères et accueille plus de 85 % des nouveaux arrivants au Québec. L’anglicisation de Montréal porterait un coup fatal à notre culture et à notre identité en tant que peuple.

3- Contrer le bilinguisme des services publics.

René Lévesque affirmait qu’à sa manière, chaque affiche bilingue dit à l’immigrant : il y a deux langues ici, le français et l’anglais ; on choisit celle qu’on veut. Elle dit à l’anglophone : pas besoin d’apprendre le français, tout est traduit.

Ce que Lévesque disait des affiches bilingues, on peut le dire du bilinguisme institutionnel en général. Or, particulièrement à Montréal, tous les services publics sont bilingues. « For English, press nine », nous disent d’entrée de jeu les répondeurs du gouvernement. Ils disent en fait aux nouveaux arrivants que le Québec ne tient pas spécialement à ce qu’ils connaissent le français. Forcément, le français est alors perçu comme une langue qu’il n’est pas vraiment nécessaire d’apprendre.

Les Québécois francophones ne représentent que 2 % de la population de l’Amérique du Nord. Or le bilinguisme institutionnel entraîne invariablement l’assimilation des langues minoritaires. À l’extérieur du Québec, il n’a pas empêché l’assimilation massive des francophones, qui s’est même accélérée.

4- Assumer notre rôle crucial dans l’accueil des nouveaux arrivants.

Pour inclure les autres, il faut d’abord commencer par ne pas s’exclure soi-même. Il faut oser faire le vrai débat. Il faut le faire rationnellement et sereinement avec tous les citoyens. La solidarité et l’ouverture aux autres sont à ce prix.

Une langue commune, c’est le fondement de la cohésion sociale, de l’intégration des nouveaux arrivants et de l’égalité entre tous les citoyens.

C’est dans cet esprit pluraliste et inclusif que la Charte de la langue française a été adoptée.

La mobilisation doit partir de la grande région de Montréal, métropole française des Amériques, principal point d’accueil des nouveaux arrivants au Québec. Faire du français la langue publique commune doit constituer l’axe central d’une mobilisation de toutes les composantes de la société civile.

Mario Beaulieu, président du MMF


L’équipe des membres fondateurs :

Yves Beauchemin, écrivain
Sophie Beaupré, étudiante UQAM
Jean Dorion, président SSJBM
Pierre Dubuc, directeur de l’aut’journal
Maria Mourani, députée du Bloc Québécois d’Ahuntsic
Farid Salem, Solidarité Québec Algérie (SOQUAL)
Patrick Sabourin, étudiant M. Sc. McGill
Pablo Santos, travailleur social
Lucie Tessier, étudiante UQAM
Paolo Zambito, gestionnaire

(tiré du site Mouvement Montréal Français)