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L’indépendance, c’est un projet de société !

mardi 7 septembre 2010, par Bernard Rioux


Tiré de PTAG
mardi 22 juin 2010


Des milliers de personnes ont marché dans les rues de nombreuses villes du Québec pour appeler à la relance du combat indépendantiste. Ces mobilisations ont démontré que ce combat a encore du souffle. Mais notre lutte indépendantiste est traversée par des débats essentiels.

Le premier de ces débats est le rapport qu’elle doit entretenir avec le Parti québécois qui a, aujourd’hui encore, la prétention d’en assurer la direction y compris dans les détours et reports qu’il veut lui faire emprunter. Plus que jamais, l’unité qu’on doit construire autour de ce combat doit être questionnée et définie.

Le programme Marois ou la liberté de profiter d’une gouvernance provincialiste !

L’an dernier Pauline Marois proposait d’installer l’attentisme au poste de commande face à la lutte pour la souveraineté du Québec. Il s’agissait d’en finir avec les échéances politiques concrètes et de proclamer sans honte que l’objectif du Parti québécois était de gouverner le Québec comme une province de l’État canadien.

A leur dernier Conseil national, Pauline Marois a mis les points sur les i. Il s’agit de reprendre le flambeau de la réforme du fédéralisme et de faire la démonstration que l’indépendance du Québec, n’est pas d’abord une rupture avec notre minorisation politique, le refus de la domination de l’État canadien mais qu’elle est en fait son contraire soit la défense des champs de compétences définies par la constiution fédérale.

Pauline Marois prétend qu’il suffirait de « repousser le carcan constitutionnel canadien » pour pouvoir assurer pleinement tous les pouvoirs de l’État de la nation québécoise. Il ne serait pas nécessaire de rompre avec le carcan constitutionnel canadien ; il ne serait pas nécessaire de réaliser l’indépendance effective en s’appuyant sur la mobilisation populaire. Non, il suffirait d’exiger de nouveaux pouvoirs, de nouveaux espaces fiscaux, pour agir en souverainistes. Bref, il suffirait de réformer le Canada dans un sens autonomiste pour être souverainiste. Le discours de Pauline Marois, est une invitation à nous satisfaire de la confusion politique, pour pourvoir remettre à après demain les tâches de l’heure, soit celle de lutter pour l’indépendance du Québec et de la création des conditions politiques qui rendront cette dernière possible.

Un gouvernement provincial, prenant une pose souverainiste, pour mieux diffuser un discours sur la possibilité de réformer le fédéralisme, voilà à quoi se résume l’impasse que nous invite à emprunter Pauline Marois. Pas étonnant qu’un souverainiste comme Jacques Parizeau ait eu de la misère à y retrouver ses petits. Mais au lieu, de répondre à son appel de faire de la souveraineté un objectif stratégique réel du Parti québécois, on a reproché à M. Parizeau, gentiment il est vrai, un mouvement d’humeur : trop pressé, trop impatient, mais en accord avec « Pauline » dans le fond. Tout pour brouiller les pistes, et pour cacher la soif du pouvoir de l’élite politique "souverainiste" à prendre les rennes du pouvoir et les privilèges qui l’accompagnent.

Pauline Marois cherche à éliminer toute démarche stratégique clairement affirmée du programme du Parti québécois. Elle avait déjà éliminé le peuple de la démarche en renvoyant au calendes grecques le recours au référendum ; elle a aussi réussi à éliminer son parti en faisant d’elle-même l’ultime décideure de la tenue ou non d’un référendum. L’orientation proposée s’éloigne radicalement de toute démarche de souveraineté populaire par la concentration de l’avenir de ce parti mais les seules mains de Pauline Marois.

La liberté qu’exige Pauline Marois, n’est pas celle qui sera le fruit de la libération de la domination fédérale, ce n’est pas celle d’une souveraineté populaire pleinement assumée dans tous les domaines de notre vie sociale et nationale, c’est celle d’une équipe qui rêve d’administrer un palier provincial de l’État canadien.

Construire une unité populaire pour l’indépendance !

La minorisation politique de la nation québécoise se poursuit avec ses effets délétères : elle n’a pas le droit de légiférer sur la protection de la langue française sans que ses législations soient attaquées par la cour suprême du Canada. Elle n’a pas le choix de sa politique étrangère et elle est entraînée dans des aventures guerrières contre des peuples du tiers-monde, aventures qu’elle rejette. Elle doit contribuer à fournir des sommes colossales pour la reconstruction de l’armée canadienne. Elle ne peut décider en toute liberté d’un développement écologique de son économie et elle est forcée d’être partie prenante de la croissance de la filière pétrolière.

« Même dans des domaines vitaux pour son existence − la langue, la culture, les communications et l’immigration −, notre nation doit se plier aux décisions du parlement canadien et aux jugements de la Cour suprême du Canada. »(La marche pour l’indépendance)

L’indépendance du Québec ne sera pas le fruit d’un parti politique quel qu’il soit. Seul le peuple mobilisé pour la défense de ses intérêts les plus immédiats peut être le vecteur de son indépendance. C’est pourquoi, la lutte indépendantiste a comme mission fondamentale de faire de sa majorité sociale, l’ensemble des classes ouvrière et populaires, une majorité politique.

Il faut donc en finir avec la direction des élites nationalistes bourgeoises et petites bourgeoises sur notre lutte nationale. Ces élites ont démontré leur incapacité d’articuler la la lutte indépendantiste avec la défense des revendications égalitaires permettant l’unité populaire. Ces élites ont toujours donné la priorité à la défense de leurs intérêts de classe au lieu de la défense des intérêts de la majorité de la nation. L’unité populaire, l’unité du peuple du Québec, ne peut se construire qu’autour de sa majorité sociale, les classes ouvrière et populaires. C’est pourquoi, nous devons comprendre, que l’unité du peuple québécois, ne se construira pas autour de la négation des intérêts de classe de la vaste majorité de la population québécoise mais autour de la reconnaissance des intérêts de cette majorité sociale et du ralliement des autres composantes autour de cette majorité.

Le combat indépendantiste d’aujourd’hui sera un combat citoyen, un combat démocratique, un combat pour l’expression d’une véritable souveraineté populaire sinon il ne sera rien. Et ce combat saura lier le combat indépendantise à toutes les luttes du peuple québécois pour une société égalitaire, féministe, écologique et pacifiste. Ce n’est pas une logique identitaire qui doit nous inspirer, c’est un logique d’unité pour une société nouvelle, libre et construite par l’expression concrète de la souveraineté populaire.