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Cercle Gauche socialiste-Québec

lundi 15 juin 2009

Comment se situer face à la perspective de gouvernement provincial compte tenu de notre projet social et national ?

Un vote pour Québec solidaire signifie-t-il ou doit-il signifier un appui à la souveraineté du Québec ?
Cette question est essentielle et la réponse est un préalable à une poursuite d’un débat fructueux. Cette réponse définit le rapport de Québec solidaire à la souveraineté ? Plus, elle définit la nature même de Québec solidaire.

Un vote pour Québec solidaire doit devenir un vote pour l’indépendance du Québec. Il doit devenir un vote pour une approche démocratique de la question de la souveraineté marquée par le rôle essentiel de la souveraineté populaire. Il doit devenir un vote pour une stratégie qui lie souveraineté et projet de société alternatif. Voilà ce qui démarque radicalement Québec solidaire du Parti québécois sur la question de la souveraineté.

La souveraineté n’est pas que l’arrière scène de notre programme. Elle est un axe essentiel de notre définition politique. Comme nous l’écrivions dans notre Déclaration de principes, adoptée lors du congrès de fondation : « Le Québec soit disposer de tous les pouvoirs nécessaires à son plein développement aux plans social, économique, culturel et politique, ce qui lui est refusé dans le cadre fédéral. Notre parti opte donc pour la souveraineté. Sans être une garantie, la souveraineté est un moyen de fournir au Québec les outils nécessaires pour réaliser son projet de société et s’épanouir pleinement comme peuple. » Mais, la souveraineté n’est pas que de l’ordre des moyens. Le soutien à la lutte pour l’indépendance du Québec est pour nous une lutte essentielle pour la démocratie politique, une lutte contre l’oppression nationale vécue par le peuple québécois dans le cadre du fédéralisme canadien.

L’État québécois est un État tronqué. Il ne possède pas que certains pouvoirs accordés par la Constitution mis en place par la bourgeoisie canadienne lors de la fondation de ce pays. Cette délégation de pouvoirs est d’ailleurs sans cesse remis en en question par l’État canadien. Les principaux mécanismes d’intervention économique sont dans les mains de l’État fédéral. La nation québécoise est une minorité politique. Elle ne peut dépasser ce statut qu’en obtenant son indépendance. Ce statut de minorité politique dominée économiquement, politiquement et idéologiquement, c’est là le fondement de son oppression nationale.

L’oppression nationale du Québec est la forme particulière que prend la domination du Capital au Canada ou l’essentiel du pouvoir économique et politique est concentré dans les mains de la bourgeoisie canadienne et de l’État fédéral qui oriente le destin du peuple du Québec selon ces propres besoins. L’oppression nationale s’exprime par ce partage inégal des pouvoirs mais également par la domination linguistique et culturelle de la bourgeoisie canadienne sur l’ensemble du Québec. Et cela se traduit par des pratiques autoritaires. C’est ainsi que l’État fédéral ne reconnaît le droit du Québec de légiférer en toute autonomie sur la langue française. La Cour suprême est le décideur en dernière instance de la législation linguistique qui sera appliqué au Québec. L’ensemble des institutions fédérales refusent d’appliquer la loi 101. Le fédéral soutient la bilinguisation et s’oppose activement à ce que le français devienne la langue d’intégration nationale. Pour les travailleuses et les travailleurs, la langue de la promotion, malgré les avancées à cet égard, reste l’anglais. Les personnes nouvellement immigrées identifient clairement le fait que le français n’est pas la langue de la promotion sociale au Québec.

Mais le verrou essentiel de l’oppression nationale, c’est la négation par l’État fédéral du droit à l’autodétermination du Québec. Cette négation a pris une forme des plus ouvertes avec la loi sur la clarté qui soumet tout exercice de souveraineté populaire aux décisions du gouvernement fédéral. Il s’agit de refuser d’avance toute expression de la souveraineté populaire de la nation québécoise. Notre défense de la souveraineté, notre rejet de l’oppression nationale est à la base de notre opposition au fédéralisme canadien. Nous avons un devoir de démontrer que ce fédéralisme va à l’encontre des intérêts du Québec. Pour amener les progressistes qui défendent le fédéralisme canadien à rompre avec ce dernier, il faut montrer que notre projet de souveraineté est lié à la défense de la souveraineté populaire et à un projet social inclusif.

Pour toutes ces raisons, la lutte pour l’indépendance du Québec, constitue une lutte contre l’oppression nationale, une lutte démocratique essentielle. Elle ne relève pas que de l’ordre des moyens, même si cette dimension est aussi importante. La souveraineté peut et doit s’articuler à deux autres dimensions que sont la souveraineté populaire et le projet de société égalitaire. C’est là le sens de notre projet politique.

L’élection d’un gouvernement de Québec solidaire lui donnerait-il la légitimité de faire élire une assemblée constituante ?

Si nous agissons pour que l’élection d’un gouvernement de Québec solidaire soit interprétée par la population comme un vote pour la souveraineté, pour notre stratégie démocratique et pour notre projet de société, un gouvernement de Québec solidaire aura toute la légitimité de présenter une loi favorisant l’élection de l’assemblée constituante. Prétendre le contraire, c’est remettre en question la légitimité des référendums initiés par le PQ suite à leur prise du pouvoir. Même les autorités fédérales ont reconnu de facto cette légitimité en participant à la lutte référendaire.

Quel est le rôle des partis politiques dans la défense de la démocratie citoyenne ?

Les partis politiques sont des groupes qui proposent des alternatives politiques en situant ces alternatives au cœur de la conflictualité sociale et politique. C’est le propre des partis politiques démocratiques de concevoir leur travail comme celui de rendre clair les enjeux et les prises de position différentes qui traversent la société et de clarifier pourquoi des groupes sociaux particuliers portent telles ou telles orientations.

Le rôle des partis politiques face au respect de la démocratie ce n’est pas le respect des consensus, c’est l’éclaircissement des enjeux et la proposition d’alternatives précises. La défense de la démocratie citoyenne ne passe pas par l’élimination de la diversité, du pluralisme, des divergences dans des consensus qui masqueraient les divergences d’intérêt.

Au terme de la démarche de démocratie participative, est-ce que nous devrions changer de position et tout revoir si un consensus pour la souveraineté ne se dégageait pas ?

Le Parti québécois a-t-il abandonné son option suite à un référendum ? Non. Aurait-il dû le faire en juin 1980 puisqu’une majorité… claire s’y était opposée ? Sa démarche de continuer la lutte pour la souveraineté, est-elle une attitude anti-démocratique ? Devrions-nous abandonner notre programme social parce qu’une majorité de la population soutiendrait des partis défendant un programme néolibéral ? En aucune façon. Nous continuerons à nous battre autour de ce qui nous rassemble et de défendre une société écologiste, féministe, pacifiste et égalitaire… Il doit en être de même dans notre lutte pour l’indépendance du Québec car nous croyons qu’elle est un objectif essentiel dans notre lutte contre l’oppression nationale.

Serait-il vraiment démocratique, que dépendant de consensus conjoncturels, souvent le fruit du refus de préciser les enjeux véritables et de gommer la conflictualité du national et du social, un parti politique change d’orientation au gré des sondages. Aucunement. C’est dans le cadre de mécanismes de souveraineté populaire (élections, référendums, constituante…) que les consensus majoritaires peuvent être dégagés.

Dans l’élection pour une assemblée constituante, comment va se poser la lutte entre les partis politiques et les courants d’opinion présents dans les mouvements sociaux ?

Les partis indépendantistes vont lutter pour que l’assemblée constituante se voit confier le mandat d’élaborer une constitution d’un Québec souverain. Les partis fédéralistes vont lutter pour que l’assemblée constituante se voit confier le mandat d’élaborer une constitution du Québec dans le cadre du fédéralisme canadien. Des orientations confédérationnistes ou autonomistes vont aussi se manifester et demander d’avoir des élu-e-s. Des groupes sociaux : syndicats, groupes de femmes, groupes écologistes peuvent décider de présenter des candidates et des candidats pour défendre un point de vue déterminée sur les différents enjeux démocratiques qui seront discutés dans le cadre de la constituante. L’assemblée constituante va refléter la conflictualité sociale et politique présente dans le cœur même de la société québécoise et ses formes spécifiques à un moment précis de notre histoire. Et les résultats de ces travaux vont résulter en des arbitrages qui devront être soumis à l’intervention citoyenne et au suffrage du peuple dans le cadre d’un référendum. Et c’est en ce sens la souveraineté populaire ne relève pas de l’interprétation des consensus présents dans la société par un parti politique que ce soit Québec solidaire ou tout autre parti politique. La souveraineté populaire c’est la décision du peuple sur son organisation politique et la constituante doit permettre l’exercice de cette souveraineté. Les résultats de ses travaux ayant cherché à s’intégrer dans une démarche de démocratie participative et étant soumis à un référendum, la légitimité du processus sera considérable.

Bernard Rioux, Sébastien Bouchard, Jean-Pierre Roy, Cynthia Bergeron