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Quatrième Forum Social Mondial

Les marches pour l’égalité en Inde

lundi 19 janvier 2004

Les dalit - les "intouchables" dans le système hindou des castes - organisent des marches militantes à travers toute l’Inde, pour préparer le quatrième Forum social mondial (FSM) qui se déroulera du 16 au 21 janvier, à Mumbai.

Le 6 janvier 2004, partant simultanément des quatre coins de l’Inde, les mouvements de dalit ont engagé de longues marches pour l’égalité qui les conduiront, au bout de huit jours, à Mumbai (Bombay). Les divers cortèges auront alors sillonné 15 000 kilomètres et organisé quelque 2850 meetings à travers le pays, avant de participer au quatrième Forum social mondial.
Ces mouvements représentent le secteur de la population indienne que l’on appelle souvent les "intouchables", mais qui se sont donné le nom de "dalit" : les "écrasés", les opprimés. La tenue du Forum social mondial (FSM) en Inde leur offre une occasion rare d’intégrer leur lutte à un combat plus global contre les inégalités ; l’occasion aussi d’élargir les liens de solidarité noués de par le monde : des Français de No Vox, les mouvements de "sans" se sont ainsi joints à leur initiative qui n’est pas sans rappeler celle des Marches européennes contre le chômage et l’exclusion.

Intouchabilité

Le système traditionnel des castes, en Inde, reproduit très directement des divisions sociales, tout en les intégrant à une échelle de "pureté". Trois grandes divisions en caste, trois "états", concernent des classes dominantes : les brahmanes (qui pensent), les guerriers et les marchands. Un quatrième état est celui du peuple travailleur (paysans, artisans...). Les dalit sont situés dans cette échelle de valeur encore plus bas : ils sont "impurs" (et ne doivent donc pas être touchés) ; ils n’ont pas le droit d’utiliser le puits du village ou de pénétrer dans le temple. Exclus des quatre "états" à la pureté acceptable, les dalit n’en sont pas moins intégrés au système des castes, car des castes, il y en a des milliers en fonction des activités socioprofessionnelles et des régions (à l’inverse, les tribus aborigènes sont, elles, sans castes, et se voient par là rejetées "hors humanité" en quelque sorte).

Le système des castes apparaît immuable : chacun naît dans une caste et ne saurait en changer. En réalité, il y a des brahmanes pauvres et des paysans riches, une diversification des activités professionnelles, des modifications dans la hiérarchie complexe des castes et des sous-castes. Les dalit et les tribus ont aujourd’hui droit à une représentation propre au sein du Parlement (ainsi, des députés dalit participeront au Forum parlementaire mondial qui se réunit au sein du FSM) et à des emplois dans la fonction publique. Les pires formes de "l’intou-chabilité" ont disparu dans bien des régions. Mais les stigmates de l’exclusion n’ont pas pour autant été éliminés, loin s’en faut.

A l’occasion de leur marche sur Mumbai, les mouvements dalit exigent ainsi la protection face aux agressions physiques dont ils sont trop souvent victimes de la part de castes et communautés "supérieures", la défense de leurs droits sociaux face à la mondialisation capitaliste et aux politiques néolibérales mises en oeuvre par le gouvernement, la reconnaissance de la dignité des femmes, niée par le patriarcat et le marché, le doit à un avenir pour leurs enfants.

Sur le terrain culturel, la réponse des dalit à leur situation d’oppression a été diversifiée. Beaucoup se sont convertis à des religions qui reconnaissaient leur humanité : bouddhisme, islam, christianisme... Mais d’autres se sont attachés à acquérir un statut plus élevé au sein même de l’hindouisme en adoptant des modes de vie propres aux castes supérieures (comme la cuisine végétarienne). On touche probablement ici à l’un des traits les plus complexes et les plus importants de l’Inde des luttes : l’interaction mouvante entre identités de classe, de castes, de communautés religieuses, de régions linguistiques, d’appartenance politique...

On retrouve cette complexité quand les mouvements dalit identifient les forces dont ils sont victimes : le marché, le militarisme, le sectarisme communautaire et le fondamentalisme religieux, le "castéisme" et le patriarcat, le nationalisme chauvin propre à la caste des brahmanes... Ils en appellent à l’unité et à la solidarité avec toutes les forces démocratiques, laïques et socialistes. Le combat laïque doit se comprendre ici dans le sens de "séculier" : la séparation de l’Etat et de l’ordre religieux. Une question particulièrement d’actualité en Inde car le parti au pouvoir, le BJP, professe un hindouisme militant, fondamentaliste, et vise à identifier identité nationale et religieuse, à l’instar de nombre d’Etats dans la région.

Les mouvements dalit sont particulièrement présents dans l’organisation du FSM. Une présence qui permet de percevoir tout ce qu’aura d’orignal un Forum social mondial en Asie du Sud, hors de ses terres d’origines latino-américaine et européenne.

Pierre Rousset


Pour plus d’information sur le FSM de Mumbai :
 Site français du FSM 2004 : < www.wsfindia.org/french-info.php>.
 Site pour les questions d’hébergements : < accomodation@wsfindia.org>.
 Si vous souhaitez être volontaire : < volunteers@wsfindia.org>.
 Pour confirmer votre inscription : < registration@wsfindia.org>.
 Pour le programme définitif : < www.wsfindia.org/event2004/display2.php >.
 Pour le camp jeunesse intercontinental : < www.wsfindia.org/french-info.php#4 >.

Rouge 2046 08/01/2004