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Pour une politique syndicale d’indépendance de classe

Réseau intersyndical de gauche (RIG)

vendredi 29 octobre 2004

Nous cherchons à promouvoir une politique syndicale qui défend l’orientation d’un syndicalisme de combat et de classe. Nous croyons que nos efforts doivent partir des intérêts des travailleurs et des travailleuses et non pas de grands principes et de dénonciations verbales. Une stratégie syndicale basée sur l’indépendance de classe doit s’articuler autour des axes suivants :

I. Promouvoir la solidarité et l’unité d’action

Le mouvement syndical québécois est profondément divisé, et cela, paradoxalement, à un moment où les divergences idéologiques du passé se sont en grande partie effacées. Le patriotisme organisationnel affaiblit le mouvement syndical et aide le patronat et son État à marquer des points. Les travailleurs et les travailleuses ordinaires n’y ont aucun intérêt. C’est pourquoi il faut mettre la solidarité ouvrière et l’unité dans l’action des centrales au centre de notre orientation. Cette unité se construira au fil des combats et des initiatives permettant de dépasser les divisions du passé.

II. Promouvoir la démocratie syndicale

La démocratie s’identifie par de nombreux aspects à l’indépendance de classe. Mais au niveau le plus général, une politique d’indépendance de classe est impossible sans une base syndicale active. La force principale du mouvement syndicale est une base consciente, solidaire et qui a confiance dans ses propres forces collectives et dans une direction résolue et dévouée à ses intérêts.

Bien des syndiqués et des syndiquées ne participent point à la vie de leurs organisations, ne s’y identifient pas, les regardent comme des agences qui fournissent des services contre des cotisations. L’aliénation et la passiveté ne sont pas inévitables. Nous croyons que les travailleurs et les travailleuses ont soif de démocratie. Mais il faut encore leur offrir une raison pour la participation, l’encourager et la faciliter.

La réappropriation des organisations syndicales par l’ensemble de leurs membres est une condition nécessaire pour la réalisation de leur plein potentiel comme associations pour la défense des intérêts des membres. À cette fin, on doit défendre les principes suivants :

Les élections des directions locales et des délégations à différentes instances régionales et fédératives doivent se faire sous la base de plate-forme et de mandat. C’est ainsi que les élections peuvent réellement permettre des débats d’idées et non principalement des affrontements de personnalités.

Ce type d’élections permet que les élus et les élues puissent être réellement redevables à leur assemblée et que cette dernière puisse assurer un contrôle sur leurs délégations

La tenue d’assemblées générales régulières

La mise sur pied de journaux syndicaux d’information et ouverture de ces journaux aux différents débats qui traversent le syndicat pour qu’ils me soient pas seulement le porte-voix des positions majoritaires

L’organisation par les centrales de sessions de formation non seulement syndicale mais socio-politique aussi, sessions ouvertes à tous les membres ; la négociation du temps libre à cette fin dans les conventions collectives.

Une véritable démocratie implique aussi la défense des revendications des femmes et un fonctionnement facilitant leur l’intégration à la vie syndicale. Des pas importants ont été faits dans ce sens, mais ces acquis sont toujours menacés par les pressions de la société patriarcale. Cette dimension doit être une préoccupation constante des militants et des militantes.

La démocratie demande aussi la résistance à l’ingérence de l’État dans la vie des syndicats. Hier le gouvernement péquiste faisait adopter des lois interdisant des grèves et obligeants les travailleurs et les travailleuses à retourner au travail sous peine de fortes amendes. Aujourd’hui, le gouvernement Charest décide unilatéralement des modalités d’organisation des syndicats dans les hôpitaux. Les tribunaux interviennent pour interdire ou limiter le droit de piquetage des syndicats. Toutes ces mesures sont inacceptables, et l’ensemble du mouvement syndical on doit y résister solidairement.

III. Défendre l’indépendance de classe face aux politiques d’intégration du patronat et de l’État

Le but du patronat et des gouvernements est de transformer l’organisation syndicale en instrument de gestion et en une courroie de transmission pour la domestication du mouvement du travail. La concertation (le " partenariat ") sociale, derrière laquelle il n’y a aucun rapport de force réel, n’est pas une véritable négociation. Elle part de la prémisse qu’il existe des intérêts communs fondamentaux au patronat et aux travailleurs et travailleuses et que les différends sont dûs à des difficultés de communication ou à un manque de partage de problématiques communes.

La concertation sociale vécue au Québec a conduit les organisations syndicales à diminuer leur vigilance et à miner leurs capacités de résister aux manœuvres patronales. Il faut en finir avec la stratégie de participation obligatoire à ces forums de concertation sociale. Il faut refuser la participation à des sommets économiques où sont négociés des compromis et des reculs sans que l’ensemble des travailleurs et des travailleuses aient leur mot à dire. Il faut construire nos propres lieux de débats pour élaborer nos orientations stratégiques à partir de nos propres intérêts.

Le développement du syndicalisme investisseur n’est qu’un autre volet de cette même stratégie patronale d’intégration du mouvement syndical. Il a amené les directions syndicales à introduire une éducation qui encourage les syndiqués et les syndiquées à s’identifier aux intérêts des patrons. Il porte le danger réel d’un conflit entre la défense des intérêts des membres et la défense de la rentabilité des investissements. Il faut rouvrir un débat large sur les fonds d’investissement syndicaux.

IV. Promouvoir l’action politique autonome du mouvement syndical

Une stratégie d’indépendance de classe ne peut faire abstraction d’initiatives pour assurer l’indépendance du mouvement syndical sur le terrain proprement politique. Tant que le mouvement syndical, par ses directions, restera attaché à des partis politiques qui ont défendu et qui continuent à défendre des politiques pro-patronales - et cela inclut le Parti québécois — le mouvement syndical définira son action dans le cadre défensif et peu efficace d’une politique de pression sur les gouvernements ou les politiciens amis.

Le refus de soutien à un parti bourgeois est un pas important vers l’indépendance de classe. Mais il faut encore une alternative positive. Le mouvement syndical doit participer à la construction d’un parti dévoué à défendre les intérêts des travailleurs et des travailleuses. Sans cela une résistance efficace au néo-libéralisme et à la " mondialisation " capitaliste ne sera pas possible.

V. Promouvoir la solidarité internationale et la lutte pour la paix

Il faut que le mouvement syndical participe pleinement et activement à l’élaboration et à la réalisation d’une stratégie populaire de résistance à la " mondialisation " capitaliste. Autrement, il risque d’être entraîné par la logique patronale de la compétitivité, qui signifie une course " vers le bas " pour les travailleurs et les travailleuses.

Plus généralement, l’indépendance de classe nécessite que les syndicats se prononcent sur tous les grands enjeux du monde contemporain, des luttes des peuples du tiers-monde jusqu’au refus des interventions militaires des puissances occidentales. Un mouvement syndical ne peut laisser aux seuls partis politiques ces questions essentielles car elles participent de la mobilisation et de la politisation de ses membres dans la lutte pour la justice globale.

Pour nous contacter : reseauig@hotmail.com