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Entrevue d’Henri Massé à La Voie du peuple (mai 2004), journal du PCQ

" Une grève générale illimitée, ce serait suicidaire. "

mercredi 12 mai 2004, par Marc Bonhomme

" Une grève générale illimitée, je n’y pense pas. [] se (sic) serait suicidaire. " de dire d’entrée de jeu le président de la FTQ interviewé dans le numéro de mai du PCQ. Le ton est donné. Le reste est à l’avenant. Pourquoi serait-elle impossible ? " Nous sommes en Amérique du Nord, pas en Europe, où le droit de grève est permis en tout temps. Ici c’est entreprise par entreprise où on a (sic) pas le droit de sortir en grève pendant la durée de cette signature [de la convention collective]. " Ce sera donc le respect sacro-saint de la légalité.

On se demande alors comment même une grève générale limitée serait possible. " il y a des secteurs d’activités, autant dans le privé que dans le public, qu’on ne peut paralyser lors d’une grève générale. " La grève générale, en plus d’être limitée à 24 ou 48 heures et d’être légale, ne serait donc pas générale. Impliquerait-elle au moins l’ensemble des centrales syndicales ? " Si jamais nous voulons déclencher une grève générale tous ensemble, c’est tant mieux. Mais nous ne voulons pas être liés à la condition de former un Front Commun. " Que reste-il alors de la grève générale ?

Le président de la FTQ est-il même d’accord avec l’idée d’une grève générale ? " À la FTQ, nous ne sommes par certain (sic) qu’il va y avoir une grève générale. Nous déclencherons une grève générale si ce gouvernement [] nous arrive avec d’autres lois qui seront dommageables pour le mouvement syndical. " Il n’est donc pas question de mobiliser sérieusement pour obtenir le rappel des lois scélérates. C’était pourtant la demande prioritaire de la grande manifestation du premier mai !

Quelle est alors la stratégie ? " Puis si [le gouvernement Charest] comprend le bon sens, nous composerons avec " Car le président de la FTQ " pense que le patronat, en général, n’est pas plus à l’aise avec la remise en question du partenariat. [] J’ose espérer que [le gouvernement Charest] va changer de voie et d’attitude. " Pour combattre la facilitation de la sous-traitance, la FTQ compte sur le " Pacte de la solidarité syndical " voté au Conseil général de février dernier dont la solidarité lors du conflit de Vidéotron est un modèle. On est en effet très loin d’une grève générale, même de toute grève de solidarité.

Pourtant le président de la FTQ admet que " [c]es 15 dernières années, on ne peut pas dire qu’il y ait eu beaucoup de grandes avancées pour les travailleurs et travailleuses. Ça a stagné et le pouvoir d’achat, par exemple, a diminué. [] nous avons le plus haut taux de syndicalisation en Amérique du Nord. Mais en dehors de ça, il n’y a pas eu d’avancée sociale très importante. " En un mot, le partenariat a causé des reculs mais il faudrait y revenir. Comprenne qui pourra. En tout cas, les patrons devraient comprendre. En effet.

Mais peut-être ont-ils trop bien compris. Maintenant que le président de la FTQ a assimilé leur vision du monde, ils peuvent demander le gros lot au nom de la compétitivité. " Nous nous sommes donnés un Fonds de solidarité, car les questions de productivité nous interpellent. [] On a un taux de chômage qui est proche des 9%, alors il faut un climat propice afin d’attirer les investissements de l’extérieur. " Le président de la FTQ peut toujours espérer que meilleure compétitivité veuille dire aussi meilleure systèmes d’éducation et de santé, le patronat comprend que ça veut d’abord dire des coûts salariaux compétitifs il l’admet d’ailleurs lui-même. Quant à la meilleure éducation ou santé, ce sera seulement pour les heureux élus de la " sélection naturelle " à leurs frais et dans des institutions (semi-)privatisées.

Merci de votre franchise, M. Massé. On sait à quoi s’en tenir.

Plutôt préparer la grève générale

L’UFP pense plutôt qu’il faudra une grève générale et qu’il est grandement temps de commencer à la préparer. Pour le congrès de la fin mai,


l’UFP-Outaouais proposera de préciser davantage :

1. Que l’UFP boycotte les forums du gouvernement Charest et intervienne publiquement pour expliquer le pourquoi de ce boycott et appeler à mobiliser pour les manifestations à l’extérieur des forums.
2. L’UFP propose au mouvement syndical et populaire, auquel il participe pleinement :
de soutenir la grève générale intersyndicale de 24 heures,
 de préparer une grève générale illimitée publique-privée tous et toutes ensemble,
 d’organiser des comités fédérés pour la grève générale sur la base des lieux de travail, des d’étude et des quartiers.
3. L’UFP propose au mouvement syndical et populaire, auquel il participe pleinement :
d’avoir comme revendication globale :

 un réinvestissement massif et immédiat de 10 milliards $ dans les services publics et les programmes sociaux
 d’avoir comme revendications sectorielles principales :
 un salaire minimum de 10 $ l’heure indexé au coût de la vie
 un barème plancher selon le seuil de faible revenu de Statistique Canada
 la construction de 8 000 logements sociaux, dont le loyer est le quart du revenu brut du ménage, par année
 en cas de sous-traitance, le transfert intégral de la convention collective ou des conditions initiales de salaire et de travail
 la liberté de choisir son syndicat y compris pour les travailleuses et travailleurs autonomes relevant d’un même payeur
 dans la perspective de la gratuité scolaire, le maintien de la gratuité au niveau collégial, du gel des frais universitaires et du système d’aide financière tel qu’il était avant le budget Séguin.


Au lieu de participer aux forums nationaux du PLQ prévus pour cet automne, ne serait-il pas plutôt pertinent d’organiser des contre-forums, sorte d’États Généraux du mouvement social incluant toutes les forces progressistes et de gauche sans aucune exception. Ce pourrait être le lieu d’amener des alternatives, dont celle de l’UFP, et préparer une grève générale reconductible publique-privée toutes et tous ensemble. Ces États Généraux du mouvement social pourraient être préparés par des forums régionaux autonomes dans chacune des régions.

Marc Bonhomme, 8 mai 2004