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Pierre Dubuc nous invite à rallier le PQ pour y construire une tendance

Il faut répondre : pas question !

dimanche 9 novembre 2003, par Bernard Rioux

Pierre Dubuc a un faible pour le PQ. Il rêve. Il nous promet que le PQ devra opérer un « virage à 180 degrés et revenir la grande coalition qu’il était dans les années 1970 ». Il ne nous dit pas si ce virage va être une manœuvre de récupération. Il ne se rappelle pas que cette vaste coalition s’est construite dans les années 70 sur les débris du projet de parti autonome des travailleuses et des travailleurs. Et il oublie la suite. Ils oublient l’offensive de 82 contre les travailleuses et les travailleurs du secteur public. Il oublie le ralliement au libre-échange. Il oublie les politiques néolibérales. Il oublie le refus de ce parti de lier les revendications sociales et les revendications nationales. Il oublie les salamalecs aux gouvernements de Washington. Il oublie les illusions semées sur le caractère démocratique des dirigeants canadiens. Il oublie, en somme la nature de classe de ce parti. C’est de l’amnésie politique. Il refuse ses devoirs de mémoire. Il propose nous orienter sur de vieilles pistes, où l’on s’est trop souvent perdu.

Pour Pierre Dubuc, l’UFP serait condamné à l’insignifiance politique. Mais devenir la mouche du coche de l’opposition péquiste, cela ne réduirait-elle pas la gauche à devenir insignifiante. Le réalisme pressé de Pierre Dubuc n’est vraiment pas raisonnable. L’UFP représente le refus de compter sur des partis qui n’appartiennent pas aux classes ouvrière et populaires. Si l’histoire des 30 dernières années n’a pas été vécu en vain, il faut bien tirer un bilan tout à fait négatif pour une certaine gauche qui s’est accrochée à la locomotive péquiste. Cela l’a conduit dans les pires impasses. Et on nous propose de recommencer. L’UFP a la force de ceux et celles qui savent dire non aux raccourcis trompeurs. L’UFP doit avoir la force du coureur de fond, qui ne renonce pas au premier souffle court. L’UFP représente, pour une première fois dans l’histoire du Québec, une gauche qui commence à se construire comme une alternative visible en quête d’une crédibilité qui est à portée de main. Un premier pas seulement a été franchi. Mais est-ce que la jeunesse et la faiblesse d’un projet naissant doit être une condamnation à mort ? En aucune façon.

Et pourquoi faudrait-il abandonner après quelques mois d’efforts seulement à construire l’UFP ? Parce que le Parti libéral du Québec ne procéderait pas à une réforme du scrutin ? Le PQ serait profondément divisé sur cette question. Voilà un parti qui manque singulièrement de réflexe démocratique les plus élémentaire. Mais qu’est-ce qui motive cette invitation à renoncer à construire un parti progressiste complètement autonome du PQ ? Le nouveau chef du PQ propose la tenue d’un référendum sur la souveraineté l’année suivant la prise du pouvoir. Allez , la messe est dite. D’autonomie des classes ouvrière et populaires, il ne saurait être question. Un nouveau référendum, promis par le PQ devrait pousser les progressistes à rejoindre la grande coalition péquiste qui va, affirme-t-on balayer l’ensemble du spectre politique. Cette grande coalition des illusions déçues, cette grande coalition qui devait misérablement s’effondrer en 85 puis l’an passé... s’est à chaque fois effondrée sur la trahison des intérêts populaires. Pourquoi ? Parce que ce parti a utilisé la question nationale pour asseoir sa popularité, il a manipulé les sentiments souverainistes pour développer l’attentisme, il s’est fait le héraut du libre-échange et du déficit zéro, de la déréglementation ... Chaque geste de nature « progressiste » était une parade pré-électorale.

Le débat social va peut être prendre une coloration nationale. Ce serait guère étonnant. Mais, si on veut lier luttes sociales et luttes nationales, luttes contre le néolibéralisme et lutte pour l’indépendance, il faut qu’il existe sur le terrain des luttes sociales et sur le terrain de la lutte électorale autre chose que le PQ, qui nous promet les mêmes vieux scénarios, les mêmes tromperies, les mêmes diktats aux militants et militantes.

La pire position pour la gauche serait de s’enferrer dans la lutte pour la construction d’une aile gauche du PQ. On nous propose d’entrer dans un parti dont la direction n’a pas hésité à bafouer les débats et à ignorer les décisions de ses congrès - le suffrage proportionnel n’est-il pas dans le programme du PQ depuis longtemps, et ce n’est là qu’une exemple parmi des dizaines d’autres. On nous propose le réalisme des victoires inutiles et des vains combats à recommencer sans fin.

Que des membres dirigeants du PQ se montrent ouvert à l’idée de l’organisation de tendances, il ne faut pas s’en étonner. Cette démarche récupératrice vise en empêcher l’organisation autonome d’un parti dévoué essentiellement à la défense des intérêts ouvriers et populaires. D’ailleurs seul un tel parti, voudra mener la lutte pour l’indépendance jusqu’au bout. Il faudra bien que nous explique pourquoi le PQ ne retrouve sa flamme souverainiste qu’une fois qu’il est dans l’opposition.

Beaucoup sous-estime le caractère subversif de la lutte indépendantiste dont la logique remet en question l’État canadien lui-même. Est-ce pourquoi Landry s’est empressé de se porter au secours du petit gars de Shawinigan lorsque l’hypothèse du recours à l’armée a été soulevé. Il fallait rassurer les troupes sur « le caractère démocratique des dirigeants canadiens ». La lutte de libération nationale et la lutte pour une société égalitaire, la nécessité de la construction d’une gauche véritablement sociale et politique ne peut se payer le luxe de naïvetés intéressées à la Landry et d’un pragmatisme impressionniste à la Dubuc. Dans ce combat, il n’y a pas de raccourci.

À cet appel de ralliement au PQ, nous répondons NON !