C’est porté par un sentiment de réussite éclatante que les militantes et militants qui ont participé au plan G mettaient fin lundi vers 15h30 à l’action de blocage du complexe G à Québec. Des cris de victoires, des pleurs, des danses, une manifestation improvisée vers la Basse-Ville de Québec, l’ambiance était invraisemblable. Après plus de huit heures de piquetages aux principaux accès, sous le regard des forces de l’ordre plus présente que jamais, ainsi que la présence de milliers de fonctionnaires, ajouter à cette ambiance un manifestation qui a fait le tour du G une vingtaines de fois, sois une dizaine de kilomètres, le tout paraissait presque trop parfait aux dires de certains participants et participantes. Il faut dire que nous avons perdu l’habitudes de ce type d’action où la solidarité est à son maximum, dans une période de recul des luttes et de politiques néolibérales. De plus, le plan G avait était accueilli avec scepticisme par les différents milieux militants, y compris par l’auteur de cet article.
Le soleil se lève sur Québec, le pan G est déjà en place
L’aurore commençait à se pointer sur la Haute-ville de Québec quand apparurent de partout plus de trois cents militantes et militants de l’action de désobéissance civile. À six heure quarante-cinq, soit quelques minutes plus tard, le G était déjà bloqué. À ce moment, la manifestation d’appuie commence à ce former. Rapidement de quelque dizaines, elle atteint la centaine. Sont but : supporter les trois cents personnes de la vigiles et constituer un écran psychologique entre le blocage et l’extérieur. Au Q.G ., nom symbolique donné au lieu où était réuni le comité extérieur de l’action, l’avocat était prêt, les responsables des liens avec les médias et les groupes d’appuies aussi. Au levé du soleil tous et toutes étaient déjà en place depuis plus de quarante-cinq minutes. Aucune intervention policière pour le moment, aucun accrochage avec les gens de l’extérieur.
La manif commence son premier tour. Le comité d’animation de la manif présente les groupes d’affinités qui bloquent les accès dès que nous somme devant eux. L ‘ambiance est survoltée, les slogans de solidarité encouragent nos camarades qui visiblement maintiennent la vigilance au maximum. Ils sont quinze groupes qui ont pris part à la formation de désobéissance civile de plus de quatre heures organisée un peu partout au Québec. Les premiers que nous rencontrons, sur la rue Tachereault sont de McGill et Concordia. Suivront, sur Saint-Amable, la Coalition Y, le groupe De la bouffe pas des bombes ainsi que des individus ne formant pas un groupe spécifique. À l’autre coin de rue, sur De La Chevrottière, les étudiantes et étudiantes des Cégep de Mainsonneuve, Saint-Laurent, Jonquière et Limoilou, suivi de la JOC (Jenesse ouvrière chrétienne, l’ADDS-QM (Association de défense des droit sociaux de Québec-métro), des groupes communautaires de la Pointe-Saint-Charles. Les accès du Boulevard René-Lévesque sont gardés par les étudiant-e-s de Joliette, Sherbrooke, du Vieux-Montréal et finalement, de retour sur Tachereault l’université de Montréal, des groupes de Femmes, le Canevas des étudiantes et étudiants de l’UQAM.
Les fonctionnaires semblent mitigés
C’est vers huit heures que les fonctionnaires commencent à arriver au parc de la Fancophonie, en face du Complexe G. Heureusement, plusieurs militantes et militants de diverses organisations de la région de Québec ont compris que cette heure serait un moment fort de l’action. En effet, depuis environ sept heures trente, les rangs de la manifestation grandissent sans cesse. Vers huit heures trente, la manif conte plus de 500 personnes. Les organisateurs et organisatrices décident de faire une pose devant les fonctionnaires faisant ainsi un écran psychologique entre les dizaines de militante-e-s bloquant les deux accès de ce côté et les milliers de fonctionnaires. De plus, des membres du comité de soutien de la manif font une distributions massive au fonctionnaires d’un « Tract » expliquant les revendications de l’action. Sans se lacer, les manifestants les invitent à se joindre à eux en expliquant que nos revendications sont aussi les leurs. Plusieurs semblent incertains, joindre la manif ou attendre l’ordre de rentrer chez eux. Finalement, vers neuf heures, ils reçoivent la permission de quitter et de se présenter à une heures trente au même endroit.
Une première victoire
Un cri de victoire fait rapidement le tour du Complexe G. De plus, des dizaines de fonctionnaires se sont joint à la manifestation et ce, au moment ou les autobus des régions, parties a six heures du matin, commencent à arriver en renfort. Treize autobus arriverons entre neuf heures et midi. La majorité, sept viennent de montréal, mais il viennent aussi de Sherbrooke, Joliette, Trois-Rivière, Hull, du Bas du Fleuve et deux de Jonquière. Une dizaine de membres du syndicat de l’Alcan arrivent des autobus de Jonquières. Le plan G est maintenant composé de la majorité des secteurs de la société : jeunes, femmes, étudiant-e-s, assisté-e-s social-e-s, chômeurs et chômeuses, groupes populaires, syndiqué-e-s du secteur public et privé. A chaque tour la manifestation aborde l’une des six revendications du plan G :
A) Un revenu décent garanti sans discrimination pour toute personne, avec ou sans travail. (contre le travail forcé, le cheap labour et les « parcours » vers la précarité)
B) Pour l’augmentation du salaire minimum au dessus du seuil de pauvreté. (Contre le travail à abais)
C) Pour la réduction du temps de travail sans perte de revenu, notamment par la réduction progressive de la semaine de travail à 32 heures. (Contre le chômage et le sous-emploi)
D) Pour des services sociaux, de santé et d’éducation gratuits, accessibles, universels et de qualité. (Contre les coupures à répétition, la médecine de guerre et l’éducation élitiste)
E) Pour le contrôle démocratique et communautaire des équipements collectifs, de services publics et de l’environnement. (Contre la privatisation des ressources naturelles et la dilapidation du patrimoine collectif à des fins commerciales)
F) Pour une économie mondiale et des relations internationales fondées sur l’échange équitable et la solidarité. (Contre la compétition mondiale, la dictature du capital multinational et le libre-échange néolibéral)
Les groupes d’affinités prennent la parole pour expliquer leurs revendications. La solidarité semble être à son plus haut degré et ce, malgré la fatigue, plusieurs n’ont pas dormis de la nuit dans l’attente de cette journée mémorable. Dans la manifestation, un roulement se fait, plusieurs vont faire une petite pause d’une demi-heure, mais ils sont aussitôt remplacé par d’autres qui arrivent des autobus ou de la région. Tous et toutes savons que le prochains moment crucial sera vers treize heures lors du retour des fonctionnaires.
Surprise, vers onze heures, les « flics » jouent à la provocation. En effet, derrière le manège militaire, lieux de l’arrivé de nos autobus, un groupe d’intervention se met sur pied composé d’une dizaine de motos, de paniers à salades, d’une ambulance, etc. Vont-ils chercher à intervenir dans cette période d’accalmie ? Rien n’est claire. Mais pourquoi le feraient-ils maintenant alors qu’ils n’ont rien faient à sept heures ? La tension monte d’un cran. Finalement rien ne se passent et ils nous ont permis de resserrer les rangs dans un moment de fatigue.
Jusqu’à la victoire final
À treize heures, tous et toute sommes prêts pour le dernier face à face. Tout est fait pour transformer se face à face en une manifestation conjointe. Mais, malheureusement, ce moment ne se produira pas. Vers quatorze heures les fonctionnaires reçoivent l’avis de quitté les lieux. C’est le cris de la victoire final. Les militantes et militants qui ont bloqués les accès se sautent dans les bras des larmes de joie coulent, la danse commence partout. Vers quatorze heures trente, la manif fera sont dernier tour, environ son vingtième de la journée et son dixième kilomètre. À ce moment, chaque groupe d’affinité ce joint à elle dès son passage. La fin approche, personne ne veut vraiment se quitter, la solidarité de cette journée à été trop forte, trop intense. Comment terminer cette journée en beauté ?
La réponse arrive rapidement. Les groupes d’affinités, ceux qui ont fait le blocage, doivent aller chercher leurs bagages à l’église Jacques-Cartier, dans la Basse-Ville de Québec. Tous et toutes décident de descendre en manifestant jusqu’en Basse-Ville. En fait, nous devons être environs mille manifestants, les trois cents des groupes d’affinités plus environs sept cents de la manifestations d’appuie. La manif emprunte le boulevard Réné-Levesque pour tourner par la suite sur Dufferin. Arrivé au coin Dufferin et d’Abraham, les manifestants décident de s’assoir dans la rue. Une personne prend la parole pour d’énoncer les injustices que subissent nos camarades de partout dans le monde. Une minute de silence, poings gauches en l’aire, est prise pour souligner les morts qu’ont produit les systèmes néolibéraux de par le monde. Arrivée en Basse-Ville, la manifestation prend fin, ainsi que cette journée mémorable.
Cette journée restera présente dans le coeur de plus d’un millier de personnes qui y ont participés. Elle a marqué l’importance de la solidarité des différents secteurs de la société et ce, non uniquement en parole, mais aussi par une action commune qui cimente des acquis militants comme seule une action de cette portée peut le faire.
Préparons les lendemains
Le plan G fut une réussite. Mais n’oublions surtout pas que par le passé ils y a eux des actions importantes et de masses qui furent des réussites mais restèrent sans lendemain. Nous n’avons qu’à penser à la marche des femmes contre la pauvreté qui fut sans nul doute la plus grande action de cette décénie mais qui, malheureusement, n’a pas servi à impulser un regain important aux luttes des femmes par la suite. Des centaines de personnes vont retourner dans leurs groupes respectifs, reprendre avec le localiste, il y a là un danger réel.
Il faut que nous trouvions des espaces nous permettant de solidifier cette solidarité que nous avons construite lors de ce 3 novembre 1997. Il faut dès maintenant continuer la lutte pour la victoire contre les politiques néolibérales du Parti québécois. Le plan G fut une victoire de la solidarité agissante, mais aucune victoire sur des revendications immédiates et c’était prévissible. L’urgence de la situation ne nous permet pas de nous contenter seulement de victoire de la solidarité agissante. Nous devons avoir des victoires partielles, sur des revendications immédiates qui touchent directement la population comme sur la santé, l’aide social, l’éducation, etc. Seules ces victoires combinées avec des actions militantes de masse pourront démontrer à la population qu’il est possible de faire reculer les gouvernements dans leurs politiques néolibérales.
En 1998, des élections auront probablement lieu au Québec. Encore une fois et surtout malheureusement, une partie des militantes et militants voteront pour le P.Q. ou n’iront pas voté. La lutte contre les politique néolibérales est une lutte politique. C’est une lutte qui doit se mener sur tout les terrains y compris lors des élections. Pour être crédible pour l’ensemble de la population nous devons offrir une alternative politique lors des élections.
De puis quelques années des militantes et militantes de différents secteurs populaires, syndicales, femmes, jeunes, etc. travaillent à construire un parti agissant dans nos luttes, un parti qui est le reflet de nos luttes, un parti sous le contrôle des gens en lutte, un parti qui pose la question du pouvoir. Ce parti qu’ils s’efforcent de construire c’est le Parti de la démocratie socialiste (PDS). Le PDS a appuyer le plan G et ce, non seulement par la décision de son exécutif national, mais aussi par la participation de plusieurs de ses membres dans l’organisation du plan G.
Contrairement à l’adage anarchiste, les élections ne sont pas un piège à con, mais un lieu où nous devons poser la question du pouvoir. Le pouvoir aux classes ouvrière et populaire ou à la bourgeoisie ? À nous de décider.