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Libre-échangisme et néocolonialisme

Entretien avec Hector de La Cueva, membre du comité de coordination de l’Alliance sociale continentale.

dimanche 18 janvier 2004

 Dix ans après l’entrée en vigueur de l’Accord de libre-échange nord-américain, quels ont été ses effets sur la situation au Mexique ?

Hector de La Clueva- Le résultat de l’Alena est exactement inverse à ce qui était annoncé par les gouvernements. En matière d’emploi, la situation s’est dégradée avec un niveau proportionnellement plus bas aujourd’hui qu’il y a dix ans. Les rares emplois qui se sont créés sont précaires, avec des conditions de travail très difficiles. Ils se situent principalement dans les maquiladoras et le secteur informel. En matière de salaires, il y a eu une diminution de 27 % du salaire réel moyen depuis 1994. A la campagne, c’est un véritable désastre social. Les revenus des paysans mexicains se sont effondrés. Ne bénéficiant d’aucun soutien de la part de l’Etat, ils ont dû affronter la concurrence de grandes fermes étatsuniennes fortement subventionnées.

 Comment peut-on décrire la mécanique de ce type d’accords commerciaux ?

H. de La Clueva- Il s’agit d’une véritable Constitution économique qui prive les Etats d’une partie de leur souveraineté en leur interdisant d’intervenir en faveur de tel ou tel secteur social. Rien ne doit perturber la concurrence, fut-elle entre un petit paysan du Chiapas et une multinationale. L’Alena est un monument à l’inégalité. Il ne donne aucune protection au plus faible. Au contraire, il l’expose à la pression de la compétitivité des plus forts.

 Quelles stratégies les mouvements sociaux mobilisent-ils face aux nouvelles menaces que constituent le plan Puebla-Panama et l’Accord de libre-échange des Amériques (Alca) ?

H. de La Clueva- Un processus de résistance internationale se développe. L’Alena a conduit au renforcement des relations avec les forces sociales mobilisées aux Etats-Unis et au Canada. Face au plan Puebla Panama, qui vise à libérer de toute contrainte les investissements dans les régions les plus pauvres d’Amérique centrale, des liens se nouent entre des organisations d’indigènes, de paysans et des ONG des pays concernés. Ces projets, auxquels il faudrait ajouter en matière militaire le plan Colombie, sont des pièces qui visent à assurer l’hégémonie de l’impérialisme étatsuniens. Avec l’Alca, il s’agit d’imposer une Constitution économique à l’échelle hémisphérique. L’Alliance sociale continentale s’est constituée pour répondre à cette menace. En 2002-2003, elle a pris l’initiative d’une consultation populaire au cours de laquelle dix millions de Brésiliens, deux millions d’Argentins et deux millions de Mexicains ont exprimé leur refus. La troisième rencontre hémisphérique contre l’Alca va avoir lieu à La Havane à la fin du mois de janvier, pour préparer une année décisive. Le calendrier officiel prévoit en effet une conclusion des négociations fin 2004 et une entrée en vigueur de l’accord en 2005.

Propos recueillis par C. P.

Rouge 2046 08/01/2004