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Québec, les partis politiques

Une nouvelle donne !

mercredi 30 janvier 2002, par Bernard Rioux

Séisme politique, fin du bipartisme, effondrement du vote libéral, ébranlement du leadership de Landry ou de Charest, apparition d’un nouveau parti politique unifié de la gauche S Les sondages l’avaient annoncé ; les élections partielles l’ont confirmé, la scène politique québécoise est en train de connaître des bouleversements importants.

Au début mai, le sondage SOM-La Presse-Le Soleil accordait 31% des intentions de vote à l’ADQ (35,6% chez les francophones) soit une avance de 8 points sur le PLQ et de dix points sur le PQ. Le 25 mai un nouveau sondage SOM - La Presse - Le Soleil accordait 36% des intentions de vote à l’ADQ contre 28,9% au PLQ et 24,7% au PQ. Aux élections partielles, l’ADQ raflait trois comtés sur quatre et obtenait près de 50% des suffrages exprimés.

Le PQ, de la crise stratégique à la crise d’orientationS

Début mai, le moral est au plus bas à la direction du Parti québécois. La panique s’installe dans la députation péquiste à la lecture des sondages précités. Landry évoque son improbable réélection. Des rumeurs de démission circulent. Depuis la courte défaite référendaire, la direction péquiste a été tout à fait incapable de proposer une quelconque ligne qui permettrait de relancer la lutte pour la souveraineté et l’éventuelle tenue d’un référendum. Le PQ n’a pas d’échéancier, il n’a pas de plan pour convaincre sa base électorale traditionnelle que sa réélection est nécessaire à la marche vers la souveraineté du Québec.

Les propositions de Jean-François Lizée sur souveraineté acquise à la pièce, la tenue de référendums pour rapatrier des pouvoirs supplémentaires - sont réexaminées. On soulève l’hypothèse d’un référendum sur le rapatriement de points d’impôt. D’anciens dirigeants péquistes comme Claude Charron appelle le PQ à prendre acte des défaites référendaires et de remettre en question l’article 1 du programme. Des intellectuels péquistes l’invitent à se ranger sur la défense d’un fédéralisme multinational et asymétrique et à reconstruire une nouvelle
alliance avec l’ADQ sur cette base.

Alors que l’option souverainiste conserve 42% d’appui populaire (58% chez les francophones), le PQ fait la preuve qu’il est en panne stratégique. Il s’attache à cet objectif comme à une bouée de sauvetage mais n’est plus capable de présenter une voie crédible de la façon dont il espère y parvenir.

Sur le plan social, la situation n’est guère meilleure. Après son offensive contre les services publics au nom du déficit zéro et s’être présenté comme le champion du libre-échange, il n’est guère étonnant que ce gouvernement ait été identifié comme néolibéral hostile aux classes travailleuses et aux classes populaires.

Avec les élections dans Mercier, le PQ a cru nécessaire de se donner une image de parti "social-démocrate" pour contrer la montée d’un nouveau parti de gauche et pour récupérer le "courant progressiste" qui pouvait lui échapper. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre la présentation du projet de loi contre la pauvreté, la mise sur pied de l’Observatoire sur la mondialisationS Mais il n’aura fallu que trois défaites dans les élections partielles, pour voir ce supposé "tournant à gauche" remis en question au sein même du Conseil des ministres.

Boisclair a affirmé qui le PQ devait se resituer au centre de l’échiquier politique. Joseph Facal n’a pas hésité à dénoncer le caractère dépassé du programme péquiste, à rejeter le "virage à gauche" entrepris par le PQ comme du "misérabilisme" et à questionner (à mots à peine voilés) les rapports que le gouvernement péquiste entretient avec les directions syndicales. Il a remis en question le modèle de gestion des classes subalternes mise en place depuis des décennies déjà et qui a survécu à différents gouvernements. Le rappel à l’ordre de Landry n’empêchera pas que ces débats rebondissent d’autant qu’un forum est prévu dès l’automne pour discuter de différents enjeux de fonds. De droite et de gauche du PQ, c’est le cas de le dire, les propositions contradictoires fusent et la direction péquiste donne vraiment l’impression de ne pas savoir où donner de la tête et d’ignorer quelles rénovations il lui faudra apporter à son programme dans l’espoir de sauver sa barque du naufrage.

Le PLQ, l’ombre du grand frère d’Ottawa

Charest était tellement sûr de succéder à Landry qu’il s’était installé dans l’attente d’une alternance probable. Il ne lui a pas semblé nécessaire de présenter une alternative cohérente. C’était maintenant le tour de PLQ de prendre le pouvoir.

Mais c’était se bercer d’illusions. Les sondages sont clairs. Chez les francophones 1 personne sur 5 appuie le PLQ. Plus que jamais, les seules forteresses du PLQ au niveau électoral se concentrent dans les comtés anglophones.

Si le PQ est en crise stratégique, le PLQ l’est tout autant. Avec Jean Chrétien à Ottawa, la réforme du fédéralisme n’a aucune crédibilité. Jean Chrétien n’a rien fait d’autre que de chercher à remettre le Québec à sa place et de réaffirmer la domination fédérale : refus de reconnaître le Québec comme nation, loi C-20 sur la non-reconnaissance d’un référendum sur la souveraineté, envahissement des compétences québécoises (bourse du millénaire, politiques des jeunes contrevenants), négation du déséquilibre fiscals.

On se rappellera qu’à quelques jours de la campagne électorale de 1998 au Québec, Jean Chrétien réaffirmait son refus de toute réforme du fédéralisme convaincu que toute décentralisation signifierait la fin du gouvernement "national" canadien. Face à l’impossibilité de réformer le fédéralisme et de faire des propositions pour ce faire, le PLQ s’est enfermé dans le silence, dans la passivité totale.

Aujourd’hui le PLQ apparaît comme le véhicule d’un fédéralisme impuissant, qui a accepté la soumission totale du Québec à l’État fédéral. Il n’a même pas la volonté de faire des propositions porteuses d’une amélioration concrète de la place du Québec dans la fédération canadienne. Comment s’étonner, dès lors, que les péquistes en rupture s’orientent d’abord vers l’ADQ qui réussit à se présenter comme autonomiste et comme n’ayant aucun compte à rendre au grand frère d’Ottawa.

Ce dernier, d’ailleurs ne s’est pas gêné pour remettre en question le leadership de Charest alors que des élections s’approchent. Sur le plan social, le PLQ après les mésaventures de la dernière campagne électorale où sa remise en question du modèle québécois l’avait amené à être identifié à Mike Harris avait recentré son discours en adoptant l’indexation des prestations d ’aide sociale et l’instauration d’un barème plancher. Aujourd’hui, il envisage un nouveau réalignement à droite et il promet de remettre en question le contenu des conventions collectives ainsi que la réorganisation du travail dans le secteur de la santé. Cela ne fera que consolider son image et sa réalité de parti élitiste d’abord lié au milieu des affaires.

Bref, le PLQ, également, navigue à vue de nez et ce n’est pas sa promesse de lutter contre le déséquilibre fiscal qui va lui enlever sa marque de commerce de parti fédéraliste inconditionnel incapable de défendre avant tout à l’écoute des besoins des entreprises.

La montée de l’Alliance démocratique du QuébecS

Tant que Mario Dumont pilotait un parti dont il était à la fois le chef et le seul député et que ses espoirs de dépasser cette situation restaient mince, l’ADQ commençait à s’inscrire dans le folklore de la politique québécoise. Mais déjà, pour le référendum de 95, le gouvernement péquiste avait popularisé le personnage en l’invitant à participer au camp du OUI. En l’associant aux débats des chefs aux élections de 98, Bouchard moussait la popularité de ce parti (et de son chef), afin qu’il puisse rafler l’ensemble des votes de protestation qui revenaient auparavant à une nébuleuses de petites organisations de la gauche.

La crise stratégique du Parti québécois devenant patente tout comme celle d’ailleurs du Parti libéral du Québec, l’ADQ a commencé à apparaître, particulièrement dans certaines couches sociales, comme la seule alternative possible, à des partis en crise. Cette montée s’est d’abord faite chez les francophones des couches moyennes.

Pour pouvoir profiter de la crise des autres partis, l’ADQ fait l’impasse sur la question nationale. Sa stratégie est claire. Reportons la résolution de la question nationale ( qu’on ne peut résoudre maintenant de toute façon) à plus tard. Cette orientation peut être attirante et compréhensible lorsque des stratégies gagnantes ne sont pas présentées. De plus, jouer la carte du nationalisme pragmatique, même lorsque cela s’avère sans conséquence peut s’avérer tout de même payant.

Sur le plan social, le programme adéquiste s’inscrit dans la reprise du modèle néolibéral (diminution des dépenses sociales, rapetissement du rôle de l’État, privatisation, volonté de marginalisation du mouvement syndical). Alors que le PQ ne sait plus quelle carte jouer, dont le discours "social-démocrate" a souvent été lié d’une pratique néolibérale, l’ADQ a beau jeu pour prétendre parler vrai face à des politiciens dont les discours ont des odeurs de racolage. L’ADQ se nourrit de la crise du PQ et du PLQ et son projet constitue un immense détournement des volontés de changement dans la société québécoise. Cette dernière ne doit pas limiter cette volonté à l’exercice, si souvent recommencé inutilement, de se contenter de donner dans les urnes un coup pied au derrière de l’élite politique au pouvoir.

La naissance de l’UFP, le nouveau parti unifié de la gauche

La fondation de l’UFP les 15 et 16 juin dernier représente un moment important dans l’accession à l’autonomie politique des classes travailleuses et des couches populaires. La naissance de cette formation offre la possibilité que la rupture avec le PQ ne débouche plus sur un vote pour un parti bourgeois ou sur le cynisme et la démobilisation.

D’emblée, ce parti s’est défini comme un parti indépendantiste, anti-néolibéral, féministe et écologiste. Il a posé la nécessité de s’allier aux mouvements sociaux , d’être à la fois le parti des urnes et de la rue. Il se veut un parti rassembleur et démocratique dans son fonctionnement. À l’heure où la scène partidaire est particulièrement mouvante, la naissance de ce parti offre un véritable espoir de changement qui n’écarte ni la nécessité de la résolution de la question nationale ni la nécessité lutte pour une société égalitaire et démocratique.