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Conseil de l’union (15 et 16 mars 2003, Québec)

Mot de l’Exécutif

François Cyr

dimanche 16 mars 2003

Bonjour,

Au nom de l’Exécutif, nous vous souhaitons la bienvenue à cette troisième session du Conseil de l’union, le Parlement de notre parti. Nous avons hésité, à l’Exécutif, devons-nous annuler ? Compte tenu des circonstances, ne serait-ce pas plus indiqué de reporter après les élections la tenue de cette instance d’autant plus qu’aujourd’hui les membres de l’UFP sont, comme de coutume , fortement mobilisés pour participer et dans certains cas pour animer les manifestations contre la guerre ?

Sachant parfaitement que ces circonstances influeront sur la participation au Conseil de l’union, nous avons néanmoins maintenu la tenue de cette instance tout en levant la séance pour participer cet après-midi à la manifestation et ce soir aux activités d’investiture du candidat progressiste dans l’importante circonscription de Taschereau.

Nous devons prendre ensemble d’importantes décisions, nous ne pouvions surseoir.

Allons droit au but, à la question politique de l’heure, celle qui tout temps a transcendé toutes les conjonctures, celle qui par essence concentre tous les problèmes politiques : la question de la paix et de la guerre.

Malgré l’opposition massive des peuples, y compris de larges secteurs de l’opinion américaine, le superpuissance impériale poursuivra sans doute sa guerre contre la population irakienne sous prétexte de renverser le régime tyrannique de Saddam Hussein, régime qu’elle a soutenu contre l’Iran ou pour réprimer le peule kurde. Comme toutes les guerres d’agression à travers l’histoire, l’agresseur cherche à légitimer ses actes en utilisant voir en créant toutes pièces des casus belli. Dans ce cas-ci, il s’agit de repérer et détruire des armes de destruction massive sur un territoire le plus surveillé et quadrillé de la planète. Personne n’est dupe. Le triple objectif du gouvernement Bush apparaît de plus en plus clairement. Il s’agit d’une part de redessiner l’espace géopolitique de la région tout en garantissant l’approvisionnement pétrolier en servant au monde entier un avertissement : nul ne peut défier impunément la pax américana.

Mais voilà, contrairement aux guerres d’agression précédentes, celle-ci se prépare dans un contexte radicalement différent. Celui d’un monde unipolaire où les moyens de communication de masse rendent possible instantanément la circulation d’informations alimentant en puissance le mouvement d’opposition à la guerre.

Par ailleurs, contrairement aux mouvements contre la guerre en Indochine dont l’importance a marqué une génération précédente celui contre la guerre en Irak revêt d’emblée un caractère à la fois préventif et plurigénérationnel. Sa puissance est-elle qu’on peut raisonnablement penser qu’il est à la source des craquements du gouvernement Blair et des hésitations de l’administration Bush.

Le gouvernement Chrétien, pour sa part, aurait sans doute déjà capitulé n’eut été de la profondeur et de l’amplitude du mouvement pacifiste notamment au Québec.

Dans l’éventualité de la guerre et de la participation même symbolique de l’État canadien, les progressistes à l’unisson de toutes les forces de la paix au Québec devront trouver le moyen d’aller plus loin dans notre mouvement d’opposition.

Nous vous invitons à lire un éditorial du dernier numéro de l’Aut’journal où son rédacteur Pierre Dubuc qui propose quelques pistes en ce sens tout en liant notamment l’opposition à la guerre à une piste de solution à la question nationale .

Enfin, il est évident que la montée en puissance de ce mouvement, particulièrement chez les jeunes, alimente le courant altermondialiste dans ses milles variantes et composantes. D’où l’importance accrue de lier notre opposition à la guerre à celle contre la ZLÉA en proposant l’espoir qu’un autre monde, qu’un autre Québec soit possible. L’espoir, voilà le maître mot, voilà le cœur de notre plate-forme politique y compris lors de l’actuelle campagne électorale. Ce sera le thème de notre campagne si le présent conseil y adhère.

Parlons de ces élections, les dernières espérons-le à se dérouler dans le cadre de actuel mode de scrutin rejeté, nous le savons maintenant, par une majorité de la population grâce au travail notamment de coalitions comme le MDN. Mais ce serait une grave erreur de baisser les bras. Le PQ est sans doute trop divisé pour remplir sa promesse : il nous parle de référendum sur la question et d’une mise en oeuvre après la souveraineté. Tant qu’au PLQ et à l’ADQ, l’analyse de leur programme et la compréhension de leurs intérêts électoraux les conduisent au mieux à proposer un type de compensatoire de nature essentiellement cosmétique dont l’effet prévisible serait de renforcer l’influence parlementaire du second parti traditionnel.

La campagne électorale nous apporte une première bonne nouvelle, celle du tassement sérieux des intentions de vote en faveur de l’ADQ. Dépassant les 40% des intentions de vote l’été dernier, l’ADQ, ce parti encadré par un ramassis d’opportunistes au service de la droite musclée, voit ses intentions de vote à la fois fondre de moitié mais également fragilisés. En effet plus de 50 pour cent des gens qui ont l’intention de voter pour ce parti estiment pouvoir changer d’idée. Pour une bonne part, cette flambée en faveur de l’ADQ correspond à un fort sentiment protestataire. Ces votes "mal logés" à l’ADQ ne sont pas tous, loin de là, des votes de droite durcis par une perspective antisociale et antisyndicale. Ils témoignent davantage de cette crise de confiance à l’endroit du politique dans un contexte où notre pays ne dispose pas encore de ce grand parti de gauche, progressiste dans ses orientations, capable au quotidien de contribuer à une éducation politique élémentaire. L’ADQ, c’est un peu l’expression de notre retard collectif, cette lacune à faire de la politique, de l’éducation politique et de l’action politique.

Loin de nous l’idée de spéculer sur les résultats du 14 avril et ses conséquences. Une seule certitude, en raison de ce mode de scrutin pourri, le gouvernement et l’Assemblée nationale ne reflèteront pas le pluralisme politique de notre société et, à nouveau, toute la société québécoise sera victime de ce déficit démocratique. Plus que jamais, l’UFP doit alors devenir ce parti de la rue, ce parti progressiste tout terrain, avant, pendant et après les élections.

Nos objectifs pour cette campagne ? Ils sont modestes, à la mesure de notre jeunesse, de notre manque de ressources et de notre inexpérience. Ils sont modestes à la mesure de ce déficit de notoriété que nous comblons un peu chaque jour. Patiemment. Nous n’avons que neuf mois d’existence. Ne l’oublions jamais dans l’enthousiasme militant de notre campagne. Attention à la pensée magique et à ses lendemains de gueule de bois !

Notre premier objectif a été circonscrit à l’unanimité dès septembre dernier lors de la première séance notre Conseil de l’union. Nous implanter sur l’ensemble du territoire, faire connaître l’UFP et son programme provisoire, recruter de nouvelles adhésions.

Dis autrement, toute élection, particulièrement celle-ci, ne doit pas être considérée comme une fin en soit mais comme une étape dans la construction de ce grand parti progressiste, résolument à gauche, dont le Québec a un urgent besoin.

Notre second objectif : tout en présentant un grand nombre de candidats et candidates, nous devons identifier rigoureusement des circonscriptions prioritaires afin d’y canaliser, d’y concentrer le plus de ressources possibles.

Le Comité électoral et l’Exécutif sur la base des critères déjà consensuels en septembre dernier ont dégagé à l’unanimité 15 circonscriptions où nos campagnes, à divers degrés, seront mieux organisées.

Dans certaines d’entre elles, il pourrait y avoir quelques surprises si nous travaillons très forts, de façon à la fois militante et rigoureusement professionnelle. Dans l’ensemble nous visons quelque quatre-vingts candidatures.

Un autre objectif : celui de faire non seulement une autre politique mais autrement la politique.

Nous sommes très fiers à l’Exécutif du projet d’entente avec les Verts et un candidat progressiste indépendant. Tout dans l’actuelle culture politique, façonnée par la régime parlementaire de type britannique et son mode de scrutin nous éloigne d’une pratique d’alliance progressiste.

Et pourtant, malgré d’inévitables tensions ici et là avec nos ami-e-s du Parti Vert du Québec, le projet d’entente prend forme sur la base de trois principes : non-agression et collaboration dans les situations adversaires et soutien mutuel partout ailleurs. Nous pourrons lors du bilan de fin de campagne légitimement additionner les voix du PVQ et de l’UFP. Nous pourrons légitimement suite à cette expérience commune proposer à nos ami-e-s du PVQ d’aller plus loin, beaucoup plus loin, dans nos efforts communs, ayant constaté, ensemble sur le terrain, que ce qui nous unit est beaucoup plus important que ce qui nous divise.

Il y aura encore ici et là des frictions avec le PVQ. C’est normal. Il appartient aux militantes et militants les plus matures politiquement de les atténuer et de les prévenir. Et ce de part et d’autre même si certaines bavures récentes ont irrité à juste titre, plusieurs des nôtres. Dans ce cas, gardons toujours en tête le tableau d’ensemble, le résultat global pour ces élections et après.

Dans ce Conseil, malgré une gestion de temps démentielle, nous apporterons deux autres pierres à notre plate-forme politique, cet éternel chantier à la base de notre aventure commune. L’UFP, parti des urnes et de la rue ? Certes, mais aussi parti laboratoire d’idées progressistes, parti processus d’expérimentation toujours à la recherche de liens étroits avec les forces du changement social. Nous parlerons de culture et de justice. Par la force des choses, nous le ferons sommairement sachant fort bien qu’une fois paré à l’urgence nous reviendrons plus tard pour approfondir. L’heure n’est donc pas aux détails.

Nous entendrons également le rapport du Comité électoral et celui de nos relations avec le PVQ.

Pendant ce Conseil de l’union, demain à 11 heures, aura lieu un point de presse de nos portes paroles. Pierre et Molly parleront de l’UFP pour ce qu’elle est, un petit parti en croissance qui ose, avec cet espèce de calme insolent qui commence à nous caractériser, apporter une autre parole dans le cirque politicien.

Nos portes paroles témoigneront également de cette unité dans l’action dont feront preuve les progressistes dans cette campagne. L’heure des bilans viendra plus tard à Chicoutimi lors de la quatrième séance de notre Conseil après les élections.

Dans l’intervalle, chèr-es ami-e-s, chèr-es camarades, serrons-nous les coudes, travaillons comme jamais nous avons travaillé pour sortir, parler, convaincre mais aussi écouter. Nous mettre à l’écoute des aspirations des classes populaires. Pour que le soir du 14 avril, malgré le caractère modeste de nos résultats électoraux plus personne ne puisse douter que, dans le fond, l’UFP c’est une sacrée bonne idée. C’est beau ce que vous faits nous disait Monsieur Chartrand en juin dernier à notre congrès de fondation. Il avait raison je crois.

François Cyr.