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Où va le réseau collégial ?

mercredi 22 octobre 2003

Le premier budget du ministre Séguin prétend assurer les coûts de système en éducation. Or, il semble plutôt annoncer le début d’un nouveau cycle de compressions. En éducation, la hausse du budget de 3,6 %, qui devait couvrir les coûts de système selon les positions du gouvernement de Jean Charest, a été répartie de façon inégale, faisant en sorte que seulement 21 millions de dollars de plus sont accordés aux cégeps, soit une hausse de 1,7 % du budget. Or, il faudrait plus du double pour couvrir seulement la croissance des coûts.

Ronald Cameron
Secrétaire général

Vers un nouveau cycle de coupes dans l’enseignement ?

Pour faire face à cette réduction du financement, différentes coupes sont déjà arrêtées par les directions de collège et ce, malgré l’existence de surplus dans certains établissements. Toute la question de la réussite et des efforts qui commençaient à se développer à ce niveau, à la faveur de ressources supplémentaires obtenues par les syndicats pour les enseignantes et les enseignants, sont remises en cause. En effet, à l’instar des commissions scolaires, le gouvernement a supprimé les sommes prévues pour le financement des plans de réussite et les collèges ont tout simplement annulé les programmes prévus ou remis en cause leur financement.

Par ailleurs, d’autres mesures sont prises par les administrations locales à la suite de la réduction du financement du réseau. Tous les groupes sont touchés. Le personnel professionnel non enseignant tout comme le personnel de soutien sont interpellés à travers la révision des tâches administratives ou d’entretien et l’annulation de différents projets les impliquant. Aussi, selon une première évaluation rendue publique par les médias, une douzaine de collèges seraient amenés à faire des déficits en conséquence de cette nouvelle situation quant au financement.

Le débat sur les frais de scolarité à nouveau dans l’actualité politique

Parmi les mesures annoncées à la rentrée dans ce contexte, on remarque la hausse de différents frais que les étudiantes et les étudiants doivent payer. En effet, dans tous les collèges, les frais afférents ont été haussés parfois en faisant fi des ententes conclues avec les associations étudiantes quant au plafond que la direction du collège s’engageait à respecter. En effet, les médias ont vite fait état du faible niveau des hausses correspondant à des sommes entre 10 et 20 $. Or, cette inflation des frais afférents se produit de concert à une croissance importante des frais exigés à tout propos, que ce soit pour bénéficier de services ou pour se procurer des objets de première nécessité en éducation tels les cahiers de notes, un casier, l’accès à la photocopieuse ou aux ordinateurs, etc. De plus, les étudiantes et les étudiants écopent d’une autre manière. En effet, les services qui leur sont normalement destinés ont commencé à être touchés et cette situation ira en grandissant si le gouvernement ne modifie pas sa politique en regard du financement.

Il est trop tôt pour identifier toutes les conséquences des politiques du nouveau gouvernement à Québec. Son projet central est connu : une réingénérie de l’État qui, selon les propos même de Jean Charest, sera telle que nous ne pourrons reconnaître l’État québécois par la suite. Ce projet est nourri par la perspective de fortes réductions des impôts et donc d’une forte réduction des revenus de l’état québécois qui entraînera invariablement une remise en question du financement de tous les services publics.

La remise en question du caractère public du réseau collégial

Il est certain que le réseau collégial est à nouveau menacé. Mais la bataille actuelle des cégeps présente des caractères particuliers, en lien avec la conjoncture politique au Québec tout en tenant compte de l’histoire récente du collégial. Un danger qui pèse de façon singulière sur le réseau collégial porte, croyons-nous, sur son caractère public.

Avec l’accentuation de la concurrence entre les collèges, avec la baisse anticipée des effectifs étudiants qui se poursuivra en frappant à nouveau plus sévèrement les cégeps des régions et dans un contexte de mondialisation où la politique des gouvernements en éducation se conjugue plus étroitement avec les impératifs du marché, il nous apparaît que le caractère public du réseau collégial est plus interpellé que jamais.

Ce scénario de développement pour l’enseignement collégial est d’autant plus inquiétant que l’application de la réforme des programmes, menée presque totalement par le précédent gouvernement, a fait le lit à une telle vision de l’autonomie des institutions. C’est dans ce contexte qu’il faut lire le Plan de développement de la Fédération des cégeps, lancé avant la tenue des élections générales au Québec.

Ce plan de développement de la fédération des cégeps se situe en continuité avec la réforme des années 90 et a reçu l’appui des trois grands partis politiques québécois. Au cœur de l’approche de la Fédération des cégeps on retrouve l’exigence d’une autonomie complète pour les collèges. Par exemple, que cette réorganisation du réseau collégial aboutisse à l’imposition de frais de scolarité, peu importe répond la Fédération des cégeps. Aujourd’hui, les propositions contenues dans leur plan stratégique offrent des prises importantes au nouveau gouvernement pour définir son plan de réingénierie du réseau collégial.

La bataille des cégeps : la lutte continue

À l’instar de l’enseignement primaire et secondaire, le réseau collégial fait partie intégrante des services publics en éducation que l’État québécois s’est jusqu’à présent donné le mandat de fournir à la population. Depuis la mise en place des cégeps, leur financement a été assuré pratiquement à 100% par l’État. Prétendre alors s’appuyer sur son appartenance à l’enseignement supérieur pour y introduire une décentralisation du financement ou des frais de scolarité serait une erreur importante pour l’avenir de l’éducation et des institutions démocratiques au Québec. Petit réseau d’enseignement post-secondaire et fer de lance de l’accessibilité aux études supérieures, le réseau collégial doit rester public. Modifier son financement, c’est fragiliser son caractère public du réseau.

L’actuel financement du réseau collégial constitue une caractéristique clé de ce caractère public. Dans la prochaine période, les occasions ne manqueront pas pour nous mobiliser afin d’empêcher qu’il soit remis en question. La décentralisation implantée avec la réforme au collégial fournit un terreau propice à des formes de démantèlement du réseau collégial. Aussi, les partisans de la marchandisation de l’éducation se manifesteront certainement pour proposer d’authentiques projets de privatisation même partielle des institutions d’enseignement. Le mouvement syndical au collégial doit y faire échec et la prochaine négociation sera cruciale de ce point de vue.

Les représentants patronaux nous ont confirmé leur intention de répondre à notre dépôt prochainement, dans le cadre de la poursuite des négociations sur la convention collective. Gageons que la décentralisation constituera un enjeu majeur de leur projet de réforme au collégial. Pour y faire face, l’unité entre les enseignantes et les enseignants de cégeps, les étudiantes et les étudiants et les autres personnels au collégial est une question stratégique importante. La bataille des cégeps n’est pas terminée : la lutte continue !

Le regroupement cégep appelle à soutenir l’action des associations étudiantes contre la hausse des frais dans les cégeps

Lors de sa réunion de la rentrée le 21 août dernier, le regroupement cégep, qui rassemble sur des bases sectorielles les délégations des différents syndicats des enseignantes et enseignants de cégep affiliés à la FNEEQ, a adopté une résolution demandant à tous les syndicats qui lui sont affiliés de soutenir les initiatives prises par les associations étudiantes dans les collèges en regard de l’accessibilité aux études post-secondaires et les mobilisations entourant les discussions de l’OMC à Cancun, au Mexique.

Cette résolution a été adoptée à la suite d’une présentation de Geneviève Hardy, vice-présidente de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ). Elle a fait valoir les intentions de la FECQ à prendre les moyens nécessaires pour s’opposer à la hausse actuelle des différents frais dans les collèges mais aussi à toute imposition de frais de scolarité dans le réseau collégial.

Par ailleurs, notons que la recommandation adoptée par la réunion du regroupement appelle au soutien à l’action de toutes les associations étudiantes, quelle que soit leur affiliation nationale. En effet, l’ASSÉ, un autre regroupement, moins important que la FECQ et la FEUQ mais qui réunit plusieurs groupes en provenance des universités et des collèges, a appelé à l’exercice de la grève générale illimitée cet automne pour faire échec aux plans du nouveau gouvernement libéral. Une délégation politique de la FNEEQ en provenance du collégial a rencontré aussi une délégation de l’ASSÉ pour faire le point sur leur plan d’action et pour réitérer l’appui de la FNEEQ aux mobilisations envisagées par les associations étudiantes dans les collèges.

(tiré du site de la FNEEQ-CSN)