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STRATEGIE REVOLUTIONNAIRE DANS L’ETAT CANADIEN

Résolution adoptée par la Gauche socialiste (1989)

dimanche 8 septembre 2002, par Gauche socialiste

Introduction

L’objectif de ce texte est d’analyser : a) les formes et les faiblesses de l’Etat impérialiste canadien ; b) d’identifier les obstacles à l’autonomie et à l’unification des forces ouvrières et populaires dans la lutte ; c) de tracer les voies du dépassement de ces obstacles. En bref, il s’agit de jeter des bases pour l’élaboration d’une stratégie révolutionnaire dans l’Etat canadien.

"La stratégie révolutionnaire comprend un système combiné d’actions qui par leur association et leur conséquence et leur transcroissance doit amener le prolétariat à la conquête du pouvoir" (Trotsky, "La stratégie et la tactique à l’époque impérialiste, in L’Internationale Communiste après Lénine). La conquête du pouvoir d’Etat par le prolétariat signifie rien de moins que la destruction des institutions étatiques de la bourgeoisie par la mobilisation révolutionnaire des masses prolétariennes et le transfert de toutes les décisions étatiques aux conseils ouvriers démocratiquement élus.

La mobilisation du prolétariat pour la conquête du pouvoir d’Etat est le point culminant du processus politique révolutionnaire qui se développe dans le cadre de la société capitaliste et de l’Etat bourgeois. Une véritable stratégie révolutionnaire doit préciser la manière par laquelle les préoccupations politiques, sociales et économiques des masses prolétariennes dans une période non-révolutionnaire peuvent se transformer en une conscience politique pleinement développée c’est-à-dire la conscience de la nécessité du renversement de l’Etat bourgeois et de l’établissement du pouvoir ouvrier.

Toute stratégie révolutionnaire reconnait le besoin de la mobilisation unitaire et indépendante du prolétariat et de ses alliés autour de leurs revendications de classe, de l’auto-organisation des masses dans des structures démocratiques qui leur permettent d’affronter et de renverser l’Etat bourgeois, l’inévitablité d’une confrontation armée entre les organes du pouvoir ouvrier et l’appareil répressif de la bourgeoisie et de la construction d’un parti ouvrier révolutionnaire qui lutte pour la direction politique du mouvement de masse sur la base du programme marxiste-révolutionnaire.

Le point de départ dans l’élaboration de la stratégie révolutionnaire, c’est l’Etat canadien pris dans sa totalité. C’est la lutte pour la destruction de l’Etat central et l’établissement du pouvoir ouvrier qui constitue le cadre stratégique de la révolution dans l’Etat canadien. Nous devons approcher toutes les questions économiques, politique, sociales et nationales du point de vue de la lutte contre l’Etat bourgeois dans le territoire de cet Etat pris dans son ensemble. Notre tâche est de construire l’instrument, le parti révolutionnaire, qui nous permettra de combiner les luttes des différents mouvements politiques nationaux et sociaux des masses prolétariennes en un ensemble stratégique cohérent culminant dans la destruction de l’Etat canadien.

Ière partie : Impérialisme canadien et son Etat

1. La bourgeoisie canadienne et son Etat sont complètement impérialistes. La bourgeoisie canadienne est une classe capitaliste très monopoliste. Ses banques, ses entreprises dans un certain nombre de secteurs économiques : chemin de fer, machineries agricoles, mines, produits forestiers... sont des géants selon les normes mondiales. Ces caractéristiques monopolistes ont permis à la bourgeoisie canadienne de commencer à investir outre-frontière d’une manière classiquement impérialiste dès le début du siècle. En effet, la concentration extraordinaire du capital financier canadien lui a permis de découvrir sa vocation impérialiste et de s’établir aux Antilles, aux Caraibes, en Amérique centrale et dans le Nord-est de l’Amérique du sud dès les années ’20. Le Canada est un Etat capitaliste dominée par une bourgeoisie impérialiste parmi les plus puissantes dans le monde. Les banques canadiennes possèdent 200 milliards d’actifs à l’étranger en 1986, contre 40 milliards pour les banques étrangères au Canada. Les investissements directs effectuée par des entreprises canadiennes à l’étranger dépassent les investissements directs venus de l’étranger à chaque année depuis 1975. Si les tendances actuelles se poursuivent, l’investissement total des capitalistes canadiens à l’étranger dépassera l’investissement étranger au Canada vers 1990. La propriété du capital est aussi très concentrée au Canada. Les 50 familles les plus riches au Canada contrôlaient directement ou indirectement des intérêts industriels, commerciaux et financiers d’une valeur de 187 milliards en 1985, et les plus riches d’entre elles figurent parmi les familles bourgeoises les plus puissantes dans le monde entier. Le Canada réunit alors toutes les caractéristiques essentielles d’une puissance impérialiste : rôle dominant du capital financier, exportation de capitaux, participation au pillage des pays semi et néo-coloniaux. Au niveau des appareils militaires et répressifs, la bourgeoisie canadienne prend ses responsabilités contre-révolutionnaires internationales avant tout par sa participation à l’Otan et à Norad. L’armée canadienne n’est en fait qu’une armée essentiellement contre-insurrectionnelle, une armée de mercenaires professionnels fortement équipée. Ses aventures internationales (Gaza, Chypre, Congo, Sinai...) ne représentent pas seulement la quote part canadienne dans la résistance des pays capitalistes au rétrécissement du marché capitaliste mondial mais aussi et avant tout une éducation pratique qui la prépare à l’accomplissement de ses tâches domestiques.

2. L’Etat canadien est un Etat indépendant. Il ne constitue en aucun sens un Etat client malgré une alliance de longue date avec l’impérialisme américain mais plutôt le principal instrument de défense des intérêts "nationaux" autonomes de l’impérialisme canadien au sein de son propre territoire et par rapport aux autres Etats, y compris les Etats-Unis. L’intégration de l’économie canadienne dans l’économie continentale a transformé la bourgeoisie canadienne en "associé junior" de la bourgeoisie américaine mais la bourgeoisie canadienne est une bourgeoisie nationale possédant ses bases d’accumulation propres et contrôlant son propre Etat.

3. La véritable particularité propre à l’impérialisme canadien est la contradiction entre d’un côté sa bourgeoisie monopoliste unifiée autour de son Etat et de l’autre coté le haut degré de propriété étrangère et la fragmentation régionale de son économie et un appareil d’Etat bourgeois relativement décentralisé dont l’impérialisme canadien se sert pour opprimer une série de nationalités.

4. Ces particularités trouvent leur origine dans le mode de formation de l’Etat canadien. Cette formation avec la création de la confédération visait à stabiliser et à élargir les bases d’un marché intérieur "est-ouest" afin d’assurer le développement "national" basé sur une division du travail entre un pôle industriel naissant du centre et les zones agricoles de l’ouest et à doter la bourgeoisie canadienne d’un instrument, l’Etat fédéral, qui lui permettra de maintenir et de développer sa position concurrentielle sur le marché mondial c’est-à-dire de permettre à la bourgeoisie bancaire de jouer dès le départ un rôle dynamique sur le marché mondial. La cohésion de cette économie intégrée a été par la suite minée par le développement de deux traits fondamentaux de l’économie canadienne : premièrement la pénétration de l’économie canadienne par le capital américain qui a atteint des proportions considérables ; deuxièmement, le développement économique des différentes composantes régionales de l’économie que la bourgeoisie canadienne n’a jamais réussi à transformer en marché intérieur pleinement unifié. Cette réalité a été la source de conflits politiques régionaux constants.

5. Le rôle relativement secondaire du marché intérieur comme source de cohésion pour la bourgeoisie impérialiste a permis l’existence d’une décentralisation politique de l’appareil d’Etat pendant une certaine période. Cette décentralisation s’est exprimée particulièrement face aux affrontements de classes (codes du travail provinciaux qui ont joué dans le sens d’accroître la fragmentation régionale du prolétariat). Malgré le nombre considérable de pouvoirs tant politiques qu’économiques, les appareils provinciaux demeurent en dernière instances des composantes subordonnées de l’Etat fédéral central. Les conflits qui peuvent opposer différentes composantes régionales de la bourgeoisie canadienne demeurent essentiellement d’ordre secondaire, même s’ils peuvent créer des tensions politiques.

6. Toutefois, là ou la décentralisation relative de l’Etat canadien et la fragmentation régionale de son économie a créé une situation potentiellement explosive, potentiellement dangereuse pour l’impérialisme canadien, c’est au Québec. Dans ce cas-ci, la fragmentation économique et régionale de l’Etat canadien ainsi que l’existence d’un appareil d’Etat provincial se sont conjuguées avec la question nationale pour déterminer un type d’insertion très spécifique du Québec dans la Confédération canadienne. L’appareil d’Etat québécois est un phénomène contradictoire. D’une part, il est partie intégrante de l’appareil d’Etat canadien, au même titre que les autres appareils d’Etat provinciaux. En ce sens, il est le relai de la domination impérialiste canadienne sur le Québec. D’autre part, précisément à cause des pouvoirs qui lui ont été concédés par la bourgeoisie canadienne, précisément parce que c’est le seul corps gouvernemental au sein de l’Etat canadien qui peut être "contrôlé" par la nation québécoise, il est perçu par les masses québécoise comme une institution nationale. L’Etat provincial est donc à la fois un relai de la politique impérialiste et un canal d’expression des aspirations nationales des masses québécoises. C’est ce qui détermine la forme de ces aspirations nationales comme nationalistes québécoises plutôt que nationalistes canadiennes françaises et qui définit ces aspirations par rapport au territoire du Québec. C’est là le fondement du caractère indépendantiste que tend à prend la volonté d’autodétermination.

7. A un autre niveau, chaque pas dans la construction de l’Etat canadien a été précédé par l’annexion et la conquête des territoire des habitants déjà établis sur différents portions de ce qui constitue actuellement son territoire. La conquête et l’oppression des divers peuples étaient la précondition politique à la fondation d’un Etat bourgeois unifié au Canada. La poursuite et le maintien de cette oppression demeure une nécessité absolue à la survie de cet Etat. Malgré la brutalité du processus, le capitalisme canadien n’a réalisé ni l’assimilation de ces peuples), ni le peuplement d’une partie des terres qu’il a annexé. C’est le cas pour les Acadiens, les nations amérindiennes, les Inuits et les Québécois-e-s.

8. Les limitations de cette conquête sont les plus visibles au Québec où les effets de la Conquête furent de stimuler et d’accélérer le développement d’une nation distincte qui possède non seulement un territoire et une langue distinctes, mais aussi une une structure sociale et économique qui lui est particulière. La nation québécoise constitue la plus importante des nations opprimées dans l’Etat canadien. Cette oppression nationale s’articule d’abord aux niveaux politique et culturel. Le Québec n’a jamais décidé librement de son entrée dans la confédération canadienne. La constitution actuelle ne reconnait pas le droit du Québec à l’auto-détermination ni même son existence comme nation distincte. Au niveau linguistique et culturel, les Québécois-e-s sont victimes de discrimination. L’anglais reste au Québec même la langue de la promotion sociale. Les velléités de défendre les lois linguistiques, l’adoption de la loi 101, a fait l’objet d’attaques constantes pas les tribunaux fédéraux.

9. La bourgeoisie canadienne a composé encore moins avec les autres minorités nationales. Elles s’est contentée de les parquer, de nier tous leurs droits et de viser à leur assimilation. Maintenues sous un règne colonial, les nations amérindiennes et Inuit vivent dans des conditions misères : les conditions de logement et de santé sont déplorables. Non seulement on nie leur droit à l’autodétermination mais les administrations tant fédérale que provinciales ont toujours cherché à obtenir l’extinction de leurs droits territoriaux. La volonté de la bourgeoisie impérialiste de se réserver le contrôle absolu des ressources énergétiques et minières du grand nord canadien exerce une pression sur les gouvernement canadien et provinciaux pour qu’ils refusent de reconnaître les droits nationaux des autochtones.

10. Les pressions accrues de l’internationalisation du capital ont accentué la nécessité d’une centralisation plus poussée du point de vue de la bourgeoisie canadienne, qui doit penser en terme de marché mondial, de blocs continentaux, etc. Les véritables concurrents des banques canadiennes sont les banques japonaises, américaines et européennes. Elle trouvent de plus en plus intolérables d’avoir les mains liées par les règlements provinciaux qui favorisent les caisses populaires par exemple. Cette tendance à une centralisation plus grande des pouvoirs aux mains de l’Etat fédéral et au détriment des Etats provinciaux et des intérêts spécifiquement régionaux a joué de façon plus ou moins considérable à différentes périodes de l’histoire de la confédération canadienne. Cette tendance s’est accentuée depuis les récessions de 74-75 et de 80-82 et la nécessité pour la bourgeoisie d’affronter centralement le mouvement ouvrier à l’échelle canadienne et les tensions régionales renforcées par la crise économique. La réforme constitutionnelle du gouvernement Trudeau visait à renforcer la primauté du gouvernement fédéral sur les gouvernements provinciaux et à nier encore une fois les droits des nations opprimées.

IIème partie : Les classes ouvrières et masses populaires dans l’Etat canadien, leur réalité et les obstacles à leur autonomie et à leur unité

A. Le niveau d’organisation des masses opprimees dans l’ État canadien

11. La société canadienne est fortement prolétarisée. Moins de 2% des familles possédaient 60% des actions en circulation au Canada en 1984. Les employeurs forment seulement 3% de la population active dans l’Etat canadien. Quant aux personnes travaillant pour leur propre compte, ils et elles comptent pour moins de 7% de la population active, dont environ la moitié dans le petit commerce et le quart dans l’agriculture. Les travailleurs et travailleuses rémunéré-e-s forment 90% de la population active ; de ce nombre, environ 10% exerçaient des fonctions de direction en 1986. Sans entrer ici dans une analyse de classe détaillée, on peut estimer que la classe ouvrière forme au bas mot 80% de la population active dans l’ensemble canadien, soit près de neuf millions de personnes au total, dont 45% de femmes travailleuses. Le taux de prolétarisation est encore plus élevé au Québec, la principale nation opprimée dans l’Etat canadien. Rappelons que la classe ouvrière comprend pour nous l’ensemble du personnel salarié d’exécution, et non seulement les cols bleus de l’industrie.

12. La classe ouvrière ne se réduit pas non plus aux seul-e-s travailleurs et travailleuses salarié-e-s employé-e-s à un moment donné. Elle comprend aussi les travailleurs et travailleuses sans emploi ou à la retraite, qui vivent pour la plupart dans un état de dénuement extrême, ainsi que la jeunesse d’origine ouvrière, destinée dans son écrasante majorité à joindre les rangs de la classe ouvrière. Les femmes au foyer exclues du travail salarié sont également rattachées à la classe ouvrière dans leur position de classe, sauf bien entendu des femmes de la bourgeoisie et de la petite-bourgeoisie, mais elles restent soumises à la domination patriarcale qui traverse les masses ouvrières, et qui maintient les femmes sous la dépendance des travailleurs mâles adultes dans le cadre de la famille, ou alternativement sous la dépendance de l’Etat dans le cas des familles monoparentales dirigées par des femmes. Les masses laborieuses sont donc hétérogènes et traversées par des rapports d’oppression et d’inégalité en leur propre sein.

13. La caractéristique principale du prolétariat dans l’Etat canadien est sa division sur des bases nationales. Chaque classe ouvrière a des traditions politiques, syndicales et organisationnelles spécifiques. La lutte pour l’autonomie politique de classe, la lutte pour l’unité prolétarienne dans l’Etat canadien doit nécessairement partir de ces spécificités.

a. La classe ouvrière québécoise et la question nationale.

14. La classe ouvrière québécoise a des origines complètement différentes de la classe ouvrière canadienne anglaise. Tandis que cette dernière est le produit d’une immigration relativement récente venant de la Grande-Bretagne et de l’Europe, la classe ouvrière québécoise se constitue par la prolétarisation d’une paysannerie catholique devenue conservatrice après la défaite de 1837. C’est également à cette époque que le clergé catholique devait finalement prendre le dessus. Ce procesus de prolétarisation devait prendre son envol à la fin du XIX siècle. Les caractéristes propres de ce prolétariat national découlent de ses origines, de la forme du développement du capitalisme (marquée par le renforcement de la domination impérialiste) et par l’existence d’une main-d’oeuvre nationale séparée (étant donné à la fois les facteurs linguistiques et économiques). Les grosses concentrations ouvrières se retrouvent dans l’aluminimum, les pâtes et papier, les équipements électriques, les textiles, les mines et la construction. Cependant comparativement aux classes ouvrières des pays capitalistes avancés, ces concentrations restes limitées. En 1982, il y avait 45 entreprises de plus de moins 1000. Elles employaient à peine 16% de la main-d’oeuvre totale de l’industrie manufacturière. La majorité de la classe ouvrière est dispersé dans plusieurs milliers de petites et moyennes entreprises. Le prolétariat recouvre également les travailleuses et les travailleurs du secteur public qui comptent près de 435 000 personnes. Il ne faut pas oublier les travailleuses et les travailleurs des services privés : restauration, communication, transports, finance, services... dont le personnel d’exécution doit être considérée comme faisant partie de la classe ouvrière. Il faut aussi ajouter les chômeuses, chomeurs et assisté-e-s sociales et sociaux qui comptent près de 1 million de personnes. Socialement très diversifiée, l’unité de la classe ouvrière québécoise est actuellement l’unité dans la soumission aux forces natioalistes populistes sur le plan politique. Sur le plan syndical, la division règne.

15. L’oppression nationale du Québec ne se réduit pas à une addition de manifestations spécifiques de l’oppression dans le domaine économique, social, linguistique et culturel. Elle se manifeste d’abord par le fait que le Québec est emprisonné dans un carcan qui l’empêche de choisir librement son destin et qui l’empêche de contrer les différentes facette de l’oppression nationale. Des couches importantes des masses québécoises ont pris conscience de cette réalité et ne cherchent plus une solution dans le sens de la récupération de pouvoirs pour le gouvernement du Québec, mais par la volonté de rupture avec l’Etat fédéral. C’est pourquoi, on peut dire que l’oppression nationale déterminent chez les larges masses un mode de radicalisation nationaliste et populiste.

16. Mais la forme que prend la politisation de la classe ouvrière n’est pas d’abord déterminée par l’oppression nationale. La forme que prend le nationalisme populiste est d’abord déterminée par la structuration du champ politique. Un vague instinct anti-impérialiste toujours présente dans la nation dominée se trouve accentué par l’ensemble des facteurs qui donnent lieu à la montée des luttes ouvrière et par cette montée elle-même mais peut être masquée, comme au moment de la domination péquiste sur le mouvement ouvrier, par l’intervention consciente du parti, bourgeois en l’occurence, qui donne à ce sentiment sa forme politique spécifique. C’est là la base de l’utilisation du discours nationaliste par les forces bourgeoises et petites bourgeoises visant à développer leur hégémonie sur la classe ouvrière et les couches populaires au Québec. Ce discours tire sa force de conviction parce qu’il propose une solution "québécoise" à l’oppression nationale et aux revendications des masses.

17. Le poids de l’idéologie nationale et populiste, conséquente de l’oppression nationale a constitué un obstacle décisif au développement de l’autonomie de la classe ouvrière au Québec. Historiquement, la fraction social-démocrate du mouvement syndicale, à cause de son incompréhension de la question syndicale n’est jamais pu lancer avec un succès un parti ouvrier réformiste. La fraction catholique, issue directement de la petite bourgeoisie, a toujours été liée à un parti bourgeois ou à un autre. Faisant sa priorité son intégration à l’appareil d’Etat, les bureaucraties syndicales ont toujours perçu le lancement d’un parti ouvrier comme une aventure minoritaire qui créerait une foule de contradictions et de conflits dans le mouvement ouvrier. C’est là le fondement de l’économisme dominant dans le mouvement syndical. La recherche d’alliance des bureaucraties syndicales avec les forces nationalistes bourgeoises a permis à ces dernières d’instrumentaliser la classe ouvrière dans leurs propres intérêts. C’est pourquoi jamais la classe ouvrière du Québec n’est parvenu à se donner un parti politique autonome. Depuis des décennies, elle a appuyé l’un ou l’autre des partis bourgeois, généralement le plus autonomiste et le plus nationaliste. Cette inféodation politique a été et demeure fort couteuse. L’idéologie nationaliste a couvert la forme qu’a pris la collaboration de classe de la part des directions bureaucratiques du mouvement ouvrier.

18. D’autre part, pour le prolétariat et les masses populaires au Québec, l’indépendantisme contemporain a constitué l’enveloppe de leur indignation sociale, de leur refus de la situation qui lui était fait. La montée de l’indépendantisme dans la classe ouvrière a été l’expression de la radicalisation sociale profonde produite par les effets de la domination impérialiste. Mais jusqu’ici, le prolétariat s’est avéré incapable de s’emparer pour ses propres fins et intérêts de la question nationale. Cette dernière a toujours été défini et articulé par des partis bourgeois qui s’en sont servis pour placer la classe ouvrière à la remorque de leurs intérêts de classe. Ces forces politiques bourgeoises et petites bourgeoises se sont avérés incapables de résoudre la question nationale du Québec et n’ont cessé d’élaborer compromis et compromissions avec l’impérialisme canadien qui devaient déboucher sur un recul du mouvement national. C’est là essentiellement la trajectoire prévisible du PQ. Les reculs du mouvement ouvrier et du mouvement national se sont nourris l’un et l’autre. La question nationale se pose en ce moment à travers des combats défensifs et sous l’hégémonie d’un nationalisme bourgeois conservateur. Elle n’en conditionne pas moins la forme que prennent les clivages politiques au Québec ainsi que la forme de la participation des masses québécoises à la politique pancanadienne. Une nouvelle montée ouvrière reposera la question nationale en termes différents, en termes offensifs et prolétariens et non plus en termes défensifs et bourgeois. Elle réouvrira la possibilité de contester l’hégémonie des forces nationalistes bourgeoises sur cette question.

b. La classe ouvrière canadienne et le fédéralisme

19. La classe ouvrière canadienne anglaise est essentiellement régionalisée. Bien que le prolétariat canadien-anglais soit la seule composante de la classe ouvrière sur le continent nord américain qui ait une longue tradition d’organisation politique de masse indépendante de la bourgeoisie, il n’a jamais réussi à unifier et centraliser effectivement ni ses syndicats, si ses organisations au niveau fédéral.

20. Depuis le début des années 60, les secteurs les plus conscients du prolétariat canadien-anglais ont plutôt de plus en plus redéfini leurs aspirations aux changements politiques en termes provinciaux. Si le NPD peut maintenant aspirer à devenir l’opposition au niveau fédéral, il n’en reste pas moins que c’est au niveau des provinces où sa base est concentrée (Ontario, Manitoba, Colombie-Britannique, Saskatchewan). Le poids local en fait une alternative crédible au niveau provincial. L’ampleur des pouvoirs autonomes des provinces permettant au prolétariat de concevoir le pouvoir gouvernemental au niveau provincial.

21. Ce localisme provincial, combiné à une fragmentation régionale de l’économie canadienne a contribué au renforcement de la fragmentation et de la faiblesse du mouvement ouvrier canadien-anglais lui-même. Cette situation découle de l’absence d’une réelle perspective de pouvoir gouvernemental au niveau fédéral, absence qui elle-même découle de l’absence d’unité ouvrière pan-canadienne dont la précondition serait une position concrète du prolétariat canadien-anglais en faveur du droit du Québec à l’auto-détermination. Par contre, s’il y a inégalité de développement du mouvement ouvrier entre les régions du Canada-anglais, qui compte après tout un et un seul parti de masse reconnu et aussi une centrale unique ou presque.

22. L’expression politique de la crise économique et sociale au Canada-anglais a-t-elle été réduite à un conflit électoral entre les deux partis de l’impérialisme. Le sous-développement de l’indépendance politique de classe du prolétariat canadien-anglais repose sur une combinaison de trois éléments : -son nationalisme qui se définit fondamentalement par l’identification de l’Etat fédéral actuel comme seule forme "pensable" de la nation "canadienne" ; -son acceptation fataliste de la domination des partis dominants au niveau fédéral et son localisme qui joue un rôle de substitut par rapport aux aspirations politiques des secteurs régionaux les plus avancés du prolétariat (ex. Saskatchewan et Colombie-Britannique).

23. Aussi l’acceptation du fédéralisme par la classe ouvrière canadienne anglaise est-elle centrale pour expliquer son impasse politique. L’accession du NPD au rang d’opposition officielle ne marquerait pas une rupture avec cette impasse mais en soulignerait le caractère. Les efforts du NPD et de la bureaucratie du CTC pour défendre l’Etat fédéral et pour intégrer le mouvement ouvrier à cet Etat sont au centre des projets de collaboration de classe (unité "nationale" en soutien à la réforme de la constitution, tripartisme, stratégie industrielle et gouvernement de coalition).

c. La division nationale et régionale des autres mouvements sociaux

24. L’ensemble des mouvement sociaux dans l’Etat canadien tendent à rester enfermés dans un cadre régional ou à tout le moins national. Cela est vrai pour le mouvement des femmes, le mouvement étudiant pour des pas parler des mouvements pacifistes ou écologiques. Ce n’est que la compréhension stratégique de la nécessité de s’attaquer unitairement à l’Etat central qui pourrait permettre de dépasser cette division.

d. La place de la lutte des autres nationalités opprimées.

25. Les nationalités opprimé-e-s autres que le Québec sont resté-e-s en grande partie isolées des mouvements ouvriers dans l’Etat canadien. Jusqu’ici le fédéralisme régnant dans la classe ouvrière canadienne-anglaise et le nationalisme régnant chez la classe ouvrière québécoise ont entravé le développement d’un fort mouvement d’appui à leurs luttes. La perspectives d’un front des classes ouvrières et des nations opprimées pour lutter contre un Etat prison des peuples n’a donc pu se concrétiser et devenir crédible.

III. LES AXES D’UNE STRATEGIE REVOLUTIONNAIRE DANS L’ETAT CANADIEN

26. Le cadre de la révolution dans l’actuel Etat canadiencombinerales deux aspects de la révolution permanente c’est-à-dire la lutte pour la libération nationale du Québec et des autres nationalités opprimées avec la révolution socialiste au Québec et au Canada. Dans le cas de l’Etat canadien, du fait de son caractère multinational et des luttes de libération nationale qui le traversent, un processus révolutionnaire passerait vraisemblablement par une phase de désintégration territoriale dans laquelle le pouvoir fédéral ne serait pas nécessairement renversé d’un seul coup dans l’ensemble du territoire ; cela pourrait aussi passer, et passerait très vraisemblablement par son renversement dans les nations dominées par la libération de ces dernières. Le processus révolutionnaire à l’échelle de l’Etat canadien pourrait alors s’étaler sur une période relativement longue, avec formation d’Etats ouvriers sur des parties de son territoire initial, au Québec tout particulièrement. De plus, la révolution socialiste comptera dans l’aspect anti-capitaliste une dimension anti-patriarcale et féministe. Ce sera une révolution à caractère combinée.

27. La nature de la révolution pose donc les impératifs suivants pour le développement du processus révolutionnaire dans l’Etat canadien : a. la nécessité d’une stratégie d’alliance ouvrière entre les deux prolétariats nationaux et les autres nationalités opprimées ; b. le développement de vastes mouvements de libération nationale à direction prolétarienne pour l’indépendance du Québec et l’autodétermination des nationalités opprimées ; c. la nécessité de l’indépendance de classe chez les deux classes ouvrières nationales ; d. le développement d’un mouvement autonome de femmes sur des bases de classe à l’échelle pan-canadien ; e. construction d’un parti ouvrier révolutionnaire léniniste et multinational dans l’Etat canadien, tâche à laquelle doit s’attaquer une section pancanadienne de la IVième Internationale.

A. La lutte pour l’alliance ouvrière pan-canadienne

28. La confédération canadienne est le verrou de protection de la bourgeoisie canadienne. La lutte contre l’Etat capitaliste et patriarcal pose la nécessité objective d’une alliance pan-canadienne des classes ouvrières et des nationalités opprimées. La lutte pour les revendications des masses exigent avant tout la mobilisation directe de la classe ouvrière et de ses alliés, elle ne doit pas être soumise aux échéances électorales et aux tractations des appareils bureaucratiques. Seule une action indépendante et unitaire des masses pour leurs revendications peut leur permettre de construire un rapport de force favorable pour prendre confiance dans leurs capacités de se porter candidates au pouvoir, de rallier à leur cause les secteurs hésisants du prolétariat et des couches opprimées.

29. Les conditions existent pour des alliances épisodiques et conjoncturelles au niveau des luttes économiques et sociales contre l’Etat fédéral. De telles alliances épisodiques aident à jeter les conditions de la réalisation d’une alliance stratégique des classes ouvrières dans l’Etat canadien. Nous devons défendre une perspective politique qui vise à approfondir les luttes communes et à élargir l’horizon politique de ces luttes afin de les aider à dépasser leur caractère épisodique et immédiat pour déboucher sur la question du pouvoir politique. Tout en respectant les droits démocratiques des masses prolétariennes de chaque nation dans la constitution d’un mouvement d’ensemble.

30. Dans la confrontation qui se développera entre l’impérialisme canadien et le prolétariat québécois nationalement opprimée, la classe ouvrière canadienne anglaise doit s’allier au prolétariat québécois contre l’impérialisme canadien. Si elle ne fait pas ce choix, elle abandonne tout espoir de réaliser ses aspirations de classe et renforce ainsi son ennemi de classe. Aussi la défense de la lutte de libération nationale québécoise n’est pas un devoir internationaliste du prolétariat canadien-anglais, c’est une nécessité urgente pour ses propres intérêts immédiats et une occasion sans précédent pour le mouvement ouvrier des deux nations de briser l’obstacle qui a frusté leurs aspirations politiques depuis des décennies. La capacité du prolétariat canadien-anglais de conquérir complètement son indépendance de classe dépend pour une bonne part de sa capacité de répondre positivement aux luttes nationales du prolétariat québécois. La lutte active pour la reconnaissance du droit à l’autodétermination et le soutien militant des luttes de libération nationale se déroulant dans le territoire canadien sont vitaux pour l’amener à rompre avec le fédéralisme et la collaboration de ses directions avec l’impérialisme canadien dans l’oppression de la nation québécoise et des autres nationalités opprimées.

31. Le prolétariat québécois ne parviendra à prendre la direction de la lutte nationale et lui insuffler un contenu de classe que s’il place au centre de sa politique d’alliance, l’alliance avec la classe ouvrière canadienne-anglaise. Il doit dépasser une version québécoise de sa lutte, identifier l’Etat impérialiste canadien comme l’ennemi principal. Pour créer les meilleures conditions pour sa lutte, il doit construire une alliance stratégique avec le prolétariat canadien-anglais et les autres nationalités opprimées. Les conditions à la réalisation de cette alliance stratégique sont la rupture du prolétariat canadien-anglais avec le fédéralisme et son appui au droit du Québec à l’indépendance. Au Québec, la rupture du prolétariat avec tout parti bourgeois autonomiste et la création de son propre parti pour lutter pour la construction d’un mouvement de libération nationale sur des bases prolétariennes.

B. Le développement d’un mouvement pour l’indépendance du Québec à direction prolétarienne et l’autodétermination des nations opprimées

i. Le sens et la nécessité de la lutte pour l’indépendance du Québec

32. La lutte des classes au Québec et le rôle particulier que joue la question nationale dans l’Etat canadien font de l’indépendance un des éléments clés pour la destruction de l’Etat impérialiste canadien et pour commencer à jeter les bases du socialisme à l’échelle de tout le territoire de cet Etat.

33. Le Québec est un maillon faible de l’impérialisme canadien. Economiquement, l’impérialisme canadien a besoin de conserver le Québec comme une liaison territoriale avec les provinces maritimes et son débouché sur l’Atlantique de même que sur la voie maritime du St-Laurent. Le Québec représente presque 30% du marché intérieur canadien. Il constitue un des principaux centre d’extraction des richesses naturelles pour l’économie canadienne. La création d’un Etat indépendant créerait des contradictions économiques considérables pour l’impérialisme canadien. Politiquement en affaiblissant l’Etat canadien central, l’indépendance du Québec exacerberait la fragmentation économique et régionale du pays. L’Etat canadien tel qu’historiquement constitué serait atteint au coeur même de ses fondements. Socialement, l’affaiblissement économique et politique de la bourgeoisie canadienne créerait des conditions plus favorables à la lutte des classes au Canada même. Un des principaux ciments à la collaboration de classe au Canada-anglais, le mythe de l’"unité nationale", le front interclassiste pour la subjugation nationale du Québec serait détruit.

34. Dans une société où toute la vie politique a été dominée depuis des siècles par la question nationale, il est inévitable que la classe ouvrière atteindra son indépendance de classe autour de l’axe de sa propre solution prolétarienne à la question nationale. La mobilisation révolutionnaire de la classe ouvrière québécoise suppose nécessairement sa mobilisation sur un axe de libération nationale, car l’oppression nationale et la lutte contre elle sont des réalités qui se posent nécessairement à la classe ouvrière québécoise et qu’on ne peut pas mettre de côté en attendant le renversement de l’Etat canadien dans son son ensemble.

35. La perpective indépendantiste constitue pour les masses québécoises la concrétisation la plus claire de la rupture avec la confédération impérialiste ; elle dresse directement la classe ouvrière directement contre les intérêts de la bourgeoisie canadienne et contre l’instrument central de sa domination politique sur le Québec et les classes ouvrières des deux nations, l’Etat fédéral. L’indépendantisme remet en question la survie même de la structure étatique canadienne telle qu’on la connait. Plus immédiatement, un mouvement indépendantiste prolétarien de masse détruirait le mythe de l’unité nationale canadienne, révèlerait le caractère de "prison des peuples" de la confédération canadienne et exacerberaient l’ensemble des contradictions qui traversent déjà la structure étatique de l’Etat impérialiste canadien.

36. Lutte pour l’indépendance de classe passe par le fait que la classe ouvrière arrache la direction du mouvement national au forces bourgeoises et petites bourgeoises. En effet, la bourgeoisie québécoise est incapable de mener la lutte indépendantiste qui impliquerait une rupture frontale avec l’impérialisme canadien. L’histoire du PQ dans la dernière décennie est la démonstration de cette thèse. La bourgeoisie québécoise et les forces petites-bourgeoises ne peuvent qu’élaborer une stratégie de négociations et d’accomodements. Premièrement, sa concurrence avec l’impérialisme canadien ne va pas jusqu’à la volonté de se confronter politiquement avec la bourgeoisie canadienne en mobilisant les masses. Elle ne craint comme la peste la mobilisation des masses pour l’atteinte d’objectifs politiques et elle s’est toujours refusé de donner un contenu social clair à ses projets politiques. Ce refus de la mobilisation extra-parlementaire s’enracine sur la peur d’être débordée par le mouvement de masse.

37. Seule la classe ouvrière peut mener cette lutte jusqu’au bout. La reprise de la lutte pour l’indépendance par le mouvement ouvrier et les masses populaires permettrait d’arracher les masses à l’influence des forces nationalistes bourgeoises et petites-bourgeoises qui se cantonnent dans l’autonomisme.

38. La reprise de la lutte indépendantiste par la classe ouvrière peut seul lui permettre de gagner son indépendance de classe face aux forces bourgeoises et petites bourgeoises. La lutte pour l’indépendance de classe du prolétariat est essentiellement la lutte pour la direction prolétarienne de la lutte de libération nationale car l’indépendantisme prolétarien marque la rupture avec les obstacles historique à l’indépendance politique de la classe ouvrière : la symbiose réactionnaire de l’autonomisme national et du fédéralisme défensif. La lutte pour l’indépendance du Québec permet d’imbriquer les aspirations nationales des masses québécoises à une lutte intransigeante pour l’indépendance de classe, pour l’hégémonie ouvrière dans le combat contre l’oppression nationale.

39. Le prolétariat ne peut gagner cette direction qu’en avançant une orientation politique qui garantit la victoire du combat pour établir un Etat indépendant : a) la mobilisation révolutionnaire des masses québécoises contre l’impérialisme plutôt qu’une stratégie de négociation ; b) une indépendance totale vis-à-vis l’ensemble des forces de la bourgeoisie québécoise ; d) une stratégie d’alliance avec la classe ouvrière canadienne anglaise et les autres minorités nationales opprimées pour la formation d’un front unique contre l’Etat impérialiste canadien ; et e) un programme socialiste qui garantit que l’Etat indépendant pourra réellement résoudre les profondes distortions socio-économiques que l’impérialisme a imposé à la nation opprimée. Pour ce faire, elle devra donner une définition clairement prolétarienne à son indépendantisme.

40. La lutte pour l’indépendance nationale est l’axe politique de la lutte pour le pouvoir des travailleurs et des travailleuses québécois-e-s. Ce n’est pas l’un des "buts" de la révolution, c’est l’un de ces moyens, car il faut comprendre le caractère pan-canadien de la lutte indépendantiste. La lutte pour l’indépendantisme socialiste n’est donc pas une lutte dirigée contre le seul Etat québécois ou une lutte confinée au territoire du Québec qui aurait à résister à une évasion étrangère. Elle s’insère dans une lutte contre l’Etat fédéral central et elle pose objectivement le problème du pouvoir à l’échelle de tout l’Etat canadien. Le caractère combiné de la révolution dans l’Etat canadien implique la combinaison de la lutte de libération nationale au Québec avec la lutte pour la destruction de l’Etat fédéral central et le pouvoir prolétarien à l’échelle pancanadienne.

41. C’est ainsi qu’au Canada-anglais, la signification de l’autodétermination dans son sens le plus complet est que les travailleuses et les travailleurs canadien-anglais doivent activement appuyer le Québec et les autres nationalités opprimées dans le démantèlement de l’État multinational impérialiste.

ii. Soutenir le mouvement pour l’autodétermination nationale des autres nations opprimées dans l’Etat canadien.

42. Encore aujourd’hui, la moitié de la superficie du Canada n’a pas fait l’objet de conquête de traité, ni de cession de la part des Inuit, des Dénés et de certaines nations autochtones. Les droits qui sont indispensables à leur survie en tant que nations sont inaliénables et ne peuvent faire l’objet de cession. Les nations amérindiennes et Inuit exiger leur plein droit à l’autodétermination et la reconnaissance de leurs droits de premiers occupants. Ces nations doivent pouvoir décider de la forme que prendre cette auto-détermination. Les classes ouvrières du Québec et du Canada-anglais doivent être les plus ardents défenseurs de leurs droits et devenir des alliés militants des luttes de ces nations opprimées.

iv. Pour une Confédération volontaire des Républiques ouvrières et des minorités nationales

43. L’objectif de l’alliance ouvrière pan-canadienne et des nationalités opprimées est une Confédération volontaire des Républiques ouvrières et des minorités nationales, laquelle doit être opposée à la confédération de la bourgeoisie impérialiste et à l’oppression nationale. Une confédération créée par les travailleuses et les travailleurs et répondant à leurs besoins de classe. Une confédération complètement libre et volontaire capable de respecter les droits de toutes les nationalités et d’abolir toutes les formes de privilèges nationaux et d’oppression nationale.

C. La lutte pour l’indépendance politique de la classe ouvrière dans chaque nation

44. L’histoire et les traditions différentes des deux classes ouvrières et le poids historique de la question nationale du Québec dans le développement de la conscience politiques chez les travailleuses et les travailleurs posent la question de l’indépendance de classe dans des termes différents dans les deux nations. Au Québec l’axe central de la lutte pour l’indépendance de classe passe par la lutte pour que les syndicats rompent avec leur a-politisme ou leur soutien plus ou moins critiques aux partis bourgeoisent et lancent un parti ouvrier défendant sa propre alternative à la confédération. Au Canada-anglais, la lutte pour l’indépendance de classe passe par la lutte contre l’influence des partis bourgeois dams ses propres rangs. Pour l’instant l’axe de cette lutte passe par la lutte pour une majorité NPD et une politique de front unique visant à faciliter l’action des courants de radicalisations de la société qui peuvent être captés par ce parti afin de renforcer l’autonomie politique et d’identifier cette dernière au développement de l’utilisation de méthodes prolétariennes de luttes. (Ce point sera particulirement développé dans le texte : "la lutte pour le pouvoir dans l’Etat ouvrier canadien").

D. Pour un mouvement autonome de femmes sur des bases de classe

45. Une des axes stratégiques fondamentaux de toute stratégie révolutionnaire dans l’Etat canadien est la construction d’un mouvement autonome de femmes sur des bases de classe car la lutte pour la libération des femmes jouera un rôle stratégique dans le renversement de l’Etat capitaliste et dans la mise en place d’une société socialiste car la lutte pour mettre fin à l’exploitation capitaliste est inextricablement liée à celle pour mettre fin à la divisionsexuelle du travail présente dans la société de classe.

46. La lutte de libération des femmes contre leur oppression s’articule autour de quatre problématiques clés : premièrement, la lutte pour gagner les pleins droits démocratiques pour les femmes et mettre fin à tout discrimination dans la loi ; deuxièmement, la lutte pour l’indépendance économique des femmes et leur plus grand intégration à la production sociale sur des bases égalitaires ; troisièmement, la lutte pour créer les conditions de l’émancipation de la famille patriarcale qui donne aux femmes la responsabilité première dans la production de la future main-d’oeuvre ; quatrièment la lutte des femmes pour controler leur propre corps et leur lutte pour gagner la possibilité de définir leur propre sexualité.

47. Un mouvement autonome des femmes est nécessaire pour mener l’ensemble de ces luttes. A cause de la nature de l’oppression des femmes et parce que cette oppression est aussi un mécanisme fondamental de divison et d’affaiblissement de la classe ouvrière qui donne aux hommes de la classe ouvrière des privilèges relatifs par rapport aux femmes, le mouvement autonome est fondamental pour assurer aux femmes que leurs revendications ne seront pas subrodonnées. C’est seulement en s’organisant de façon autonome -que ce soit dans les quartiers, les usines, les bureaux ou les campus- en dirigeant leur propre lutte et en se battant pour leurs revendications que les femmes pourront s’assurer que leurs besoins ne sont pas ignorés.

48. Nous luttons pour les femmes travailleuses et leurs revendications soient au centre du mouvement des femmes et que les femmes soient le plus organisées possibles sur des bases autonomes au sein du mouvement ouvrier. L’importance stratégique du mouvement des femmes ne réside pas seulement dans le fait d’assurer aux femmes que leurs revendications sont mises de l’avant mais la mobilisation de la masse des femmes sera déterminante de la capacité même de la classe ouvrière de diriger le processus révolutionnaire.

49. Premièrement, en liant les thèmes de lutte sur les lieux de travail à des questions sociales plus larges qui touchent la vie quotidienne en société capitaliste, les luttes des femmes ont le potentiel de créer une brèche dans la conscience réformiste de plusieurs syndiquées. Elles démontrent la nécessité pour la classe ouvrière de comprendre les aspects les plus larges des relations de classe dans la société capitaliste, la nécessité de se mobiliser en appui aux revendications politiques dirigiées contre l’Etat.

50. Deuxièmement, la mobilisation des femmes travailleuses pour des revendications spécifiques à un lieu de travail remet en question la division capitaliste du travail qui existe dans la production -division qui affaiblit la classe ouvrière et sont consciemment et délibérément entretenus par la bourgeoisie et son Etat. La remise en question de la surexploitation des travailleuses et le fait de gagner les travailleurs à une compréhension justes de leurs intérêts historiques sont nécessaires pour que la classe ouvrière s’unifie et pour qu’elle reconnaisse que ses intérêts sont ceux des opprimé-e-s.

51. Troisièmement, la lutte pour la démocratie dans les syndicats est intimement liées à la lutte des femmes travailleuses. Les revendications pour une participation aux exécutifs syndicaux, pour des garderies pendant les réunions du syndicats, pour des caucus de femmes, le rejet des stéréotypes sexistes dans le mouvement syndical tout cela contribue de façon centrale à enseigner aux travailleurs le sens de la vraie démocratie ouvrière et à miner le contrôle des directions bureaucratiques qui repose sur des méthodes de fonctionnement non démocratiques. Le problème du sexisme dans la classe ouvrière elle-même est un obstacle important à son unité. Mais d’autre part, quand la classe ouvrière en viendra à comprendre l’importance de la lutte contre l’oppression des femmes, elle aura fait un immense pas en avant dans sa capacité à remplir sa tâche historique.

52. Non seulement des femmes est nécessaire à la lutte pour les revendications des femmes et à l’unité réelle de la classe ouvrière. Mais le mouvement des femmes ouvre la possibilité d’expérience d’unité de l’ensemble des femmes en lutte contre leur oppression à l’échelle pan-canadienne. Cette lutte est donc un des chemins de la construction de la nécessaire alliance stratégique pan-canadienne.

F. Pour un parti ouvrier révolutionnaire pancanadien ! Pour une section pan-canadienne de la IVième Internationale !

53. Le renversement du capitalisme, la destruction de l’Etat impérialiste canadien et l’instauration d’une démocratie socialiste ne sera pas le résultat d’une montée spontanée aussi unitaire soit-elle du mouvement des masses laborieuses. La révolution socialiste est la première révolution conscience dans l’histoire de l’humanité et il ne peut en être autrement car sa force motrice, le prolétariat est la première classe de l’histoire à devoir prendre le pouvoir politique sans prendre au préalable le pouvoir économique. C’est pourquoi la classe ouvrière doit être consciente de ses objectifs pleinement. Ceci exige un programme et une stratégie révolutionnaire que seul un parti qui regroupe ses éléments les plus déterminés est en mesure de produire.

54. Un tel parti ne regroupe pas toute la classe mais ses éléments les plus acquis à la nécessité d’une révolution socialiste et à la nécessité de lutte pour elle. Les membres d’un tel parti doivent être les éléments les plus disciplinés et les plus actifs du prolétariat dans les luttes pour préparer l’ensemble de la classe ouvrière à engager la confrontation avec la bourgeoisie. Pour ce faire, le centralisme démocratique, i.e. la discipline dans l’action combinée au débat politique optimum avec droit de tendances et de fractions, est un principe essentiel d’organisation d’un tel parti.

55. Le parti ouvrier révolutionnaire se distingue des organisations de masse de la classe en ceci : le parti sélectionne ses membres et les regroupes sur des bases programmatiques qui exigent d’eux et d’elles un engagement complet à ce programme. L’organisation de masse si elle peut reprendre des perspectives politiques et s’engager dans la lutte révolutionnaire, demeure déterminée par son caractère spécifique d’organisation de tout le prolétariat. Parce que les syndicats sont les premières organisations de la classe ouvrière et parce qu’ils sont les premières organisations vouées à la défense des intérêts immédiats, économiques et sociaux du prolétariat, les marxistes-révolutionnaires militent activement dans les syndicats.

56. Notre conception de la construction de parti révolutionnaire procède de la nécessité de placer l’essentiel de notre travail au envers la de la formation et de la recomposition politique de l’avant-garde ouvrière. Sans nous prendre ou le noyau central du futur parti, nous refusons de nous considérer comme un des multiples noyaux et nous tendons toutes nos énergies vers l’objectif le plus crucial, la construction d’un seul parti révolutionnaire.

57. Ce parti ouvrier révolutionnaire doit être pancanadien. L’interrelation et l’interdépendance profonde des luttes des prolétariats et des masses opprimées contre l’Etat fédéral nécessité la construction, d’un parti ouvrier révolutionnaire, section unique de la Quatrième Internationale dans l’Etat canadien. Le développement de toute stratégie révolutionnaire concrète nécessite l’élaboration d’une ligne stratégique, d’un programme et même souvent de tactiques, de campagnes propagandistes et agitationnelles pancanadiennes et la construction d’une réelle direction pancanadienne représentative de la réalité multinationale de l’Etat canadien. Un parti ouvrier révolutionnaire léniniste est le seul instrument apte non seulement à comprendre le caractère combiné de la révolution prolétarienne dans l’Etat canadien mais aussi à assurer la direction des masses révolutionnaire dans cette révolution.

58. La structure de la formation sociale québécoise et le caractère autonome relatif de la vie politique et syndicale au Québec nécessitent la construction d’une direction nationale québécoise jouissant d’une relative autonomie politique et responsable devant les membres québécois, dans le cadre d’une section centraliste démocratique.

G.S.1989